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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 18:44

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

Edition GF n°1428 : (références des pages entre parenthèses)

Edition GF n°1632 : [références des pages entre crochets]

Savant précepteur, voyons lequel de nos élèves ressemble au sauvage, et lequel ressemble au paysan. Soumis en tout à une autorité toujours enseignante, le vôtre ne fait rien que sur parole ; il n’ose rien faire sans votre injonction. À quoi voulez-vous qu’il pense quand vous [232] pensez à sa place ? Qu’a-t-il besoin d’apprendre quand tout est prévu pour lui ? (166) Vous avez beau ramollir son corps dans l’inaction, vous n’en rendez pas son entendement plus flexible. Tout au contraire, vous achevez de décréditer la raison dans son esprit, en lui faisant user le peu qu’il en a sur les choses qui lui paraissent le plus inutiles.

Vous lui trouvez pourtant de l’esprit : il en a pour babiller mais quand il s’agit de prendre une décision difficile, il est alors plus stupide et plus bête que le fils du plus gros manant.

« Pour mon élève, ou plutôt celui de la nature, exercé de bonne heure à se suffire à lui-même autant qu’il est possible, il ne s’accoutume point à recourir sans cesse aux autres, encore moins à leur étaler son grand savoir. En revanche, il juge, il prévoit, il raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui. Il ne jase pas, il agit » ; [233] il ne sait pas ce qui se fait dans le monde mais il sait très bien faire ce qui lui convient. Comme il est sans cesse en mouvement, il acquiert une grande expérience : « il prend ses leçons de la nature et non pas des hommes ; il prend ses leçons de la nature et non pas des hommes ; il s’instruit d’autant mieux qu’il ne voit nulle part l’intention de l’instruire. Ainsi son corps et son esprit s’exercent à la fois. » Plus il devient fort, plus il devient sensé, réunissant ainsi la force du corps et celle de l’âme.

« Jeune instituteur, je vous prêche un art difficile, c’est de gouverner sans préceptes, et de tout faire en ne faisant rien. » (167) Cet art n’est pas très valorisant pour vous mais c’est le seul propre à réussir. Vous ne parviendrez jamais à faire des sages si vous ne faites d’abord des polissons ; c’était l’éducation des Spartiates que les Athéniens bavards craignaient.

« Dans les éducations les plus soignées, le maître commande et croit gouverner : c’est en effet l’enfant qui gouverne. » [234] Il se sert de vous et il faut sans arrêt composer avec lui à son avantage. « L’enfant, pour l’ordinaire, lit beaucoup mieux dans l’esprit du maître que le maître dans le cœur de l’enfant. » Ce n’est pas le cas de l’enfant livré à lui-même qui emploierait à sagacité à sauver sa liberté naturelle.

Prenez une route opposée avec votre élève ; « qu’il croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même. Le pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne peut rien, qui ne connaît rien, n’est-il pas à votre merci ? » Tout n’est-il pas entre vos mains (168). Sans doute il ne doit faire que ce qu’il veut ; mais il ne doit vouloir que ce que vous voulez qu’il fasse. [235]

C’est alors qu’il pourra se livrer aux exercices du corps et s’approprier les objets en faisant preuve d’invention sans abrutir son esprit et sans aiguiser sa ruse.

En le laissant ainsi maître de ses volontés, vous ne susciterez pas ses caprices. Au contraire, il verra preuve de beaucoup plus de sagesse quand il s’agira de son intérêt présent et sensible que dans toutes les études de pure spéculation.

Ainsi, ne vous voyant point attentif à le contrarier, il ne cherchera pas à vous tromper et vous pourrez l’étudier et lui donner les leçons que vous voulez sans qu’il pense les recevoir. [236]

Il ne cherchera plus à déceler vos points faibles comme moyen d’éluder une autorité importune et de décharger d’un joug pesant. (169) Voilà une source de vices bouchée dans le cœur d’Émile ; il ne cherchera pas trouver des défauts chez moi et chez les autres, il n’en cherchera pas. Tout ceci paraît difficile mais ne devrait pas l’être. On est en droit de vous supposer les lumières nécessaires pour exercer le métier que vous avez choisi ; on doit présumer que vous connaissez la marche naturelle du cœur humain, que vous savez étudier l’homme et l’individu ; que vous savez d’avance à quoi se pliera la volonté de votre élève à l’occasion de tous les objets intéressants pour son âge que vous ferez passer sous ses yeux. Savoir se servir des instruments, c’est être maître de l’opération.

Les caprices de l’enfant ne sont jamais l’ouvrage de la nature ; votre élève n’aura que ceux que vous leur aurez donnés. On peut y remédier [237] avec une meilleure conduite et beaucoup de patience.

Je m’étais chargé, durant quelques semaines, d’un enfant accoutumé à obtenir tout ce qu’il voulait selon sa fantaisie. Le premier jour, il se leva à minuit pour que j’en fasse autant puis repartit se coucher satisfait. Deux jours plus tard, il recommença et je réagis avec la même patience lui disant posément de n’y point revenir. Le troisième jour, donc, il se leva encore (170) et devant mon peu de réactions, il fit mine de prendre un fusil puis m’apporta un briquet. Et comme je me montrais indifférent, il se mit à crier et à tout bousculer. [238] Cela ne prenait pas.

Il continua alors son tintamarre. Alors, prenant le fusil et la chandelle, je le conduisis dans une pièce sans lumière où je l’enfermai à clef pour la nuit sans dire un mot. Il y eut bien encore quelques bruits puis tout devint calme. Au matin, je le retrouvai endormi.

Mais l’affaire ne s’arrêta pas là car la mère fut scandalisée. (171) L’enfant en profita pour se venger de moi en faisant semblant d’être tombé malade. Mais le médecin était lucide, [239] il prescrit à l’enfant la diète et la chambre et il fut recommandé à l’apothicaire. Je soupirais de voir cette mère qui m’avait pris en haine, être dupe de tout le monde.

Avec des reproches, elle se fit l’avocate de son fils délicat, l’unique héritier de la famille qu’il ne fallait pas contrarier. Je lui répondis que je ne savais pas comme on élevait les héritiers et que je ne voulais pas le savoir. Heureusement, le père arrangea tout en pressant le retour du précepteur. Quant à l’enfant, il ne chercha plus à se lever ou à feindre la maladie.

On ne saurait imaginer à combien de pareils caprices le petit tyran avait asservi son malheureux gouverneur ; car l’éducation se faisait sous les yeux de la mère, qui ne souffrait pas que l’héritier fût désobéi en rien. Il obtenait tout ce qu’il voulait du gouverneur et était bien décidé à faire de même avec moi. Je fis semblant d’aller dans son sens mais je m’y pris autrement pour guérir sa fantaisie. (172) [240]

Il fallut d’abord le mettre dans son tort, et cela ne fit pas difficile. J’eus soin de lui procurer son amusement préféré et quand je lui proposai en plein feu d’aller se promener, il refusa.

Le lendemain, donc, ce fut mon tour. Comme il s’ennuyait, il voulut qu’in ailler se promener. Je refusai. Vexé, il décida qu’il sortirait quand même, tout seul.

Il s’habilla, vint me saluer, essaya de me faire changer d’avis, demanda au laquais de le suivre ; mais celui-ci qui m’obéissait, refusa. Il commençait à être déstabilisé [241] mais ne pouvant pas céder, il sortit enfin dans la rue.

Tout était préparé d’avance, avec le consentement du père. À peine eut-il fait (173) trois pas dehors qu’il commença à entendre jaser sur son compte. Plus loin, des polissons de son âge l’agacèrent et se moquèrent de lui. Seul et sans protection, il commençait à réaliser que son bel habit ne lui était d’aucune utilité.

Finalement, un de mes amis, chargé de le surveiller, finit par l’accoster et,[242] innocemment, lui fit comprendre l’imprudence de son équipée. Au bout d’une demi-heure, il me le ramena souple et confus et n’osant lever les yeux.

Pour achever le désastre de son expédition, il se retrouva nez à nez avec son père au moment de son retour. Et celui-ci lui dit sèchement que s’il avisait encore de sortir seul, il ne pourrait plus rentrer.

Pour moi, je le reçus sans reproche et sans raillerie mais (174) je n’acceptai de sortir avec lui que le lendemain. Il ne menaça plus de sortir sans moi.

C’est par ces moyens et d’autres semblables que, durant le peu de temps que je fus avec lui, je vins à bout [243] de lui faire faire tout ce que je voulais sans lui rien prescrire, sans lui rien défendre, sans l’ennuyer de leçons inutiles. Aussi, tant que je parlais, il était content ; mais mon silence le tenait en crainte ; il comprenait que quelque chose n’allait pas bien, et toujours la leçon lui venait de la chose même.

Non seulement « ces exercices continuels, ainsi laissés à la seule direction de la nature, en fortifiant le corps, n’abrutissent point l’esprit » ; mais ils forment la seule espèce de raison indispensable. Ils nous apprennent à bien connaître l’usage de nos forces et les rapports de nos corps à l’environnement. Y a-t-il quelque stupidité pareille à celle d’un enfant élevé toujours dans la chambre et sous les yeux de sa mère et qui veut se confronter au monde physique ? C’est ce qui m’arriva quand je sortis de Genève la première fois ; j’étais cent fois plus idiot que les enfants du village. Les petits paysans savent se servir d’un levier quand on l’apprend à dix-huit ans en philosophie. Les [244] leçons que les écoliers prennent entre eux dans la cour du collège leur sont cent fois plus utiles que tout ce qu’on ne leur dira jamais dans la classe.

L’enfant qui entre dans un espace nouveau l’explore à la manière d’un chat pour le connaître complètement (175), l’un le fait avec les mains, l’autre avec son odorat. Cette disposition, bien ou mal cultivée, est ce qui rend les enfants adroits ou lourds, pesants ou dispos, étourdis ou prudents.

Les premiers mouvements naturels de l’homme étant donc de se mesurer à son environnement et d’éprouver toutes les qualités sensibles dans les objets, sa première étude est une sorte de physique expérimentale relative à sa conservation et dont on le détourne par des études spéculatives. Il est temps d’exercer ses organes et ses sens aux fonctions qui leur sont propres ; c’est le temps d’apprendre à connaître les rapports sensibles que les choses ont avec [245] nous. Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive ; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre à nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, et à ne jamais rien savoir.

Pour apprendre à penser, il faut exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence ; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps, qui les fournit, soit robuste et sain. Ainsi c’est une bonne constitution du corps (176) qui facilite les opérations de l’esprit.

En montrant à quoi l’on doit employer la longue oisiveté de l’enfance, j’entre dans un détail qui paraîtra ridicule. Plaisantes leçons, en effet, que celles qui se bornent à enseigner ce que nul n’a besoin d’apprendre ! Tout enfant de douze ans sait déjà tout ce que vous voulez apprendre au vôtre.

Vous vous trompez : j’enseigne à mon élève l’art… de l’ignorance. [246]. Quand un précepteur étale le savoir de son disciple, je suis tenté de dire comme cet ambassadeur : « Il n’y a pas de racine ».

Ce qui distingue le plus les anciens des modernes est cette vigueur du corps liée aux exercices de gymnastique. C’est ce que pensait Montaigne : pour former l’âme, il faut endurcir le corps. Des philosophes aussi différents que Locke, Rollin, Fleury et de Crouzas s’accordent en ce seul point d’exercer les corps des enfants. C’est le plus judicieux et le plus négligé des préceptes. J’en ai déjà [247] parlé (177) et je renvoie au livre de Locke en y ajoutant quelques observations. Rien ne doit gêner les mouvements et la croissance dans leur vêtement. Les habillements français et houssards ne conviennent guère aux enfants. Il vaut mieux leur donner d’abord [248] une jaquette puis un vêtement large. Les défauts du corps et de l’esprit viennent presque tous de la même cause ; on les veut faire hommes avant le temps.

On peut admettre que les enfants préfèrent naturellement les couleurs gaies mais en ce qui concerne le luxe des événements, on est sûr que ce goût ne vient pas d’eux-mêmes. On ne saurait dire combien le choix des vêtements et les motifs de ce choix influent sur l’éducation. On récompense ou on punit des enfants avec des habits précieux ou grossiers. [249] (178) Comment s’étonner ensuite que la jeunesse ne juge du mérite que sur l’aspect extérieur ?

Si j’avais à remettre la tête d’un enfant ainsi gâté, je ferais en sorte que les habits les plus riches soient les plus incommodes. Je le rendrais esclave de son habit. Avant que l’enfant ne soit asservi à nos préjugés, il considèrera toujours que le vêtement le plus précieux est le plus confortable.

Les gens casaniers et sédentaires doivent s’habiller chaudement en tout temps, ceux qui bougent sans arrêt doivent au contraire [250] être vêtus plus légèrement. Je conseillerais aux uns et aux autres de ne point changer d’habits selon les saisons, et ce sera la pratique constante de mon Émile ; et je veux qu’il porte l’hiver ses habits d’été, comme le chevalier Newton, et non l’inverse. (179)

« Accoutumez vos enfants à demeurer été et hiver, jour et nuit toujours tête nue » pour qu’ils aient les os de la tête solides comme les anciens Égyptiens, plutôt que comme les Perses qui avaient la tête couverte (ce que voudraient les mères). Si vous voulez qu’ils gardent les cheveux propres et ordonnées la nuit [251] mettez leur un bonnet mince à claire-voie.

En général, on habille trop les enfants, et surtout durant le premier âge. Il faudrait plutôt les endurcir au froid qu’au chaud. Et à mesure que l’enfant grandit, il faut l’accoutumer à braver les rayons du soleil.

Locke retombe dans des contradictions inattendues (180) en souhaitant que les enfants se baignent l’été dans l’eau glacée, mais pas, quand ils sont échauffés, qu’ils boivent frais, ni qu’ils se couchent par terre dans des endroits humides et [252] en privilégiant le visage sur les autres parties du corps, comme les pieds.

Pour empêcher les enfants de boire quand ils ont chaud, il conseille de les habituer à manger un morceau de pain avant que de boire. Je trouve cela bien étrange et j’ai du mal à croire que nos premiers appétits soient si déréglés, qu’on ne puisse les satisfaire sans nous exposer à périr.

Toutes les fois qu’Émile aura soif, je veux qu’on lui donne à boire de l’eau pure [253] en distinguant l’eau de rivière (qu’on peut donner sur le champ parce qu’elles sont à la température de l’air) et l’eau de source (qu’il faut d’abord laisser reposer à l’air. (181) Émile s’exercera l’hiver dehors, en pleine campagne et boira quand il aura soif, même froid.

« Il faut un long sommeil aux enfants, parce qu’ils font un extrême exercice. L’un sert de correctif à l’autre ; aussi voit-on qu’ils ont besoin de tous deux. Le temps du repos est celui de la nuit, il est marqué par la nature. » L’habitude la plus salutaire [254] est certainement de se lever et de coucher avec le soleil. D’où il suit que dans nos climats l’homme et tous les animaux ont en général besoin de dormir plus longtemps l’hiver que l’été. Mais dans la vie civile, il faut aussi habituer l’homme à enfreindre ces règles d’uniformité. Si on doit le livrer sans gêne aux lois de la nature, il doit aussi pouvoir rompre avec ces cycles. C’est ainsi (182) qu’on forme le tempérament.

Il vaut mieux s’habituer à dormir à la dure que le contraire pour pouvoir dormir partout ; « la vie dure, une fois tournée en habitude, multiplie les sensations agréables ; la vie molle en prépare une infinité de déplaisantes. »

Un lit trop souple dissout le corps et peut être la cause [255] de certains dysfonctionnements rénaux et autres incommodités.

Le meilleur lit est celui qui procure un meilleur sommeil. Voilà celui que nous nous préparons Émile et moi pendant la journée : en labourant la terre nous remuons nos matelas.

Je sais par expérience que « quand un enfant est en santé, l’on est maître de le faire dormir et veiller presque à volonté. » On peut l’endormir facilement en lui parlant.

J’éveillerai quelquefois Émile pour l’habituer à être éveillé brusquement. Je saurais le faire s’éveiller de lui-même sans dire un mot. (183)

Je lui dirai ce qu’il faut s’il ne dort pas assez ou s’il dort trop. [256] Il finira par s’éveiller de lui-même.

Au reste, s’il arrivait qu’un enfant indolent cédât à la paresse, il faudrait le remotiver par quelque appétit pris avec choix dans l’ordre de la nature.

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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 17:42

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

Edition GF n°1428 : (références des pages entre parenthèses)

Edition GF n°1632 : [références des pages entre crochets]

 

« Tous ces exemples et cent mille autres prouvent, ce me semble, que l’inaptitude qu’on suppose aux enfants pour nos exercices est imaginaire, et que, si on ne les voit point réussir dans quelques-uns, c’est qu’on ne les y a jamais exercés. »

On me dira que je tombe ici, par rapport au corps, dans le défaut de la culture prématurée que je blâme dans les enfants par rapport à l’esprit. La différence est très grande ; car l’un de ces progrès (celui de l’esprit) n’est qu’apparent, mais l’autre (celui des corps) est réel. D’ailleurs tout ceci n’est qu’un jeu [294] (211) dont on peut faire un objet d’instruction sans aucune urgence ni contrainte.

La vue et le toucher s’appliquent également sur les corps en repos ou en mouvement. Il n’y a qu’un corps en mouvement qui émette un son. La nuit, il importe d’avoir l’oreille alerte pour savoir quel corps se déplace. Si dans une plaine ou dans une vallée on met l’oreille à terre, on peut entendre la voix des hommes et le pas des chevaux.

On peut faire la même expérience en comparant la vue à l’ouïe (le boulet qui arrive en même temps que le bruit alors qu’on a vu le feu avant) [295]. « Faites en sorte que l’enfant connaisse toutes ces expériences ; qu’il fasse celles qui sont à sa portée, et qu’il trouve les autres par induction, (212) mais j’aime cent fois mieux qu’il les ignore que s’il faut que vous les lui disiez. »

La voix est l’organe qui répond à l’ouïe, nous n’avons pas l’équivalent qui réponde à la vue. Raison de plus pour cultiver le premier sens, en exerçant l’organe actif et l’organe passif l’un par l’autre.

L’homme a trois sortes de voix : la voix parlante, la voix chantante, et la voix pathétique, qui sert de langage aux passions, et qui anime le chant et la parole. L’enfant a ces trois sortes de voix comme l’homme, sans les savoir allier de même ; il a comme nous le rire et les plaintes, mais il ne sait pas en mêler les inflexions aux deux autres voix. Les enfants sont incapables de cette musique qui réunit au mieux les trois voix, et leur chant n’a jamais d’âme. Dans la voix parlante, leur langage n’a point d’accent et il y a peu d’énergie dans leur voix. Notre élève aura le parler le plus simple sans passions. Ne lui apprenez pas [296] à déclamer des choses et des sentiments qu’il ne connaît pas.

« Apprenez-lui à parler uniment, clairement, à bien articuler, à prononcer exactement et sans affectation, à connaître et à suivre l’accent grammatical et la prosodie, à donner toujours assez de voix pour être entendu, mais à n’en donner jamais plus qu’il ne faut ; défaut ordinaire aux enfants élevés dans les collèges : en toute chose rien de superflu. »

Dans le chant, rendez sa voix juste et son oreille sensible mais rien de plus. Mais je ne veux pas qu’il chante des paroles, sinon je lui ferais des paroles adaptées. (213)

On pense bien qu’« étant si peu pressé de lui apprendre à lire l’écriture, je ne le serai pas non plus de lui apprendre à lire la musique. » Ne surchargeons pas son esprit de conventions même si la méconnaissance des notes empêche de retranscrire les idées d’autrui contrairement à la parole. [297]

Mais, premièrement, au lieu de les lire on peut les ouïr, et un chant se rend à l’oreille encore plus fidèlement qu’à l’œil. De plus, pour bien savoir la musique, il ne suffit pas de la rendre, il la faut composer, et l’un doit s’apprendre avec l’autre, sans quoi l’on ne la sait jamais bien. Exercez votre musicien à faire des phrases régulières et à les relier entre elles. Choisissez des chants simples et des mélodies chantantes accompagnées au clavecin.

Pour mieux marquer les sons, on les articule en les prononçant ; de là l’usage de solfier avec certaines syllabes. [298]. Pour distinguer ces degrés, il faut les nommer (214) … [bases du système de notation musicale de Rousseau des années 1740]. [299] …

Mais c’en est trop sur la musique : enseignez-la comme vous voudrez, pourvu qu’elle ne soit jamais qu’un amusement.

Nous voilà bien avertis de l’état des corps étrangers par rapport au nôtre. (215) Nous sommes instruits de ceux qu’il convient d’approcher ou d’éloigner ; mais ce n’est pas assez ; notre [300] propre corps s’épuise sans cesse, il a besoin d’être sans cesse renouvelé. Tous les aliments ne sont pas tous convenables pour l’homme.

Nous mourrions affamés ou empoisonnés s’il fallait attendre des nourritures qui nous conviennent. Mais la nature nous apprend ce qui est bon à notre estomac et il n’y a pas de meilleur médecin que notre appétit.

De plus, l’Auteur des choses ne pourvoit pas seulement à nos besoins mais aussi à nos désirs ; et c’est pour nous mettre toujours le désir à côté du besoin, qu’il fait que nos goûts changent et s’altèrent avec nos manières de [301] vivre. Plus nous nous éloignons de l’état de nature, plus nous perdons de nos goûts naturels ; ou plutôt l’habitude nous fait une seconde nature que nous substituons tellement à la première, que nul d’entre nous ne connaît plus celle-ci.

Il s’ensuit que les goûts les plus naturels doivent être aussi les plus simples. L’homme qui n’est encore d’aucun pays se fera sans peine aux usages de quelques pays que ce soit ; mais l’homme d’un pays ne devient plus celui d’un autre. (216)

Ceci est vrai dans tous les sens et plus encre en ce qui concerne les goûts. Liste d’aliments et évolution du goût [302]. Les goûts les plus simples sont les plus universels. « Conservons à l’enfant son goût primitif le plus qu’il est possible ; que sa nourriture soit commune et simple. »

Je n’examine pas ici si cette manière de vivre est la plus saine. Il me suffit de savoir que c’est la plus conforme à la nature et celle qui peut le plus aisément se plier à tout autre. Pourquoi la nourriture d’un enfant devrait-elle être la même que celle de l’adulte qu’il deviendra. Ils n’ont pas la même vie et les mêmes besoins. [303] (217). Considérations sur la cuisine française.

De nos sensations diverses, le goût donne celles qui généralement nous affectent le plus. Mille choses sont indifférentes au toucher, à l’ouïe, à la vue ; mais il n’y a presque rien d’indifférent au goût.

L’activité de ce sens est toute matérielle et physique ; il est le seul que ne dit rien à l’imagination, du moins celui dans les sensations duquel elle entre le moins ; au lieu que l’imitation et l’imagination mêlent souvent du moral à l’impression de tous les autres. Les cœurs tendres et les caractères sensibles, faciles à émouvoir par les autres sens, sont assez tièdes sur celui-ci. [304] Le moyen le plus convenable pour gouverner les enfants est de les mener par la bouche. Le mobile de la gourmandise est surtout préférable à celui de la vanité en ce que le premier est un appétit de la nature alors que le second est l’ouvrage de l’opinion. « La gourmandise est la passion de l’enfance » Cette passion disparaît facilement. Quand il sera grand d’autres sentiments l’occuperont. Il y a des gens cependant (218) qui continuent à de conduire comme de grands enfants vis-à-vis de la nourriture. « La gourmandise est le vice [305] des cœurs qui n’ont point d’étoffe ». L’âme d’un gourmand est toute dans son palais ; il n’est fait que pour manger.

« Craindre que la gourmandise ne s’enracine dans un enfant capable de quelque chose est une précaution de petit esprit ». Dans l’enfance on ne songe qu’à ce qu’on mange ; dans l’adolescence on n’y songe plus. Je ne voudrais pourtant pas qu’on fasse un usage aussi bas d’une telle action. Mais je ne vois pas pourquoi, toute l’enfance n’étant ou ne devant être que jeux et folâtres amusements, des exercices purement corporels n’auraient pas un prix matériel et sensible (exemples du jeune Majorquin et du jeune Spartiate). [306] Un bon repas est parfois l’effet des soins qu’on a mis pour se le procurer. Le gâteau d’Émile.  (219).

Ceci ne contredit point les maximes que j’avançais tout à l’heure sur la simplicité des mets, car, pour flatter l’appétit des enfants, il ne s’agit pas d’exciter leur sensualité, mais seulement de la satisfaire. Pour satisfaire leur appétit continuel, il faut leur donner des fruits, du laitage et quelques pièces de four dispensés sobrement.

Une preuve que le goût de la viande n’est pas naturel à l’homme est l’indifférence des enfants pour ce mets-là et préfèrent les nourritures végétales. Il importe toutefois de ne pas en faire des carnassiers ; les mangeurs de viande sont en général cruels et féroces [307] (exemples des Anglais, des sauvages, des Cyclopes).

Longue citation de l’historien antique Plutarque, extraite de ses Traités sur les animaux dans laquelle il condamne vigoureusement les penchants carnassiers de l’homme et le meurtre des animaux : [308] Pythagore s’abstenait de la manger de la chair des bêtes. Comment l’homme peut-il supporter un meurtre ? Quelle horreur dût-il ressentir la première fois qu’il surmonta la nature pour faire cet horrible repas ! Les premiers hommes avaient des excuses, la terre ne produisait rien [309] (221). Mais la terre donna ensuite largement de quoi nourrir les hommes. [310] Les bêtes féroces tuent pour vivre mais nous nous attaquons aux plus innocentes. « Ô meurtrier contre la nature ! » au moins tue les animaux de tes propres mains sans armes… (222). Tu commences par tuer l’animal puis tu le manges comme pour le faire mourir deux fois. [311]

Quoique ce texte soit étranger à mon sujet, je n’ai pas résisté à la tentation de le transcrire.

« Au reste, quelque sorte de régime que vous donniez aux enfants, pourvu que vous ne les accoutumiez qu’à des mets communs et simples, laissez-les manger, courir et jouer tant qu’il leur plaît ; puis soyez sûrs qu’ils ne mangeront jamais trop et n’auront point d’indigestions ; mais si vous les affamez la moitié du temps, et qu’ils trouvent le moyen d’échapper à votre vigilance, ils se dédommageront de toute leur force, ils mangeront jusqu’à regorger, jusqu’à crever. » Notre appétit n’est démesuré que parce que nous voulons lui donner d’autres règles que celles de la nature. J’en reviens toujours à mes exemples. Chez les paysans, la huche et le fruitier sont toujours ouverts, et les enfants, non plus que les hommes, n’y savent ce que c’est qu’indigestions.

S’il arrivait pourtant qu’un enfant mangeât trop, je connais des moyens de le distraire de cette occupation, comme le firent les Lydiens au moment de la disette (223) [312]. Un savant me dira peut-être qu’un enfant ne quitte pas volontiers son dîner pour aller étudier. Je ne pensais pas à cet amusement-là.

Le sens de l’odorat est au goût ce que celui de la vue est au toucher ; il l’avertit de ce qu’il doit chercher ou fuir. Les sauvages avaient l’odorat beaucoup plus développé que le nôtre. Les odeurs sont des sensations faibles qui ébranlent plus l’imagination que le sens. Mais les goûts (et l’appréciation des odeurs afférentes) des uns et des autres sont très différents ; [313] (exemple du Tartare).

Des gens pressés ne seront pas sensibles au parfum des fleurs ; un affamé ne le sera pas non plus des parfums qui n’annoncent rien à manger.

L’odorat est le sens de l’imagination ; il agit beaucoup sur le cerveau (224). Il a des effets connus dans l’amour.

L’odorat ne doit pas être fort actif dès les premiers âges où l’imagination n’est guère susceptible d’émotion ; et ce sens est presque hébété chez les enfants. Ils ne lui associent pas un sentiment de plaisir ou de peine. [314] Les femmes s’affectent plus vivement des odeurs que les hommes.

Les sauvages du Canada ont rendu leur odorat si subtil qu’ils se passent de leurs chiens à la chasse. Je ne vois pas l’intérêt de perfectionner l’odorat au même point chez l’enfant si ce n’est pour leur faire connaître ses rapports avec celui du goût. La nature a pris soin d’associer ces deux sens de sorte que nous ne goûtons rien sans flairer. Je voudrais seulement qu’on n’altérât pas ces rapports naturels pour tromper un enfant, en couvrant, par exemple, d’un aromate agréable le déboire d’une médecine ; car la discorde des deux sens est trop grande alors pour (225) pouvoir l’abuser ; [315] on risque alors de gâter les deux sens.

Il me reste à parler de la culture d’une espèce de sixième sens, appelé sens commun, moins parce qu’il est commun à tous les hommes, que parce qu’il résulte de l’usage bien réglé des autres sens, et qu’il nous instruit de la nature des choses par le concours de toutes leurs apparences. Ce sixième sens n’a point par conséquent d’organe particulier : il ne réside que dans le cerveau, et ses sensations, purement internes, s’appellent perceptions ou idées. C’est par le nombre de ces idées que se mesure l’étendue de nos connaissances. Ainsi ce que j’appelais raison [316] sensitive ou puérile consiste à former des idées simples par le concours de plusieurs sensations ; et ce que j’appelle raison intellectuelle ou humaine consiste à former des idées complexes par le concours de plusieurs idées simples.

Avec ma méthode naturelle, nous avons amené notre élève, à travers les pays des sensations, jusqu’aux confins de la raison puérile : : le premier pas que nous allons faire au-delà doit être un pas d’homme. Considérons ce que c’est qu’un enfant fait. [317]

Nous ne voyons pas forcément les choses telles qu’elles sont (226) mais avec l’imagination de ce qu’elles vont être comme les paysages selon les saisons. [318]

On voit la nature au printemps comme elle sera en été. En automne notre imagination est bloquée par le spectacle de l’hiver.

« Telle est la source du charme qu’on trouve à contempler une belle enfance préférablement à la perfection de l’âge mûr. » Le plaisir à voir un homme est plutôt rétrospectif et nostalgique. L’idée de la nature déclinante efface tout notre plaisir. Il n’y en a point à avancer vers la mort.

Mais quand je me figure un enfant de dix à douze ans, (227) il ne me vient que des visions agréables pour le présent et l’avenir. ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l’imagine homme, [319] et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit.

L’heure sonne où l’enfant doit abandonner la joie et ses jeux. On l’emmène dans une chambre avec des livres et plein de regrets, il pleure.

O toi qui n’a rien à craindre de pareil, viens, mon heureux élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné. Il arrive et je sens, à son approche, un mouvement de joie : c’est son ami qu’il aborde. Nous nous accordons toujours ensemble.

Son apparence annonce l’assurance et le contentement ; la santé irradie son visage. Il est plein de vigueur. (228) [320] Il a l’air ouvert et libre. La honte et la crainte ne lui font pas baisser la tête.

« Faisons-lui place au milieu de l’assemblée : messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N’ayez pas peur qu’il s’empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire. »

N’attendez pas de lui des propos convenus mais des paroles franches sans dissimulation ni calcul. [321]

N’attendez point de lui des bons mots. Ses idées sont simples mais nettes ; il ne sait rien par cœur, il sait beaucoup par expérience. S’il lit moins bien qu’un autre enfant dans nos livres, il lit mieux dans celui de la nature ; son esprit n’est pas dans sa langue, mais dans sa tête ; il a (229) moins de mémoire que de jugement ; il ne sait parler qu’un langage, mais il entend ce qu’il dit ; et s’il ne dit pas si bien que les autres disent, en revanche, il fait mieux qu’ils ne font.

Il ne connaît pas la routine, les modèles et l’autorité. Ainsi n’attendez pas des discours apprêtés mais l’expression fidèle de ses idées.

Parlez-lui de ce qui le concerne mais pas de la situation générale des hommes [322] qui ne le concerne pas. (230)

De son côté, s’il a besoin d’assistance, il le demandera au premier venu, roi ou laquais : tous les hommes sont encore égaux à ses yeux. Il sait qu’on ne lui doit rien, que ce qu’il demande est une grâce mais que l’humanité porte à en accorder. Sa voix est accoutumée à la complaisance et au refus. Ce n’est ni une soumission servile ni l’arrogance d’un maître ; c’est une modeste confiance en son semblable, la touchante douceur d’un être libre qui implore l’assistance d’un être libre. Si vous lui accordez, il saura qu’il aura contracté une dette, si vous refusez, il ne vous en voudra pas. [323]

« Laissez-le seul en liberté, voyez-le agir sans lui rien dire ; considérez ce qu’il fera et comment il s’y prendra. » Il sait qu’il est maître de lui et de ses forces et examinera lui-même ce qu’il a besoin d’apprendre sans le demander aux autres. Il s’effrayera moins des risques qu’un autre. Son imagination étant encore inactive (231), il garde plus aisément son sang-froid. Il est toujours prêt à tout.

Il ne fait point de différences entre ses occupations et ses amusements. Il met à tout ce qu’il fait un intérêt qui fait rire et une liberté qui plaît, en montrant à la fois le tour de son esprit et la sphère de ses connaissances. [324]

Mêlez-le avec d’autres enfants et comparez. Parmi les enfants de la ville, nul n’est plus adroit que lui, mais il est plus fort qu’aucun autre. Parmi de jeunes paysans, il les égale en force et les passe en adresse. Dans tout ce qui est à portée de l’enfance, il juge, il raisonne, il prévoit mieux qu’eux tous. Dans toutes les actions, on dirait que la nature est à ses ordres. Il est fait pour gouverner ses égaux ; sans vouloir commander, il sera le maître ; sans croire obéir, ils obéiront.

« Il est parvenu à la maturité de l’enfance, il a vécu de la vie d’un enfant, il n’a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur ; au contraire, ils ont concouru l’un à l’autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l’être. » Si la mort devait l’emporter (232) il n’y aurait rien à regretter. Au moins il a joui de son [325] enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné.

Le grand inconvénient de cette première éducation est qu’elle n’est sensible qu’aux hommes clairvoyants, et que, dans un enfant élevé avec tant de soin, des yeux vulgaires ne voient qu’un polisson. Un précepteur songe à son intérêt plus qu’à celui de son disciple ; il veut juste prouver qu’il gagne bien son salaire, peu importe si ce qu’il lui apprend est inutile. Il présente son élève comme de la marchandise. Or un enfant, non plus qu’un homme, ne se voit pas en un moment. [326]

Il ne faut pas plus lasser l’attention de l’enfant par un excès de questions et pas davantage se fier à la fausse impression d’un bon mot. Il faut avoir beaucoup de jugement soi-même pour apprécier celui d’un enfant.

J’ai entendu raconter cette anecdote par milord Hyde : un de ses amis voulut examiner les progrès de son fils, âgé de neuf à dix ans, après trois ans d’absence. Comme son fils lui fit une réponse si pertinente (233) à propos de l’ombre d’un cerf-volant, le père récompensa le gouverneur de l’enfant.

« Quel homme que ce père-là ! et quel fils lui était promis ! La question est précisément de l’âge : la réponse est bien simple ; mais voyez quelle netteté de judiciaire [327] enfantine elle suppose ! C’est ainsi que l’élève d’Aristote apprivoisait ce coursier célèbre qu’aucun écuyer n’avait pu dompter. » (234) [328]

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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 18:41

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

1. LE BRIQUET (33)

En dupant une vieille sorcière qui voulait l’utiliser pour son propre compte, un soldat rentrant de guerre s’empare d’un trésor gardé par des chiens. Le trésor lui permet de mener grand train en ville jusqu’à ce qu’il ait dépensé le dernier sou. Mais le briquet lui permet de retrouver la fortune et surtout d’entrer en contact avec une princesse recluse. Mais la famille royale s’en aperçoit et le soldat est arrêté, emprisonné et condamné. Le briquet va lui permettre une nouvelle fois de retourner la situation en sa faveur.

  1. Le soldat, la sorcière et les trois portes (33)
  2. Le soldat, le briquet et la mort de la sorcière (34)
  3. La prodigalité du soldat à la ville (36)
  4. Le soldat et la princesse (37)
  5. La condamnation et le triomphe du soldat (39)

2. LA PRINCESSE SUR LE POIS (43)

Un prince parcourt en vain le monde à la recherche de la princesse idéale jusqu’au jour où une jeune fille se présente au château, un soir de pluie. Pour s’assurer que c’est bien une princesse, la reine la fait dormir sur vingt matelas et vingt édredons au-dessous desquels elle a placé un pois.

3. LES FLEURS DE LA PETITE IDA (45)

À la petite Ida qui s’inquiète de voir les fleurs mourir, l’étudiant explique que si elles sont dans cet état, c’est qu’elles ont dansé toute la nuit. Le soir venu, Ida assiste en effet au bal des fleurs et le matin, elle enterre les fleurs défuntes.

  1. Ida et l’étudiant qui raconte des histoires de fleurs (45)
  2. Les fleurs du jardin botanique (47)

« A-t-on idée de faire croire des choses pareilles à cette enfant ! » se plaignit alors l’ennuyeux conseiller de chancellerie » (48).

  1. Le bal des fleurs (48)

« La poupée de cire sur le paquet de verges de la mi-carême grandit tout à coup et tournoya au-dessus des fleurs de papier en imitant le conseiller de chancellerie : « A-t-on idée de faire croire des choses pareilles à cette enfant ! C’est de l’imagination, ce sont des stupidités ! » (51)

  1. L’enterrement (54)

4. LA PETITE SIRÈNE

Au plus profond de la mer, le roi de la mer vit avec sa mère et ses six filles. A quinze ans, chaque sirène a le droit de monter à la surface pour voir ce qui se passe. La plus jeune sirène doit patienter. Quand le jour arrive, elle découvre un grand bateau sur lequel on fête le seizième anniversaire d’un jeune prince. Mais la tempête éclate et le bateau sombre. La petite sirène sauve le prince et le dépose sur une plage où des jeunes filles le prennent en charge. Rentrée chez son père, la petite sirène vit dans la nostalgie de cette rencontre. Elle ne pense qu’à une seule chose : devenir humaine, quitte à renoncer à ses privilèges de sirène. Elle se rend alors chez la sorcière de mer qui lui fait boire un breuvage et lui coupe la langue : elle a perdu sa queue de poisson au profit de jambes et elle est devenue muette. La petite sirène rejoint la cour du prince mais celui-ci se marie avec la fille du roi voisin. Elle refuse d’assassiner le prince pit se délivrer du maléfice et rejoint les filles de l’air.

  1. Le roi de la mer, sa mère et ses six filles (55)

« Toute la journée, les enfants jouaient dans les grandes salles du château, envahies par les poissons, ou s’amusaient à cultiver leur parcelle dans le jardin. Alors que chacune de ses sœurs décorait son domaine avec des objets provenant de bâtiments naufragés, la plus jeune, enfant étrange et réfléchie, (56) se contentait d’une statue de marbre représentant un charmant petit garçon qui s’était noyé lors d’un naufrage, à côté de laquelle elle avait planté un saule pleureur. »

  1. Le temps est venu pour les cinq premières sœurs de monter à la surface (58)

« Dans une baie, elle voulut jouer avec des enfants qui pataugeaient dans l’eau mais ils se sauvèrent, effrayés et un chien arriva en aboyant ». (59)

  1. La petite sirène, l’anniversaire du jeune prince et le naufrage (61)
  2. Le jeune prince sauvé (63)
  3. La petite sirène veut retrouver le prince et être humaine (64)
  4. Tristesse de la petite sirène à la cour de son père (68)
  5. La petite sirène chez la sorcière de mer (69)
  6. Un engagement fatal (70)
  7. Le breuvage magique et la langue coupée (71)
  8. La petite sirène avec des jambes et sans voix au château du prince (72)

« Tout le monde fut émerveillé, surtout le prince (73) qui l’appela sa « petite enfant trouvée » et lui dit qu’elle resterait toujours et lui permit de dormir à sa porte sur un coussin de velours. « (73)

  1. Intimité de la petite sirène avec le prince qui projette de se marier (74)

« L’affection du prince pour elle grandissait de jour en jour ; il l’aimait comme on peut aimer une enfant bonne et gentille, mais il ne lui venait pas à l’idée d’en faire une reine, et il fallait pourtant qu’elle devienne sa femme, sinon, elle ne pourrait pas avoir une âme immortelle, et le lendemain du jour des noces du prince, elle se transformerait en écume sur la mer. « - Est-ce que ce n’est pas moi que tu aimes plus que (74) toutes ? »

« Je ne peux pas l’aimer ! elle ne ressemble pas à la belle jeune fille du temple à laquelle tu ressembles ; si je devais un jour choisir une épouse, ce serait plutôt toi, mon enfant trouvée muette aux yeux expressifs ! » Et il baisa sa bouche rouge, joua avec ses cheveux et reposa sa tête sur son cœur. » (76)

  1. La petite sirène accompagne le prince chez le roi voisin. Fiançailles du prince avec la princesse (76)
  2. Se délivrer du maléfice en assassinant le prince (77)
  3. La petite sirène rejoint les filles de l’air (79)

« Invisible, la petite sirène déposa un baiser sur le front de la mariée, adressa un sourire au prince et monta avec les autres enfants de l’air sur le nuage rose qui naviguait dans l’atmosphère. A chaque fois que nous trouverons un enfant gentil dans une maison (80), nos trois cents ans seront abrégés d’une année, mais si nous voyons un enfant vilain et méchant, chaque larme ajoutera un jour à notre temps d’épreuve. » (81)

5. LES NOUVEAUX HABITS DE L’EMPEREUR (83)

Un empereur obsédé par ses habits se voit un jour proposer par de faux tisserands un tissu fabuleux qui ne peut être vu par les gens idiots ou incompétents. Les escrocs demandent de l’argent, de la soie et de l’or et font semblant de se mettre au travail. Deux émissaires de l’empereur n’osent pas avouer qu’ils ne voient rien pour ne pas passer pour stupides ou incapables. L’empereur lui-même est embarrassé et l’imposture généralisée se concrétise par la procession grotesque. Mais un petit enfant crie la vérité que tout le monde finit par reconnaître. L’empereur est obligé de terminer la procession.

  1. L’empereur qui aime les beaux habits nouveaux (83)
  2. Les habits invisibles des deux tisserands escrocs (83)
  3. Deux émissaires de l’empereur n’osent pas dire qu’ils ne voient rien (84)
  4. Imposture généralisée (85)
  5. La nuit précédant la procession : travail feint (86)
  6. L’empereur met ses habits invisibles (86)
  7. La procession de l’empereur avec ses habits invisibles (87)
  8. La vérité sort de la bouche des enfants (87)

« Mais voyons, il n’a rien sur lui ! » dit un petit enfant. « Mon Dieu, écoutez la voix de l’innocent ! » dit le père. Et on se chuchota de l’un à l’autre ce que l’enfant avait dit. » (87)

6. LE VAILLANT PETIT SOLDAT DE PLOMB (89)

C’est l’histoire d’un petit soldat de plomb auquel il manque une jambe. Parmi les jouets de la maison, il remarque une petite danseuse sur une jambe. Mais le soldat tombe du troisième étage et il est entraîné dans le courant, menacé par un rat et avalé par un poisson. Mais la bonne achète et ouvre le poisson et sauve le soldat qui retrouve les jouets. Malheureusement, l’un des garçons jette le soldat dans le poêle où il est rejoint par la petite danseuse. Les deux se consument.

  1. Les vingt-cinq soldats de plomb offerts à l’anniversaire d’un petit garçon (89)
  2. Le petit soldat unijambiste et la danseuse du château de papier (89)
  3. La nuit, un troll interpelle le soldat de plomb (90)
  4. Chute du soldat de plomb entraîné par le courant et avalé par un poisson (91)

« Le lendemain matin, lorsque les enfants se levèrent, on mit le soldat de plomb à la fenêtre, mais tout à coup, enlevé par le troll ou par un courant d’air, il tomba du troisième étage la tête la première. » (91)

« Et tout de suite après, deux gamins de la rue décidèrent de prendre le soldat pour le faire naviguer. Ils fabriquèrent un bateau avec un journal et y mirent le soldat qui se mit à descendre le caniveau. Cela amusait les deux gamins. » (91)

  1. Retour du soldat de plomb dans le salon (93)

« Il vit les mêmes enfants et les jouets étaient sur la table : le joli château avec la ravissante petite danseuse» (93).

  1. Le soldat et la danseuse calcinés (93)

7. LES CYGNES SAUVAGES (95)

Un roi vit heureux avec ses onze fils et sa fille Elisa jusqu’à son mariage avec une méchante rien qui chasse les enfants. Elisa doit se retirer dans la cabane de paysans et les onze princes se transforment en cygnes sauvages. A quinze ans, Elisa retourne au château mais la marâtre fait tout pour la refouler. Elle s’enfuit dans une forêt où une vieille femme lui offre des baies et où elle retrouve ses frères. Ils doivent voler au-delà de la mer et décide d’emmener Elisa dans un filet. En rêve, Elisa reçoit la mission de tisser des cottes de maille avec du lin et des orties pour lever le sortilège de ses frères. Le roi la découvre dans la caverne où elle a commencé son ouvrage ; il en tombe amoureux. Il veut l’épouser mais l’archevêque convainc le roi qu’elle est une sorcière quand elle se rend la nuit pour chercher des orties. Sur le point d’être brûlée, elle est sauvée et innocentée par ses frères.

  1. Le roi, ses onze fils et sa fille, Elisa (95)

« Oh ! tout allait pour le mieux pour ces enfants, mais il ne devait pas en être ainsi pour toujours ! » (95)

  1. La méchante reine exile Elisa à la campagne et chasse les onze frères qui se changent en cygnes sauvages (95)

« Leur père (roi de tout le pays) se maria avec une méchante reine qui ne fut pas bonne du tout avec les pauvres enfants. » Ils s’en rendirent compte dès le premier jour. Le château tout entier avait son apparence des grands jours et les enfants jouaient au jeu. » (95)

  1. A quinze ans, Elisa retourne chez elle au grand dépit de la marâtre (96)
  2. La reine, le sortilège des trois crapauds et l’onguent sur le visage d’Elisa (97)
  3. Elisa dans la forêt, la vieille femme aux baies et les onze plumes de cygnes (97)

« Elle rêva de ses frères, quand ils étaient enfants quand ses frères écrivaient sur leurs ardoises les exploits les plus audacieux qu’ils avaient faits. » (98)

« Il n’y avait pas de plus bel enfant de roi dans ce monde. » (99)

L’eau se soulevait doucement comme la poitrine d’un enfant qui dort. (101)

  1. Retrouvailles entre Elisa et ses onze frères

« Ici, nous trouvons que les arbres et les buissons sont en famille avec nous, ici les chevaux sauvages parcourent les plaines comme nous les voyions dans notre enfance. Ici, le charbonnier chante les vieilles chansons au son desquelles nous dansions étant enfants. » (102)

  1. Elisa dans le filet porté par ses frères (103)
  2. Le château des nuages de la fée Morgane et le rêve dans la caverne (105)
  3. La mission d’Elisa : tisser en silence onze cottes de maille en lin d’ortie pour lever le sortilège (106)
  4. Elisa à la tâche (106)
  5. Le roi veut épouser Elisa mais l’archevêque pense que c’est une sorcière (107)
  6. Le roi épouse Elisa qui continue à tricoter nuitamment (108)
  7. L’archevêque convainc le roi qu’Elisa est une sorcière (sorties nocturnes au cimetière) (109)
  8. Elisa doit être brûlée comme sorcière (11)

« Dehors, les gamins des rues chantaient des chansons pour se moquer d’elle. Pas une âme ne lui adressa une parole affectueuse pour la consoler. » (111)

  1. Elisa sauvée et innocentée par ses frères (113)

8. LE ROSSIGNOL (115)

Dans la forêt de l’empereur de Chine, vit un rossignol dont tout le monde vante le chant mais que l’empereur n’a jamais vu. Il tient à le rencontrer et y parvient grâce à une petite savante. Le rossignol chante à la cour et séduit tout le monde mais bientôt l’empereur reçoit un oiseau mécanique, couvert de diamants, de rubis et de saphirs, qui chante plus longtemps et plus régulièrement et qui éclipse progressivement le petit rossignol gris. Au bout d’un an pourtant la mécanique se grippe et cinq plus tard, c’est au tour du vieil empereur de tomber malade. A l’article de la mort, il reçoit la visite du rossignol et revit. L’empereur veut lui rendre justice en cassant l’oiseau mécanique. Mais le vrai rossignol l’en dissuade.

  1. Le rossignol de l’empereur de Chine (115)
  2. L’empereur veut voir ce rossignol dont le monde entier parle (116)
  3. Le chant du rossignol séduit tout le monde à la cour de l’empereur (119)
  4. La gloire et la servitude dorée du rossignol à la cour (120)

« On donna même son nom à onze enfants de charcutiers, mais aucun d’entre eux n’était capable d’émettre le moindre son… » (120)

  1. Un rossignol mécanique porte ombrage au vrai (120)
  2. Disgrâce, fuite et bannissement du rossignol vivant (121)
  3. L’oiseau mécanique usé et en panne (123)
  4. Cinq ans plus tard, le vieil empereur est à l’agonie (123)
  5. Au retour du petit rossignol vivant, la mort quitte le vieil empereur (124)
  6. L’empereur demande pardon au rossignol qui plaide en faveur du rossignol mécanique (125)
  7. L’empereur est vivant (126)
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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 18:19

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

9. LE VILAIN PETIT CANARD (126)

Une cane couve un gros œuf qui tarde à éclore alors que les autres sont déjà ouverts. Quand un caneton en sort finalement, on le trouve grand et laid ; il ne ressemble pas à ses frères. La cane pense que c’est peut-être un dindonneau mais il nage parfaitement. La cane a de l’affection pour lui mais dans la basse-cour, tout le monde le méprise et l’agresse. Le vilain petit canard décide de fuir. En route, il rencontre des canards et des jars sauvages tués par des chasseurs, échappe lui-même à un chien de chasse, se réfugie dans une cabane de paysans où il subit un chat et une poule. A l’automne, il rencontre une première fois une troupe de cygnes sauvages et manque de mourir de froid. Il est recueilli par une famille mais ça se passe mal. Il fuit de nouveau et retrouve les cygnes. Il est reconnu comme un des leurs et fêté par des enfants comme le plus beau des animaux.

  1. Une cane donne naissance à ses petits canetons (127)

« Un vieux château entouré de canaux profonds était exposé en plein soleil, et de grandes feuilles de pétasite poussaient depuis le mur jusque dans l’eau ; elles étaient si hautes que de petits enfants pouvaient se tenir debout sous les plus grandes ;  la végétation y était aussi sauvage que dans la plus épaisse forêt, et il y avait une cane dans son nid ; elle était en train de couver pour faire éclore ses petits canetons, mais elle commençait à en avoir assez, parce que c’était bien assez long et qu’elle ne recevait guère de visites. » (127)

  1. Un dernier œuf tarde à éclore (128)
  2. La cane présente ses petits à la cour, y compris le dernier (128)

« Enfin, le gros œuf se brisa et le petit sortit. » (128)

« Non, ce n’est pas un dindonneau, dit-elle. Comme il se sert habilement de ses pattes, et comme il se tient bien droit ! C’est mon enfant aussi ! Il est même beau, finalement, quand on le regarde bien ! »  (129)

  1. Le vilain petit canard humilié et martyrisé par tout le monde (130)

« Vous avez là de beaux enfants, la mère, dit la vieille cane qui avait le chiffon rouge à la patte. Ils sont tous beaux, excepté celui-là, il n’est pas réussi ! Je souhaiterais que vous puissiez le refaire ! » (130)

  1. Le vilain petit canard s’enfuit et rencontre des canards et des jars sauvages (131)
  2. Le petit canard échappe à une chasse et se réfugie dans une cabane de paysan (132)
  3. Le canard chez la vieille femme, le chat Fiston et la poule Cocori-courtes-pattes qui le maltraitent (133)

« La poule était surnommée « Cocori-courtes-pattes » ; elle pondait bien et la femme l’aimait comme son propre enfant. » (133)

« Ne fais pas le malin, mon enfant, et remercie plutôt le Créateur de tout le bien qu’on t’a fait ! N’as-tu pas été recueilli dans une pièce chaude et n’y es-tu pas en contact avec des personnes qui peuvent t’apprendre quelque chose ? Mais tu dis des bêtises et tu n’es pas amusant à fréquenter ! Crois-moi, je te veux du bien : je te dis des choses désagréables, et c’est à cela que l’on reconnaît ses véritables amis ! Fais donc en sorte de pondre des œufs et apprends à ronronner ou à faire des étincelles ! » (134)

  1. Rencontre des cygnes sauvages. Saisi par le froid (135)
  2. Mésaventures dans une maison de paysans (136)

« Les enfants voulurent jouer avec lui, mais le petit canard crut qu’ils voulaient lui faire du mal, et, dans sa frayeur, il sauta dans l’écuelle de lait, si bien que le lait rejaillit dans la pièce ; la femme cria et leva les bras au ciel ; il se réfugia alors dans le pot où était le beurre, puis dans le tonneau de farine, d’où il ressortit. Quelle mine il avait ! La femme criait et cherchait à le frapper avec des pincettes ; et les enfants se bousculaient pour attraper le petit canard : ils riaient et poussaient des cris ! »  (136)

  1. Le petit canard se reconnaît comme cygne (136)
  2. Le plus beau de tous les oiseaux (137)

« De petits enfants vinrent dans le jardin et jetèrent du pain et du grain dans l’eau et le plus petit d’entre eux s’écria : « Il y en a un de nouveau ! » Et les autres enfants poussèrent des cris de joie. « Oui, il en est arrivé de nouveau ! », et ils frappaient dans leurs mains en dansant en rond ; ils coururent chercher leur père et leur mère et on jeta encore du pain et du gâteau dans l’eau, et tout le monde dit : « Le nouveau est le plus beau ! Il est si jeune et si beau ! » (137)

10. LE SAPIN (139)

Dans la forêt, un sapin est pressé de grandir. Il interroge les hirondelles et les cigognes pour savoir ce que deviennent les arbres coupés. Des moineaux lui parlent de Noël. Vers Noël, justement, le sapin est coupé, installé dans un salon et décoré. Les enfants se pressent autour de lui pour prendre leurs cadeaux et écouter l’histoire racontée par un petit homme corpulent. Mais, dès le lendemain, le sapin est relégué dans le grenier. Là, il raconte ses souvenirs à des souris passionnées et à des rats indifférents. Puis, on vient chercher le sapin dans le grenier pour le débiter et le brûler.

  1. Un sapin pressé de grandir (139)

« Il ne s’intéressait ni au soleil chaud, ni à l’air frais, ni aux enfants de paysans qui passaient en bavardant quand ils allaient cueillir des fraises ou des framboises puis s’asseyaient près du petit sapin en disant : « Mais comme il est mignon ! », ce que le sapin ne voulait pas entendre. » (139)

  1. Le sapin interroge les hirondelles et les cigognes sur le devenir des arbres coupés (140)
  2. L’arbre abattu pour Noël (141)
  3. Le sapin installé et décoré pour Noël (142)

« Description de la salle : des portraits, un grand poêle de faïence, de grands vases chinois dont les couvercles étaient ornés de lions, des fauteuils à bascule, des sofas de soie, de grandes tables remplies de livres et d’images et des jouets très chers – c’est du moins ce que disaient les enfants… »  (142)

« Tout ce scintillement lui faisait perdre la tête. Et voici que les deux battants de la porte s’ouvrirent et qu’une multitude d’enfants se précipita à l’intérieur, comme s’ils avaient voulu renverser l’arbre, ils étaient suivis par les personnes âgées, qui marchaient posément. Les petits en eurent le souffle coupé, mais cela ne dura qu’un instant. »  (143)

« Et les bougies se consumèrent jusqu’aux (143) branches, et à mesure qu’elles se consumaient, on les éteignit et les enfants eurent la permission de dépouiller l’arbre. Oh, ils se précipitèrent sur lui, si bien qu’on entendit des craquements dans toutes ses branches. S’il n’avait pas été fixé au plafond par sa pointe et par l’étoile d’or, il se serait renversé. Les enfants dansaient en rond avec leurs superbes jouets. Personne ne regardait l’arbre, si ce n’est la vieille bonne qui jetait un coup d’œil entre branches, mais ce n’était que pour s’assurer que l’on n'avait oublié une figue ou une pomme. » (144)

  1. Un homme raconte une histoire aux enfants. Joie du sapin (144)

« Une histoire, une histoire ! » crièrent les enfants en tirant vers l’arbre un petit homme corpulent. » (144)

« Et les enfants frappèrent dans leurs mains et crièrent : « Raconte ! Raconte ! » (144)

  1. Le sapin relégué dans le grenier (145)
  2. L’histoire du sapin plaît aux souris mais pas aux rats (146)
  3. Le sapin sorti du grenier par un domestique (147)
  4. Le sapin débité et consumé (148)

« Dans la cour, quelques enfants jouaient, ils étaient de ceux qui avaient dansé autour de l’arbre à la fête de Noël et y avaient pris tant de plaisir. L’un des plus petits vint en courant pour arracher l’étoile d’or. » (148)

« De belles flammes se formèrent sous la grande marmite et on entendit de profonds soupirs, chacun d’eux était comme une petite détonation, si bien que les enfants qui étaient en train de jouer accoururent et s’assirent devant le feu, fixèrent le regard vers lui et crièrent : « Pif ! paf ! », mais à chaque explosion, qui était un profond soupir, l’arbre pensait à une journée d’été dans la forêt, à une nuit d’hiver là-bas, quand les étoiles scintillaient. Il pensait à la fête de Noël et à Klumpe-Dumpe le maladroit, le seul conte qu’il avait entendu et savait raconter… et puis l’arbre fut consumé. Les garçons jouaient dans la cour et le plus petit avait sur sa poitrine l’étoile d’or que l’arbre avait portée le soir où il avait été le plus heureux. » (149)

11. LA REINE DES NEIGES (151)

Conte en sept histoires

Première Histoire (151)

qui traite du miroir et de ses morceaux

Le diable, un méchant troll, a inventé un miroir dans lequel tout ce qui est bien et beau apparaît comme mauvais et laid et réciproquement. Il veut y faire se refléter Dieu lui-même, mais en montant dans le ciel, le miroir se brise en mille morceaux qui retombent sur terre et entrent dans les yeux de certaines personnes qui voient désormais tout en noir.

Deuxième Histoire (153)

Un petit garçon et une petite fille

Deux enfants pauvres habitent dans deux mansardes voisines réunies par des rosiers. Kay, le petit garçon et Gerda, la petite fille entendent parler des abeilles et de la Reine des Neiges… que Kay croit reconnaître sur le rebord de la fenêtre. L’été revient et les enfants sont heureux. Mais un jour, Kay reçoit un éclat un miroir du troll dans l’œil et il change de comportement. Il arrache les roses, se moque du livre d’images de Gerda et des fleurs. Finalement, en sortant faire du traîneau, Kay est entraîné hors de la ville par le traîneau de la Reine des Neiges. Kay en oublie Gerda et toute sa famille.

  1. Deux enfants pauvres habitent dans deux mansardes voisines (153)

« Dans la ville où il n’y a pas assez de place pour que tout le monde ait un jardin et où la plupart des gens se contentent de fleurs en pots, il y avait néanmoins deux enfants pauvres qui possédaient un jardin un peu plus grand qu’un pot de fleurs. Ils n’étaient pas frère et sœur mais s’aimaient autant que s’ils l’avaient été. Leurs parents habitaient juste en face les uns des autres : ils habitaient deux mansardes dont les deux petites fenêtres se faisaient face ; il suffisait d’enjamber la gouttière pour passer d’une fenêtre à l’autre. » (153)

  1. Kay, le garçon et Gerda, la fille et les histoires d’abeilles et de la Reine des Neiges (153)

« Oui, oui, c’est bien ce que j’ai vu ! » dirent les deux enfants, et ils surent ainsi que c’était vrai. « Est-ce que la Reine des Neiges peut entrer ici ? » demanda la petite fille. « Elle n’a qu’à venir, dit le petit garçon, je la mettrai sur le poêle tout chaud et elle fondra. »  (154)

  1. Kay voit la Reine des Neiges sur le bord de sa fenêtre (154)
  2. Les belles saisons reviennent et les deux enfants sont heureux

« Le lendemain, le temps était clair et il gelait, puis vint le dégel, puis vint le printemps, le soleil brillait, la verdure apparut, les hirondelles bâtirent leurs nids, les fenêtres s’ouvrirent, et les deux enfants se retrouvèrent dans le petit jardin perché bien haut dans la gouttière, au-dessus de tous les étages. » (155)

« Et les enfants se tenaient par la main, donnant des baisers aux roses et plongeaient le regard dans la clarté du soleil de Dieu et lui parlant comme si l’Enfant Jésus avait été là. Comme elles étaient belles ces journées d’été, comme il faisait bon près des roses vivaces. » (155)

  1. Kay reçoit un éclat du miroir du troll dans l’œil et arrache les roses (155)
  2. Kay critique maintenant le livre d’images de Gerda et les fleurs (156)
  3. Le traîneau de Kay est entraîné hors de la ville par une mystérieuse personne (157)
  4. C’est la Reine des Neiges qui a enlevé Kay (158)

Troisième Histoire (159)

Le jardin fleur de la femme qui connaissait la magie

Après avoir pleuré la disparition de Kay, Gerda part à sa recherche au printemps en mettant ses souliers rouges. Elle interroge la rivière puis monte dans une barque qui dérive au fil du courant jusqu’à la maison d’une vieille magicienne. La femme lui offre des cerises et voudrait bien garder Gerda. Pour cela, elle a enterré ses roses mais celles-ci renaissent et confirment à Gerda que Kay n’est pas mort. Gerda interroge alors toutes les fleurs mais chacune ne s’intéresse qu’à sa propre histoire. Gerda finit par fuir le jardin. C’est déjà l’automne.

  1. Tristesse de Gerda qui a perdu Kay (159)
  2. A la dérive sur le fleuve (160)
  3. Gerda chez la vieille magicienne (161)
  4. Les roses (162)
  5. Le lis rouge (163)
  6. Le liseron (164)
  7. Le perce-neige (164)
  8. Les jacinthes (165)
  9. Le bouton-d’or (165)
  10. Le narcisse (166)
  11. Fuite de Gerda (167)

Quatrième Histoire (167)

Prince et Princesse

Dans la forêt, Gerda rencontre une corneille qui croit avoir vu Kay : il serait devenu l’époux d’une princesse intelligente qui recherchait un mari aussi intelligent. Comme beaucoup d’autres jeunes hommes du pays, Kay serait venu voir la princesse et l’aurait séduite par ses connaissances. Grâce à sa fiancée, une corneille apprivoisée, la corneille fait entrer Gerda à l’intérieur du château et elle constate que le prince n’est pas Kay. Le prince et la princesse aident Gerda à poursuivre sa recherche en lui donnant un carrosse en or pur et des postillons.

  1. La grande corneille (167)
  2. Le récit de la corneille : 1. le projet de mariage de la princesse (168)
  3. Le récit de la corneille : 2. Le prétendant (170)
  4. Gerda pénètre dans le château (171)
  5. Gerda, le prince, la princesse et les deux corneilles (173)
  6. Départ de Gerda (174)

Cinquième Histoire (175)

La petite fille de brigands

Dans la forêt, des brigands attaquent le carrosse et tuent les postillons, le cocher et les domestiques. Une vieille femme s’apprête à tuer Gerda mais la fille des brigands l’en empêche ; elle veut jouer avec Gerda. Elle la conduit au château des brigands et lui présente les animaux qu’elle retient prisonniers : des pigeons et un renne. La fille de brigands demande à Gerda de raconter son histoire. Les pigeons révèlent alors à Gerda que c’est la Reine des Neiges qui a emmené Kay en Laponie. Au matin, le renne apprivoisé propose d’emmener Gerda et tous deux partent avec l’aide de la fille des brigands.

  1. L’attaque du carrosse par les brigands (175)
  2. Intervention de la petite fille de brigands (175)
  3. Le château des brigands (176)
  4. Le témoignage des pigeons (178)
  5. La mission confiée au renne par la petite fille de brigands (178)
  6. Départ pour la Laponie (179)

Sixième Histoire (180)

La Lapone et la Finoise

Gerda et le renne arrivent d’abord chez une Lapone qui écrit une lettre sur une morue séchée qu’ils doivent donner à une Finnoise, au Finnmark. Celle-ci révèle que Kay est bien chez la Reine des Neiges mais de son plein gré. Il a reçu un éclat de verre dans le cœur et une poussière de verre dans l’œil. Il doit en être délivré. Le renne conduit Gerda près du grand buisson aux baies rouges et l’abandonne. Des flocons de neige entourent bientôt Gerda, mais elle dit ses prières et des anges viennent la défendre.

  1. La Lapone (180)
  2. La Finnoise (181)
  3. Gerda se rapproche du château de la Reine des Neiges (182)           

Septième Histoire (184)

Ce qui s’était passé dans le château de la Reine des Neiges et ce qui se passa ensuite

Dans le château de la Reine des neiges, fait de neige, Kay doit former le mot « Éternité » avec des blocs de glace. La Reine des glaces lui a promis la liberté s’il y arrivait ; en attendant, elle est partie en voyage dans les marmites noires. Quand Gerda arrive, elle se jette au cou de Kay qui reste impassible. Gerda pleure et ses larmes font fondre le petit éclat de miroir dans son cœur : Kay pleure à son tour, ce qui a pour effet de faire sortir les débris de verre de son œil. Il reconnaît Gerda. Les morceaux de glace s’assemblent d’eux-mêmes et forment le mot « éternité ». Kay et Gerda rentrent chez eux et revoient en chemin tous ceux qui les ont aidés : le renne, la Finnoise, la fille des brigands ; ils ont des nouvelles de la corneille et du couple princier. Ils retrouvent chez eux la vieille grand-mère

  1. Le château de la Reine des Neiges (184)
  2. Kay et le jeu de glace de la raison (184)
  3. Départ de la Reine des Neiges (185)
  4. Gerda et Kay quittent le château de la Reine des Neiges (186)

« Ils se prirent alors par la main et sortirent du grand château ; ils parlaient de la grand-mère et des roses là-haut sur le toit ; et partout où ils passaient, les vents s’apaisaient et le soleil apparaissait ; et lorsqu’ils atteignirent le buisson aux baies rouges, le renne était là en train de les attendre ; il avait avec lui une jeune femelle dont le pis était plein, et elle donna aux enfants de son lait chaud et les embrassa sur la bouche. Puis ils emportèrent Kay et Gerda d’abord chez la Finnoise, où les enfants se réchauffèrent dans la pièce où l’air était brûlant, et où ils recueillirent des indications sur leur voyage de retour ; puis chez la Lapone qui leur avait (186) cousu des vêtements neufs et avait préparé son traîneau. Et le renne et la jeune femelle les accompagnèrent jusqu’à la frontière du pays en bondissant à côté d’eux ; là, la première verdure commençait à apparaître, et les enfants prirent congé du renne et de la Lapone. » (187)

  1. Kay et Gerda rentrent chez eux (187)

« Les rosiers de la gouttière fleurissaient jusque dans la maison par les fenêtres ouvertes, et leurs petites chaises d’enfants étaient là ; Kay et Gerda s’assirent chacun sur la sienne en se tenant par la main ; ils avaient oublié, comme on oublie un rêve pénible, la splendeur froide et vide du château de la Reine des Neiges. La grand-mère était assise sous les vifs rayons du soleil de Dieu et elle lisait à haute voix dans la Bible : « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu ! » Kay et Gerda se regardèrent alors dans les yeux et comprirent tout à coup le vieux psaume : « Les roses poussent dans les vallées où avec l’Enfant Jésus nous pouvons parler ! » Ils étaient assis là, tous deux, adultes et cependant enfants, enfants par le cœur, et c’était l’été, l’été chaud et béni. (188)

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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 18:06

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

12. LA BERGÈRE ET LE RAMONEUR (189) 

Dans un salon, la statuette d’un vieux Chinois projette de marier une petite bergère de porcelaine qu’il considère comme sa petite-fille à un homme sculpté sur une armoire et qu’on appelle Sergent-major-général-en-chef-et-en-second-aux-pieds-de-bouc. Mais la charmante bergère refuse et demande à l’élu de son cœur, un petit ramoneur en porcelaine, de l’aider à fuir. Une course s’engage mais bientôt, prise de remords, la petite bergère demande à faire demi-tour au moment où la statue du vieux Chinois se brise. Mais tout rentre bientôt dans l’ordre.

  1. Les projets de mariage du vieux Chinois pour la petite bergère (189)

« Les enfants qui étaient dans le salon l’appelaient toujours Sergent-major-général-en-chef-et-en-second-aux-pieds-de-bouc, car c’était un nom difficile à prononcer et il n’y a pas beaucoup de personnes qui portent ce titre ; mais ce n’est pas tout le monde qui aurait eu l’idée de le faire sculpter. » (189)

  1. La petite bergère s’enfuit avec le ramoneur (190)
  2. La cheminée (192)
  3. Remords (193)
  4. Réconciliés, réparés (194)

13. L’OMBRE (195)

Un jeune savant qui est venu des pays froids, souffre de la chaleur dans le pays chaud où il s’est installé. Un soir qu’il se détend sur son balcon, il est intrigué par la maison d’en face qui semble occupée mais dont il ne connaît pas les occupants. Il remarque que son ombre semble vouloir se glisser dans la maison et l’encourage à le faire. Mais le lendemain, il s’aperçoit qu’il n’a plus d’ombre ! Cependant elle repousse au bout d’un moment. Longtemps après, alors que le savant est rentré dans son pays, il reçoit la visite d’un homme très mince. C’est son ombre qui a fait fortune et revient le saluer. Elle est entrée dans la maison d’en face qui était occupée par la Poésie. L’ombre s’est instruite et elle est devenue un homme à part entière. Longtemps après, l’ombre revient : son ancien propriétaire n’est pas heureux, alors qu’elle lui propose de l’accompagner en voyage. Mais elle refuse qu’il la tutoie, ce qu’elle fait pourtant à son égard en ce qui la concerne, et elle se comporte comme si c’était elle qui était le maître. Dans la ville thermale où ils se rendent en cure, ils rencontrent une princesse qui tombe sous le charme de l’ombre du savant. Celle-ci propose au savant de devenir officiellement l’ombre, alors qu’elle se prépare à épouser la princesse. Mais le savant trouve que cela va trop loin : il proteste et essaie d’aller voir la princesse. Il est arrêté et son ombre le fait passer pour un fou. Alors qu’on célèbre les noces de l’ombre et de la princesse, le savant a déjà été tué.

  1. Un savant des pays froids dans un pays chaud (195)

« On portait des corps en terre en chantant des cantiques, les gamins des rues tiraient des pétards et les cloches des églises carillonnaient, on peut vraiment dire qu’il y avait de la vie dans la rue. »  (196)

  1. Le mystère de la maison d’en face (196)
  2. Apparition d’une jeune femme lumineuse (196)
  3. L’ombre chez le voisin d’en face (197)
  4. Le savant perturbé par la disparition de son ombre (198)
  5. Le savant rentre chez lui avec une nouvelle ombre (198)
  6. Retrouvailles du savant avec son ombre, des années plus tard (199)

« Certes, ce n’est pas ordinaire, dit l’Ombre, mais vous-même, vous sortez de l’ordinaire, et quant à moi, vous le savez bien, j’au suivi vos traces dès mon enfance. » (199

  1. Le récit de l’Ombre (200)

« –J’ai vu les choses les plus inimaginables chez les femmes, chez les hommes, chez les parents et chez les gentils, les merveilleux enfants ; j’ai vu, dit l’Ombre, ce que personne n’avait le droit de savoir : le mal chez le voisin. » (203)

  1. L’ombre de mon ombre (203)
  2. Départ en cure du savant et de l’Ombre (204)
  3. La fille de roi (205)

« L’Ombre fit tout à coup une drôle de figure. « Vous ne pouvez pas répondre ? » dit la fille du roi. « Ce sont des choses que j’ai apprises dans mon enfance, dit l’Ombre. » (207)

  1. Un mariage sans aucune ombre (208)

14. LA GOUTTE D’EAU (211)

Un vieillard nommé Grouille-Fourmille regarde une goutte d’eau avec un verre grossissant, bientôt secondé par un autre magicien : ils observent le grouillement violent de la ville.

  1. Ce qu’on voit dans une goutte d’eau avec un verre grossissant (211)
  2. Grouille-Fourmille, le magicien et la ville grouillante (211)

15. LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES (213)

Le soir de la Saint-Sylvestre, une petite fille pauvre sans pantoufles est dans la rue. Pour échapper à la température glaciale, elle craque, une à une toutes les allumettes qu’elle n’arrive pas à vendre. Et des visions merveilleuses lui apparaissent. Mais le paquet épuisé, elle meurt de froid.

  1. La petite fille aux allumettes dans le froid de la Saint-Sylvestre (213)

« L’une des pantoufles resta introuvable, quant à l’autre, un gamin l’emporta, en disant qu’il pourrait en faire un berceau quand il aurait lui-même des enfants.  La petite fille marchait ainsi, ses petits pieds nus tout rougis et bleuis par le froid. Elle portait dans un vieux tablier une quantité d’allumettes, et elle en tenait un paquet à la main. Personne ne lui avait rien acheté de toute la journée, et personne ne lui avait donné de petite pièce de monnaie. Elle avait faim, elle était transie, et elle avait l’air pitoyable, la pauvre petite ! » (213).

  1. Visions à la lumière d’une allumette (214)

« Il semblait à la petite fille qu’elle était assise devant un grand poêle de fer qui avait des boules et une porte de laiton étincelants. » (214)

« Elle arriva jusqu’à la pauvre fille. L’allumette s’éteignit alors, et elle n’avait plus devant elle que le mur épais et froid. » (214)

« La petite tendit les deux mains : l’allumette s’éteignit. Toutes les bougies de Noël montaient, montaient, et elle s’aperçut que c’étaient maintenant des étoiles brillantes. L’une d’elles tomba en traçant une longue traînée de feu dans le ciel. « C’est quelqu’un qui meurt », dit la petite, car sa vieille grand-mère, la seule personne qui avait été bonne pour elle, mais qui était morte maintenant, lui avait dit : « Lorsqu’une étoile tombe, c’est qu’une âme monte vers Dieu. » (215)

« Elle prit la petite fille dans ses bras, et elles s’envolèrent toutes les deux joyeuses au milieu de ce rayonnement, bien haut, bien haut, là où il n’y avait plus froid, ni faim, ni angoisse : elles étaient auprès de Dieu. » (216)

  1. Mort de la petite fille (216)

« Mais dans le coin entre les deux maisons, dans la froideur de cette heure matinale, la petite fille était assise, les joues toutes rouges, un sourire sur les lèvres… morte, morte de froid, le dernier soir de l’année. Le Jour de l’an se leva sur le petit cadavre, assis là avec les allumettes, dont un paquet avait été presque entièrement brûlé. » (216)

16. LE FAUX COL (217)

Un faux col hâbleur et libertin demande en mariage toutes les femmes qu’il rencontre et se heurte à des refus systématiques. Ce qui ne l’empêche pas de se vanter de ses prétendues conquêtes avant de subir le sort programmé d’un donjuan de papier.

  1. Le faux col et la jarretière (217)
  2. Le faux col et le fer à repasser (218)
  3. Le faux col et la paire de ciseaux (218)
  4. Le faux col et le peigne (218)
  5. Le faux col fanfaronne sur ses amours (218)
  6. Un destin de papier (219)

17. LA CLOCHE (221)

Le son d’une cloche d’église attire toute la population du pays, de l’empereur au moindre pâtissier mais personne n’arrive à trouver l’église d’où vient ce son intrigant. Jusqu’au jour où un fils de roi, qui s’est enfoncé au plus profond de la forêt jusqu’à la mer découvre la grande église de la nature.

  1. La cloche d’une église (221)
  2. Engouement populaire pour la cloche (221)

« Trois personnes assurèrent qu’elles avaient pénétré dans la forêt jusqu’à l’endroit où elle s’arrêtait et qu’elles avaient entendu pendant tout le temps le curieux son de cloche, mais il leur avait semblé qu’il provenait de l’intérieur de la ville ; l’une d’entre elles en fit le sujet de toute une chanson et elle dit que le timbre de la cloche ressemblait à la voix d’une mère qui s’adresse à un enfant sage qu’elle aime ; il n’y avait pas de mélodie plus belle que le son de la cloche. » (222)

  1. L’empereur, le sonneur de cloches du monde et la chouette (222)
  2. La cloche et les communiants (222)

« Puis vint un jour de confirmation, le pasteur avait fait un beau sermon émouvant, les communiants avaient été vivement émus, c’était un jour important (222) pour eux, d’enfants qu’ils étaient, ils devenaient soudain des adultes, leur âme d’enfant devait passer en quelque sorte dans une personne plus raisonnable. » (223)

« Et au même instant, le son de la cloche retentit au cœur de la forêt, si doux et si solennel que quatre ou cinq enfants résolurent de s’enfoncer un peu plus loin dans la forêt. » (223)

  1. Le fils de roi en quête de la cloche (224)
  2. La grande église de la nature (226)

18. UNE IMAGE VUE DEPUIS LE REMPART DE LA CITADELLE (229)

Le chant d’un oiseau égaye la journée d’un forçat prisonnier de la citadelle.

19. UN CARACTÈRE GAI (231)

Le narrateur de cette histoire, fils d’un cocher de corbillard, a hérité de son père un caractère gai. Ses activités favorites sont de lire les Petites Annonces et de se promener dans le cimetière. Il tient d’ailleurs le Registre des Tombes dans lequel il est prêt à ajouter les noms des importuns.

  1. Le fils du cocher de corbillard, un homme au caractère gai (231)
  2. Le Registre des tombes (233)

Nous voici au cimetière.

Ici, repose un homme très malheureux… (233)

Ici repose un homme très heureux… (233)

Ici repose un homme qui pendant soixante-sept ans avait cherché à placer un bon mot !  (234)

Ici repose une dame très avare(234)

Ici repose une demoiselle de bonne famille(234)

Ici repose une fille d’une autre sorte !  (234)

Ici repose une veuve… (234)

Voici un caveau de famille(235)  

  1. À suivre… (235)

20. UNE PEINE DE CŒUR (237)

Un carlin, le petit chien de la veuve d’un tanneur, meurt et on enterre l’animal. Les petits enfants de la veuve veulent faire payer l’exposition autour de la tombe du carlin au prix d’un bouton de bretelle, à la grande tristesse d’une petite fille pauvre qui n’a pas les moyens.

  1. La dame au carlin (237)

« Il ne mord pas ! dit la dame. Il n’a pas de dents. Il fait pour ainsi dire partie de la famille, il est fidèle et hargneux, mais c’est parce que mes petits-enfants le taquinent. Ils jouent à la noce et veulent qu’il soit demoiselle d’honneur, et cela la fatigue, le pauvre vieux ! »  (238)

  1. La tombe du carlin (238)

« Les petits-enfants de la veuve – je veux dire la veuve du tanneur, car le petit chien n’avait pas été marié – rebouchèrent la tombe, une jolie tombe au demeurant, ce devait être un plaisir d’être enterré là. » (238)

« Les enfants dansèrent autour de la tombe, et le plus âgé des garçons, un petit bonhomme de sept ans à l’esprit pratique, proposa qu’on fasse une exposition avec la tombe du petit chien, et qu’on l’ouvre à tous les gens de la ruelle. L’entrée devait coûter un bouton de bretelle, c’est une chose que tous les garçons avaient, et ils pouvaient aussi en fournir aux petites filles. Cette proposition fut adoptée à l’unanimité. Et tous les enfants de la ruelle, ainsi que ceux de la ruelle de derrière, vinrent et donnèrent leur bouton. » (238)

21. CHAQUE CHOSE À SA PLACE (242)

L’histoire d’un manoir et d’une famille sur une centaine d’années. A l’origine, on nous raconte comment une gardeuse d’oies humiliée par le premier chatelain a finalement épousé le marchand ambulant qui est venu à son secours et comment ils ont racheté le manoir au châtelain débauché, avant de vivre eux-mêmes une vie modeste et pieuse. Mais leur humilité est moquée, cent ans plus tard par leurs descendants devenus barons avant qu’une flûte de saule ne vienne remettre les choses à leur place.

  1. Une petite gardeuse d’oies jetée à terre par un châtelain (242)

« Le bruit du cor et d’une cavalcade arrivait de la route encaissée, voilà pourquoi la petite gardeuse d’oies se dépêchait de chasser les oies du pont, avant que les chasseurs arrivent au galop. Ils allaient tellement vite qu’elle dut sauter rapidement sur l’une des plus hautes pierres du pont pour ne pas se faire renverser par les cavaliers. Elle était encore à moitié enfant, mince et menue, mais son visage avait une expression agréable et elle avait deux gentils yeux clairs. »  (242)

  1. Le marchand ambulant humilié au manoir (242)
  2. Revers de fortunes (243)
  3. Vie paisible et pieuse au manoir (244)

« Les enfants grandirent – il y eut des enfants – et ils reçurent tous une bonne éducation, mais ils n’avaient évidemment pas tous une aussi bonne tête les uns que les autres, comme c’est le cas dans toutes les familles. Mais la branche de saule, au-dehors, était devenue un arbre superbe qui poussait librement et qu’on ne taillait pas. « C’est notre arbre généalogique ! disaient les vieillards, et il faut avoir du respect pour cet arbre » disaient-ils aux enfants, y compris ceux qui n’avaient pas bonne tête. » (244)

  1. Le nouveau manoir, cent ans après (245)
  2. Les arrière-grands-parents méprisés par leurs descendants (245)
  3. La petite baronne et le fils du pasteur parlent de la noblesse (246)
  4. La flûte de saule (248)
  5. Gloire au marchand ambulant et à la gardeuse d’oies (250)

22. LE LUTIN CHEZ LE CHARCUTIER (251)

Un étudiant loge chez un charcutier qui emballe sa marchandise avec des pages c’un livre de poésie. Intrigué, le lutin interroge les objets de la maison, en leur donnant la parole, sur ce qu’est la poésie et découvre avec ravissement les effets de la lecture sur l’étudiant. Quand un incendie se déclenche dans la maison, le lutin s’empare du livre, sans oublier toutefois ce que le charcutier lui apporte.

  1. L’étudiant, le charcutier, sa femme, le lutin et le livre de poésie (251)
  2. Le lutin, le tonneau de beurre, le moulin à café et le tiroir-caisse (252)
  3. La magie du livre (252)
  4. L’incendie et la décision du lutin (254)

23. EN REGARDANT PAR UNE FENÊTRE À VARTOU (257)

Depuis la fenêtre de l’hospice de Vartou, une vieille fille regarde de joyeux enfants jouer sur les remparts en ignorant ce qui s’est passé là. Et elle voit défiler toute sa vie depuis son enfance jusqu’au drame de la mort de son fiancé.

  1. Une vieille fille à la fenêtre de l’hospice de Vartou (257)

« Une vieille fille vient s’appuyer sur le chambranle de la fenêtre, elle cueille la feuille fanée de la balsamine et regarde le rempart couvert de verdure où s’ébattent de joyeux enfants. » (257)

« Ces petits pauvres, comme ils jouent joyeusement ! Comme leurs joues sont rouges, comme leur regard est candide, mais ils n’ont ni chaussures ni chaussettes ! Ils dansent sur la levée de terre couverte de verdure, là, où il y a bien longtemps, d’après la légende où la terre s’enfonçait toujours, des gens attirèrent un enfant innocent avec des fleurs et des jouets dans le trou béant qu’ils murèrent pendant que le petit était en train de jouer et de manger. Le rempart ne bougea plus à cet endroit-là, et il se couvrit d’un joli gazon. Ces petits ne connaissent pas la légende, sinon, ils entendraient l’enfant (257) crier encore sous la terre, et la rosée sur l’herbe leur semblerait être ses larmes brûlantes. »  (258)

  1. Le drame de sa vie (258)

« Les petits pauvres jouent joyeusement. Joue, petite fille ! Bientôt viendront les années… eh oui ! Ces années bienheureuses où les premiers communiants se promènent main dans la main. »  (258)

« Pauvre enfant, la chambre nuptiale de ton fiancé sera un cercueil, et tu resteras vieille fille. Depuis Vartou, derrière la balsamine, tu regardes les enfants jouer, tu vois ton histoire se répéter. Et c’est justement le drame de toute sa vie qui défile à l’esprit de la vieille fille, pendant qu’elle (258) regarde le rempart où brille le soleil, où les enfants aux joues rouges sans chaussettes ni chaussures poussent des cris de joie, comme les autres oiseaux. » (259)

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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 17:56

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

24. ELLE N’ÉTAIT BONNE À RIEN (261)

La vie tragique d’une lavandière, obligée de renoncer à son amour pour un jeune étudiant, fils de sa patronne et poussée à épouser un gantier qui mourra après avoir contracté des dettes et une longue maladie. Réduite aux travaux les plus pénibles pour nourrir son fils, la lavandière meurt à son tour au moment où elle hérite d’une somme d’argent léguée par l’ancien étudiant resté célibataire et frère du maire qui traite la femme d’alcoolique et de « bonne à rien ».

  1. Le maire fait des recommandations au fils de la lavandière (261)

« Pauvre gosse ! Allez va-t’en ! » (262)

  1. Le garçon donne la bouteille à sa mère et elle boit (262)

« Le garçon sortit la bouteille, et sa mère le porta à sa bouche et but une gorgée. « Oh, comme ça fait du bien, comme ça réchauffe ! C’est aussi bon qu’un repas chaud et ce n’est pas aussi cher ! Bois, mon garçon ! Tu es tout pâle, tu as froid dans tes habits légers ! Il faut dire que c’est l’automne. Oh ! que l’eau est froide ! Pourvu que je ne tombe pas malade ! Mais ça ne m’arrivera pas ! Donne-moi encore goutte et bois aussi, juste une petite goutte. Il ne faut pas que tu t’y habitues, mon pauvre enfant ! » (262)

  1. Maren-la-boiteuse s’occupe de la lavandière qui ne va pas bien (262)

« Eux, ils valent quelque chose, alors que toi tu n’es bonne à rien ! – Il t’a donc parlé, mon enfant ! dit la lavandière, tandis que ses lèvres tremblaient. Ta mère n’est bonne à rien ! Il a peut-être raison, mais il ne devrait pas le dire à son enfant ! Mais j’en supporte des choses de la part de cette maison ! – Vous avez servi dans la ferme où vivaient les parents du maire. Il y a bien longtemps de cela ! On a mangé passablement de sel depuis cette époque, et il y a de quoi avoir soif ! dit Maren en riant. Il y a un grand dîner chez le maire, aujourd’hui. On aurait dû le décommander, mais ils ont estimé que c’était trop tard, car le repas était prêt. C’est le domestique qui me l’a dit. Il y a une heure, une lettre est arrivée annonçant que le frère cadet est mort à Copenhague. – Mort ! »  s’écria la lavandière, le teint livide. » (263)  

« Et la lavandière sentait ses jambes se dérober sous elle. « Je suis restée trop longtemps dans l’eau froide ! Je n’ai rien mangé ni rien bu depuis ce matin ! J’ai de la fièvre ! Oh, Seigneur Jésus ! aide-moi à rentrer à la maison ! Mon pauvre enfant ! » Et elle pleurait. » (264)

  1. Maren veille sur la lavandière malade (264)

« C’est la lavandière, dit-il. Elle a bu un coup de trop, elle n’est bonne à rien ! C’est dommage pour le beau garçon qu’elle a. Cet enfant me fait pitié. La mère n’est bonne à rien ! »  (264)

  1. Le récit de la lavandière : ses amours contrariés pour le fils de sa patronne (265)

« Je sais qu’un brave homme, un artisan a demandé ta main. C’est Erik, le gantier, il est veuf, sans enfants, et ses affaires marchent bien, réfléchis à la question ! »  (266)

  1. Les malheurs de la lavandières (267)

« C’est là que j’ai donné naissance à mon garçon chéri, qui est là en train de dormir. Son père a eu une grave et longue maladie. J’ai dû le déshabiller et l’habiller pendant les trois quarts d’une année. Les choses ont été de mal en pis pour nous, nous avons fait de plus en plus d’emprunts. Tous nos vêtements y sont passés, et le père est mort, nous laissant seuls ! J’ai travaillé dur, je me suis battu, je me suis donné bien du mal à cause de l’enfant, j’ai lavé des escaliers, lavé du linge, grossier et fin, mais Notre-Seigneur ne veut (267) pas que les choses aillent mieux pour moi. Mais il va certainement me délivrer et il va s’occuper du garçon. »

  1. Mort de la lavandière (268)
  2. Héritage (268)

« Cet argent devait lui être versé, à elle et à son enfant, en parts plus ou moins importantes, suivant qui semblerait le plus approprié. » (268)  

25.LE VENT RACONTE L’HISTOIRE DE VALDEMAR DAAE ET DE SES FILLES (271)

Le vent raconte l’histoire de Valdemar Daae (personnage réel) et de sa famille qui vivaient, au XVIIe siècle, dans le manoir de Borreby, sur les bords du Grand-Belt, au Danemark. C’est le récit d’une déchéance qui commence par la mort de la mère et relate toutes les expériences aventureuses et ruineuses du père : son projet de construire un navire de guerre pour le roi en détruisant la forêt et sa recherche alchimiste de fabriquer de l’or. Bientôt obligé de vendre le manoir pour vivre dans une maison en torchis, il laissera ses trois filles Ida, Johanne et Anne-Dorothée à un avenir précaire.

  1. Le chant du vent (271)
  2. Le manoir de Borreby, l’histoire de Valdemar Daae et de ses trois filles (271)

« Le manoir de Borreby respirait l’opulence, à l’époque où la richesse y régnait. Et il y avait aussi des enfants : trois élégantes jeunes filles, Ida, Johanne et Anne-Dorothée. Je me rappelle encore leurs noms. C’étaient des gens riches, des gens distingués, nés et élevés dans la splendeur. »  (272)

  1. L’agneau de la rue (273)
  2. Mort de la dame Daae (273)
  3. Le fiasco du navire de guerre pour le roi (274)

« Et au milieu de la forêt, près du groupe, près du groupe des ouvriers, on voyait Valdemar Daae et ses trois filles, et ils riaient tous en entendant les cris sauvages des oiseaux. Mais sa fille la plus jeune, Anne-Dorothée, éprouvait de la compassion pour eux dans son cœur, et lorsqu’ils voulurent aussi abattre un arbre à moitié mort, sur les branches nues duquel la cigogne noire s’était installée, et que les petits sortirent leurs têtes, elle prit leur défense, les larmes aux yeux, elle supplia son père, et elle obtint que l’arbre fût laissé debout, avec le nid de la cigogne noire. » (275)

« Ses yeux et son front témoignaient d’une grande intelligence, et Valdemar Daae aimait bien l’écouter, tout comme la petite Ida, l’aînée des filles, qui avait quinze ans. Et pendant qu’il construisait un navire pour son père, il construisit un château de rêve où lui et la petite Ida devaient habiter, une fois qu’ils seraient devenus mari et femme, et c’est bien ce qui serait arrivé si le château avait été construit en pierre, avec des remparts et des fossés, des forêts et un jardin. »  (275)

  1. Nouveaux projets fumeux de Valdemar Daae : l’or rouge (276)

« Mais les filles étaient encore jeunes. La petite Ida était une rose ravissante à voir, comme lorsque le constructeur du navire l’avait vue. Souvent, je m’en prenais à ses longs cheveux bruns, quand elle se tenait près du pommier, dans le jardin, absorbée dans ses pensées, et qu’elle ne remarquait pas que je faisais tomber une pluie de fleurs sur ses cheveux, qui se dénouaient. Elle regardait le soleil rouge et le ciel doré au travers des buissons et des arbres sombres du jardin. Sa sœur, Johanne, était comme un lys, d’une beauté éclatante et elle portait haut la tête. Elle avait fière allure et belle prestance, et comme sa mère, elle était fragile de la tige. Elle aimait bien se rendre dans la grande salle où étaient accrochées les portraits de la famille. Les dames étaient peintes vêtues de velours et de soie, et elles portaient sur leurs cheveux tressés un tout petit chapeau brodé de perles. C’étaient de belles dames ! Leurs époux étaient bardés de fer ou ils portaient un manteau de grand prix doublé de peau d’écureuil, ainsi qu’une collerette bleue.  Ils portaient leur épée à la cuisse et non au côté. Où le portrait de Johanne serait-il accroché sur le mur et de quoi son noble époux aurait-il l’air ? Voilà à quoi elle pensait, elle en parlait à voix basse. Je l’entendais quand je passais par le long couloir pour entrer dans la salle, avant de changer une nouvelle fois de direction ! Anne-Dorothée, la pâle jacinthe, une enfant qui n’avait encore que quatorze ans, était tranquille et réfléchie. Ses grands yeux bleus limpides avaient l’air songeur, mais le sourire de l’enfant était continuellement sur ses lèvres. Je ne pouvais pas l’en chasser, et je ne le voulais pas non plus. Je la rencontrais dans le jardin, dans le chemin creux et dans les champs qui appartenaient au château. Elle ramassait des plantes et des fleurs, celles dont elle savait que son père pourrait les utiliser pour les boissons et les gouttes qu’il savait distiller. » (277)

  1. Ruine et déchéance (278)
  2. Un dernier éclat de bonheur (279)
  3. Départ du manoir de Borreby racheté par Ove Ramel (280)

« Il fallait enlever au seigneur Ove l’envie de s’installer là. Ida et Anne-Dorothée pleuraient à chaudes larmes. Johanne se tenait droite, le teint pâle, elle se mordit le pouce jusqu’au sang, mais cela ne servait pas à grand-chose ! Ove Ramel accorda au seigneur Daae la permission de rester dans son manoir pendant toute sa vie, mais personne ne lui adressa de remerciements pour sa proposition. » (281)  

« Le temps des splendeurs était terminé. Ida et Anne-Dorothée marchaient à ses côtés. Johanne se retourna au moment de franchir la porte, mais à qui bon ? Ce n’est pas cela qui pouvait faire tourner la chance. Elle regarda les briques rouges du mur de Mark Stig, et elle pensa aux filles de celui-ci : (281) « L’aînée prit la plus jeune par la main et elles parcoururent le vaste monde ! »

  1. La maison de torchis de Smidstrup (282)

« Elle pensait à ce chant… quant à elles, elles étaient trois… et leur père était avec elles ! » (282)

« Le seigneur Daae et ses filles l’entendaient bien ! Je sifflai à leurs oreilles. Il ne valait pas la peine d’écouter cela. Ils entrèrent alors dans la maison de torchis de Smidstrup… » (282)

  1. Ce qu’il advient des trois filles (282)

« Qu’advint-il de Valdemar Daae, qu’advint-il de ses filles ? Le vent raconte : « La dernière d’entre elles que j’ai vue pour la dernière fois, c’était Anne-Dorothée, la pâle jacinthe… Elle était vieille maintenant, et elle se sentait courbée. »  (282)

« À l’époque, la pauvre n’était qu’une jeune enfant, une délicate jacinthe pâle dans le jardin seigneurial. Elle se souvenait de tout cela, Anne-Dorothée. » (283)

« C’est ainsi que priait Anne-Dorothée dans sa misérable maison qu’on laissait debout à cause de la cigogne. Je me suis chargé de la plus vive des trois sœurs ! dit le vent. » (283)

26. UNE HISTOIRE DES DUNES (285)

L’histoire des dunes est centrée sur la biographie d’un personnage nommé Jørgen par ses parents adoptifs, des pêcheurs de la côte du Jutland, au Danemark, à la fin du XVIIIe siècle, après le naufrage du bateau de ses parents espagnols en route vers Pétersbourg. Sa mère est morte en le mettant au monde. A quatorze ans, Jørgen fait un voyage en Espagne en tant que mousse et approche même sa maison natale. A son retour, il se lie d’amitié avec Morten puis apprend qu’il est fiancé avec Else, la jeune fille qu’il aime. Ses parents adoptifs étant morts, il hérite de leur maison mais Jørgen décide de partir. C’est à ce moment-là qu’il est arrêté pour le meurtre de Morten à qui il a cédé sa maison. Au bout d’un an de prison, il est innocenté. Un couple de commerçants, les Brønne l’invitent à refaire sa vie à Skagen. Il envisage bientôt de se marier avec leur fille Clara mais celle-ci meurt dans un naufrage ; Jørgen n’a pu la sauver. Il perd la tête. L’histoire se termine dans l’église de Skagen qui sera son tombeau, après une dernière vision de tous les défunts.

             

  1. Un couple heureux en Espagne (285)

« Des enfants défilent dans les rues en processions avec des cierges et des bannières qui flottent au vent, et au-dessus d’eux, haut et clair, le ciel étend sa voûte aux étoiles scintillantes ! Chansons et castagnettes résonnent, des garçons et des filles dansent sous les acacias en fleur, tandis que le mendiant, assis sur un bloc de marbre taillé, se désaltère en mangeant une pastèque succulente et passe son temps à somnoler. Tout est comme un beau rêve ! » (285)

« Et pourtant, leur bonheur pouvait s’élever d’un degré supplémentaire, mais pour cela, il fallait que Dieu leur accorde un enfant, un fils qui leur ressemblerait selon le corps et l’âme. (285) Cet heureux enfant serait salué avec allégresse, il serait entouré des soins et de l’amour les plus tendres, de tout le bien-être que la richesse et une famille aisée peuvent procurer. » (286)  

  1. Le voyage du couple en bateau pour aller à Pétersbourg (287)

« L’un des plus grands et des plus beaux bateaux de celui-ci devait justement aller cette année-là à Stockholm. Il devait emmener les chers enfants, sa fille et son gendre, à Pétersbourg, et on aménagea (287) l’intérieur du bateau avec un luxe royal : tapis moelleux pour les pieds, soie et magnificence partout. » (288)  

*

  1. La maison des dunes dans le Jutland (288)

« Ce morceau de bois provient de la forêt de l’ouest du pays : la mer sauvage. Pour celui qui habite le long de la côte, c’est là que poussent les poutres, les planches et les arbres équarris que le mouvement de la mer ramène à terre. Le vent et les embruns ne tardent pas à s’attaquer au bout de bois qui a échoué là. C’est un de ces morceaux qui était sur une tombe d’enfant, et c’est vers lui que se dirigeait l’une des femmes qui sortaient de l’église. Elle resta immobile, regarda le morceau de bois à demi décomposé, et peu après, son mari arriva. Ils ne dirent pas un mot, il lui prit la main, et ils s’éloignèrent de la tombe pour aller dans la lande brune, ils franchirent les marécages et se dirigèrent vers les dunes. Ils marchèrent longtemps en silence. « Le sermon était bon aujourd’hui, dit l’homme. Si nous n’avions pas Notre-Seigneur, nous n’aurions rien.  – Oui, répondit sa femme. Il nous réjouit et il nous attriste ! Il en a le droit ! Demain, notre petit garçon aurait eu cinq ans, si nous avions pu le garder. – Ton chagrin ne sert à rien ! dit l’homme. Il s’en est bien tiré ! Car il est là où nous devons demander dans nos prières de pouvoir arriver nous-mêmes. »  (290)

  1. Tempête sur la dune : un navire échoué (290)
  2. La seule rescapée meurt en accouchant d’un garçon (291)

« Elle était la seule survivante. Le vent balayait encore la côte en hurlant. Elle eut quelques instants de calme, mais bientôt vinrent des douleurs et des cris. Elle ouvrit ses deux yeux ravissants, prononça quelques paroles, mais aucun de ceux qui étaient là ne put la comprendre. C’est alors que, pour prix de toutes ses souffrances (292) et de ses luttes, elle tint dans ses bras un enfant nouveau-né. Il aurait dû reposer sur un lit d’apparat, avec des rideaux de soie, dans la maison somptueuse. Des cris d’allégresse auraient dû lui souhaiter une vie riche en biens terrestres, mais Notre-Seigneur l’avait fait naître dans ce pauvre réduit. Il n’eut même pas un baiser de sa mère. La femme du pêcheur posa l’enfant sur le sein de sa mère, mais il était près d’un cœur qui ne battait plus. Elle était morte. L’enfant qui aurait dû être nourri par la richesse et le bonheur avait été jeté dans le monde, jeté dans les dunes par la mer, pour qu’il connaisse le sort et les jours pénibles du pauvre. » (293)

« La mère mourante et le pitoyable enfant auraient été entourés de sollicitude et de soins, à quelque endroit que « le vent aurait soufflé », mais nulle part, ils n’auraient été reçus avec plus de chaleur que chez la pauvre femme de pêcheur qui, la veille encore, s’était tenue le cœur lourd près de la tombe qui abritait son enfant, qui aurait eu cinq ans ce jour-là, si Dieu lui avait accordé la grâce de vivre. » (293)

« Mais dans les dunes de Husby, dans la maison du pêcheur, il y avait maintenant un petit bambin. » (294)

  1. L’enfant adopté par les pêcheurs sous le nom de Jørgen (294)

« On donna au petit le nom de Jørgen. « C’est sans doute un enfant juif, disait-on, il a le teint tellement foncé ! » « Ce pourrait aussi être un Italien ou un Espagnol ! » dit le pasteur. La femme du pêcheur ne voyait pas de différence entre ces trois peuples, et elle se consolait à la pensée que l’enfant était devenu chrétien par le baptême. Le garçon prospérait, son sang noble restait chaud et il puisait des forces dans la maigre pitance, il grandit dans cette humble maison. » (294) .

« L’enfance a pour tout le monde ses moments lumineux qui, par la suite, illuminent toute la vie. Des quantités de choses s’offraient à lui pour son plaisir et sa distraction ! Toute la plage, sur des lieues, était remplie de jouets : une mosaïque de galets, rouges comme des coraux, jaunes comme de l’ambre, blancs et arrondis comme des œufs d’oiseaux. Il y en avait de toutes les (294) couleurs, la mer les avait tous polis et rendus lisses. Même une carcasse de poisson desséchée, des plantes aquatiques séchées par le vent, les algues d’un blanc éclatant, longues et étroites comme des rubans, qui voletaient entre les pierres, tout était fait pour amuser et distraire l’œil et l’esprit, et le garçon était un enfant éveillé. » (295)

  1. Le marchand d’anguilles (295)

« Quatre journées pleines d’entrain, les plus lumineuses de toute son enfance, s’approchaient. Elles représentaient tout le charme du Jutland, la joie et le soleil du foyer. Il devait aller à un banquet – un banquet d’enterrement. » (297)

  1. L’enterrement d’un parent fortuné de la famille de pêcheurs (297)

« La tempête de sable s’arrêta alors, mais les dunes sont encore là. Jørgen entendit tout cela et le retint, ce furent les jours les plus heureux de son enfance : les journées du banquet de l’enterrement. » (301)

  1. Escale du mousse dans sa ville natale Jørgen : la cathédrale et la maison familiale (chassé) (301)

« C’était magnifique de se déplacer, de voir de nouvelles régions et de nouvelles personnes, et il n’avait pas fini de se déplacer. Il n’avait pas quatorze ans, c’était encore un enfant. Il partit sur un navire et fit connaissance avec ce que le monde a à offrir. » (301)

  1. Jørgen et son ami Morten (303)
  2. Chagrin d’amour de Jørgen : Else, l’appâteuse, fiancée à Morten (304)
  3. Les bancs de sable, rancune envers Morten, mort de son père adoptif, héritage de la maison des dunes (305)
  4. Dernière chance avec Else, Jørgen cède sa maison à Morten (306)
  5. Jørgen veut dire au revoir à Morten (308)
  6. Jørgen accusé du meurtre de Morten, écroué (309)

« Dans le bâtiment du château qui se trouve à l’ouest, il y a un passage sous le grand escalier, on y accède à une cave basse et voûtée, et c’est de là que la grande Margrethe avait été menée au supplice. Elle avait mangé cinq cœurs d’enfants, et elle croyait que si elle en avait eu deux de plus, elle aurait pu voler et se rendre invisible. »  (310)

  1. Jørgen innocenté : c’est Niels le Voleur qui a tué Morten (312)
  2. Jørgen part avec le commerçant Brønne aux Vieux-Skagen (313)

« Leur voyage les menait vers le nord, vers le Limfjord (313), traversait le pays de Vendsyssel, en direction de Skagen, d’où avaient émigré les hommes aux longues barbes, les Lombards, à l’époque de la famine, sous le règne du roi Snio, où on aurait dû tuer tous les enfants et les vieillards, mais la noble femme Gambaruk, qui possédait des terres là-haut, avait proposé à la place que les jeunes quittent le pays. » (314)

  1. Clara, la fille du commerçant Brønne (315)
  2. À l’église avec Clara avant son départ (315)

« Jørgen était comme submergé par un sentiment sacré, qui avait la pureté de l’enfance, comme lorsque, étant tout jeune, il s’était trouvé dans la splendide église en Espagne, mais ici, il était conscient de faire partie de la paroisse. Après le sermon, il y eut la communion. Il reçut le pain et le vin, comme les autres, et il se trouva qu’il s’agenouilla juste à côté de mademoiselle Clara, et pourtant ses pensées étaient tellement tournées vers Dieu et l’acte sacré qu’il ne remarqua qu’en se relevant qu’elle avait été sa voisine. Il vit ses joues inondées de larmes. » (316)

  1. Période agréable pour Jørgen malgré l’absence de Clara (316)

« Jørgen n’avait jamais eu une période aussi agréable depuis les quatre journées du banquet de l’enterrement, quand il était enfant, et pourtant, mademoiselle Clara était absente, mais dans ses pensées ni dans ses conversations. » (318)

  1. Naufrage du Karen Brønne (318)
  2. Jørgen tente, en vain, de sauver Clara (319)
  3. Jørgen perd la tête (320)

« Jørgen resta dans la maison du commerçant Brønne. « Il a attrapé cette maladie incurable pour sauver notre enfant, dit le vieil homme. Maintenant, c’est notre fils. »  (321)

  1. La tristesse d’un riche vieillard sans enfant en Espagne (322)

« En Espagne, là où, entre les orangers et les lauriers, une brise chaude souffle par vagues sur les coupoles mauresques dorées, où les chants et les castagnettes résonnent, un vieillard sans enfant dans la splendide maison. C’était le marchand le plus riche. Dans les rues, des enfants défilaient en processions avec des cierges et des bannières qui flottaient au vent. Que n’aurait-il donné de sa richesse pour avoir ses enfants, sa fille ou l’enfant de celle-ci, qui n’avait peut-être jamais vu la lumière de ce monde, et à combien plus forte raison la lumière de l’éternité, du Paradis ? « Pauvre enfant ! » Eh oui, pauvre enfant ! Enfant, justement, et pourtant il avait atteint la trentaine… » (322)

  1. Jørgen à l’église ensablé de Skagen (322)

« Le marchand Brønne et sa femme reposaient là, auprès de leurs enfants, sous le sable blanc. » (322)

  1. Vision de tous les morts dans l’église aux noces de Jørgen et e Clara (323)

« Alors retentit le son des trompettes, étrange comme une voix d’enfant pleine d’un désir nostalgique. Il s’enfla jusqu’à devenir comme de grandes orgues, un ouragan de sonorités pleines et exaltantes, qui transportaient d’aise et étaient pourtant assez puissantes pour faire sauter la pierre d’une tombe. » (323)

*

  1. Le tombeau de Jørgen (325)
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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 17:44

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

27. LE BONHOMME DE NEIGE (327)

Un bonhomme de neige discute avec un vieux chien de garde enchaîné : il ne comprend pas les mises en garde de l’animal contre le soleil et le poêle de la maison. Le bonhomme de neige est en particulier fasciné par le poêle, et lorsqu’il fond, au printemps, on comprend pourquoi : les enfants s’étaient servis d’une raclette de poêle pour le construire.

  1. Le bonhomme de neige, le chien de garde et le poêle (327)

« On m’appelait « le plus mignon », « le gentil petit bambin », mais ensuite, je suis devenu trop grand à leur goût et ils m’ont donné à la gouvernante. Je suis allé au sous-sol ! Tu peux voir jusque dans la pièce où j’ai été le maître, car c’est bien ce que j’étais chez la gouvernante. C’était certes un lieu plus modeste que l’étage au-dessus, mais c’était plus agréable. Il n’y avait pas d’enfants pour me tripoter et me traîner partout, comme c’était le cas au-dessus. » (330)

« La nourriture était aussi bonne qu’avant, et j’en avais beaucoup plus ! J’avais mon propre oreiller, et puis il y avait un poêle. À cette époque de l’année, c’est ce qu’il y a de plus agréable au monde ! Je me faufilais tout au-dessus, si bien qu’on ne me voyait plus. Oh, je rêve de ce poêle encore maintenant ! Ouste ! Ouste ! – Est-ce qu’un poêle est tellement beau ? demanda le bonhomme de neige. Est-ce qu’il me ressemble ? – Il est tout le contraire de toi ! Il est noir comme du charbon ! Il a un long cou et un cylindre en cuivre. Il se nourrit de bois de chauffage, si bien que le feu lui (330) sort de la bouche. »

  1. Le bonhomme de neige se languit d’amour pour le poêle (332)
  2. Le bonhomme de neige fond (332)

28. LE MOULIN À VENT (335)

Un moulin à vent hollandais parle de son mécanisme avec confiance et de la famille qui l’habite. Mais un jour, il est détruit par un incendie et remplacé par un nouveau moulin plus moderne.

  1. Le discours éclairé du moulin à vent (335)

« Ils ont de la marmaille, tous les deux : de petites pensées qui peuvent grandir. Ils font du tapage, ces petits ! L’autre jour, alors que dans ma perspicacité, je faisais vérifier par le patron et ses ouvriers la meule et la roue dans ma poitrine, pour savoir ce qui n’allait pas – car il y avait quelque chose qui n’allait pas en moi, et il faut s’examiner soi-même –, les petits firent un tapage terrible qui n’est pas d’un bon effet quand on est comme moi en haut d’une colline. Il faut se souvenir qu’on est en plein éclairage : le jugement des autres est aussi un éclairage. Mais ce que je voulais dire, c’est que les petits ont fait un tapage terrible ! Le plus petit me sauta directement au chapeau et chantonna tant et si bien que j’en eus des chatouillements. » (336)  

  1. Le moulin détruit par le feu et remplacé par un plus moderne (338)

29. LE CRAPAUD (339)

Le plus jeune enfant d’une famille de crapauds vivant au fond d’un puits aspire à en sortir. Il profite du seau d’un valet de ferme pour remonter à la surface et commence à découvrir le monde et les bêtes : le papillon, les grenouilles, la chenille et les poules. Deux hommes, un naturaliste et un poète envisagent de le disséquer. Le crapaud est davantage attiré par le discours des cigognes qui peuvent monter encore plus haut. La cigogne finit par s’emparer du crapaud

  1. Au fond du puits, la famille des crapauds (339)
  2. Une pierre précieuse dans la tête de l’un des crapauds (340)

« La mère crapaud aurait certainement pu raconter une chose ou une autre aurait certainement pu raconter une chose ou une autre, mais elle ne répondait jamais quand on la questionnait, ce qui fait qu’on ne la questionnait pas. « Elle est grosse et grasse, laide et bête ! disaient les jeunes grenouilles vertes. Ses petits sont aussi laids ! – Cela se peut fort bien ! dit la mère crapaud. Mais l’un d’entre eux a une pierre précieuse dans la tête, à moins que ce soit moi ! » Et les grenouilles vertes écoutèrent en ouvrant de grands yeux, et comme cela ne leur plaisait pas, elles firent la grimace et allèrent au fond. Mais les petits du crapaud tendirent leurs pattes arrière par pure fierté. Chacun d’entre eux croyait avoir la pierre précieuse. »  (340)

  1. Le plus petit crapaud sort du puits grâce au seau du valet de ferme (341)

« C’est beaucoup plus agréable ici qu’en bas dans le puits ! Cela donne envie de rester ici pour toute la vie ! » dit le petit crapaud. » (341)

  1. Le voyage et les rencontres du crapaud (341)

« Et un papillon (341) passa. Le crapaud croyait que c’était une fleur qui s’était détachée pour mieux partir à la découverte du monde, c’était tout à fait normal. « Si seulement on pouvait aller aussi vite que lui, dit le crapaud. Coa ! Oh là là ! quel bonheur ! » Il resta là huit nuits et huit jours, près du fossé, et il ne manqua pas de nourriture. Le neuvième jour, il pensa : « Allons plus loin ! » Mais que pouvait-on donc trouver de plus beau ? Peut-être un petit crapaud ou quelques jeunes grenouilles. La nuit précédente, un bruit était venu avec le vent, comme si des « cousins » avaient été dans les parages. « Il fait bon vivre ! Sortir du puits, s’allonger parmi les orties, traverser la grand-route poussiéreuse et se reposer dans le fossé humide ! Mais allons plus loin ! Il faut trouver des grenouilles ou un petit crapaud, on ne peut tout de même pas s’en passer, la nature ne suffit pas ! » (342)

« Je vais continuer mon voyage ! » dit le petit crapaud. Il avait toujours envie de quelque chose de meilleur. Il vit les étoiles scintiller, si grandes et si claires. Il vit la lune briller. Il vit le soleil se lever, et monter de plus en plus haut. « Je suis sûrement encore dans le puits, dans un plus grand puits, il faut que je monte encore plus haut ! Quelle excitation et quel ardent désir je ressens ! » et lorsque la lune fut pleine et ronde, la pauvre bête (342) pensa : « Est-ce le seau qu’on est en train de faire redescendre, et dois-je sauter dedans pour pouvoir monter plus haut ? ou est-ce le soleil ce grand seau ? Comme il est grand, comme il rayonne ! Il peut nous contenir tous ! Il faut que je saisisse l’occasion ! Oh, quelle lumière il se fait dans ma tête ! Je ne crois pas que la pierre précieuse puisse éclairer mieux ! Mais ce n’est pas moi qui l’ai, et cela ne me fait pas pleurer, non, plus haut, dans la lumière brillante et la joie ! J’ai une certitude, et pourtant j’ai peur. C’est un pas difficile à faire, mais il faut le faire ! En avant ! suivons tout simplement la grand-route ! »  (343)

  1. Les deux étudiants : le poète et le naturaliste (344)
  2. Le crapaud fasciné par les cigognes (345)

« Il faut que j’aille en Égypte ! dit-il. Pourvu que la cigogne m’emmène avec elle, ou bien l’un de ses petits. Pour remplacer, je le servirais le jour de son mariage. Oui, je vais aller en Égypte ! J’ai tellement de chance ! Tout l’ardent désir et l’envie que je ressens, c’est sûrement mieux que d’avoir une pierre précieuse dans la tête ! »  (346)

  1. La cigogne s’empare du crapaud (346)
  2. La morale du conte : la pierre précieuse dans la tête du crapaud (347)

30. CE QU’ON PEUT INVENTER (349)

Un jeune homme est pressé de devenir écrivain mais il n’arrive pas à inventer. Ça le rend malade et il décide d’aller voir une guérisseuse. Celle-ci lui donne ses lunettes et son cornet acoustique pour lui apprendre à voir et à écouter et le conduit dans son jardin : elle lui demande d’observer le champ de pommes de terre, le prunellier, la ruche, la grand-route. Mais dès qu’elle reprend ses lunettes et son cornet, le jeune homme ne voit plus rien et n’entend plus rien. La guérisseuse conclut qu’il ne sera jamais écrivain. Qu’il soit donc critique.

  1. Un jeune homme veut être écrivain (349)
  2. En panne d’inspiration il va voir une guérisseuse (349)
  3. La guérisseuse observe son comportement face aux éléments de son jardin (350)

…champ de pommes de terre (350),

…le prunellier ! (351),

la ruche (352),

… la grand-route (352)

  1. Le verdict de la guérisseuse : il ne pourra être écrivain, qu’il soit donc critique ! (352)

31. LE BONHEUR PEUT SE TROUVER DANS UN BOUT DE BOIS (355)

Dieu accorde à chacun un moyen d’être heureux, parfois inattendu, dans une pomme ou une poire. Un pauvre tourneur sur bois qui fabriquait des manches de parapluies a l’idée d’employer des poires comme boutons des parapluies. Il devient ainsi riche et heureux.

  1. Une histoire de bonheur (355)

« Je vais vous raconter maintenant une histoire sur le bonheur. Nous connaissons tous le bonheur. Certains le voient à longueur d’année, d’autres seulement certaines années, pendant une seule journée, et il y a même des gens qui ne le voient qu’une seule fois de toute leur vie, mais nous ne le voyons tous de toute manière. Il n’est pas nécessaire que je le dise, car tout le monde le sait : Notre-Seigneur envoie le petit enfant et le met dans le sein d’une mère – ce peut être dans un riche château ou dans une pièce confortable, mais aussi en plein champ, alors que souffle le vent froid. Et pourtant, tout le monde ne sait sans doute pas, et c’est pourtant certain, que Notre-Seigneur, en même temps qu’il apporte l’enfant, lui apporte en cadeau un porte-bonheur, mais il ne le met pas à côté de lui, au vu et au su de tous, il le met à un endroit dans le monde où on s’attend le moins à le trouver, et pourtant on le prouve toujours. C’est ce qu’il y a de réjouissant. » (355)

  1. Un pauvre tourneur, des parapluies et des poires (355)

« Il fallait tout de même que l’arbre donne une fois des poires, dit l’homme, et il les donna à ses enfants pour qu’ils jouent avec. » (356)

  1. Une poire comme bouton de parapluie ! (356)
  2. Le bonheur et la fortune dans un bout de bois (357)

« Il y a un dicton qui dit : « Mets un bout de bois blanc dans ta bouche et tu seras invisible ! », mais il faut que ce soit le bon bout de bois, celui qui nous a été donné en cadeau pour nous porter bonheur par Notre-Seigneur. J’ai eu le mien, et moi aussi, comme cet homme, je peux avoir de l’or sonnant, de l’or brillant, le meilleur qui soit, celui qui brille dans des yeux d’enfant, qui sonne dans une bouche d’enfant et dans celle de son père et de sa mère. Ils lisent ces histoires, et je (357) suis près d’eux, au milieu de la pièce, mais invisible, car j’ai le bout de bois blanc dans la bouche. Si je sens que ce que je raconte les rend heureux, alors, moi aussi, je dis : « Le bonheur peut se trouver dans un bout de bois ! » (358)

32. LES BOUGIES (359)

Une bougie de cire se réjouit d’aller dans un bal où elle pourra briller. La chandelle de suif espère partager ce plaisir mais la maîtresse de maison la met dans un panier avec des pommes de terre qu’elle confie à un pauvre garçon. La chandelle oublie sa déception en voyant la joie des enfants en découvrant des pommes de terre. C’est aussi bien que d’aller au bal.

  1. La bougie de cire et la chandelle de suif (359)
  2. Tristesse de la chandelle de suif de ne pas aller au bal avec la bougie de cire (360)

« La petite fille de la maison était tout près, et lorsqu’elle entendit les mots « tard dans la nuit », elle dit en se réjouissant du fond du cœur : « Moi aussi, je vais rester debout jusque tard dans la nuit ! Il y a un bal chez nous et on va me mettre les gros rubans rouges ! » Comme son visage était rayonnant ! C’était la joie ! Aucune bougie de cire ne peut rayonner comme deux yeux d’enfant ! « C’est une bénédiction de voir cela ! pensa la chandelle. Je ne l’oublierai jamais, je ne le verrai sans doute plus jamais ! »  (360)

  1. Consolation : la joie des enfants pauvres d’avoir des pommes de terre (361)

« C’est alors que le plus petit des enfants de la maison pauvre arriva, c’était une petite fille. Elle prit son frère et sa sœur par le cou, elle avait quelque chose d’important à raconter, il fallait le chuchoter ! « Ce soir – imaginez-vous ! – ce soir nous allons avoir des pommes de terre chaudes ! » Et son visage rayonnait de bonheur. La chandelle l’éclairait directement, elle vit une joie, un bonheur aussi grands que là-bas dans la maison riche, où la petite fille avait dit : « Nous allons avoir un bal ce soir, et on va me mettre les gros rubans rouges ! » « Est-ce que le fait d’avoir des pommes de terre chaudes a autant de valeur ? pensa la chandelle. Il y a autant de joie ici chez les petits. »  (361)

« C’était un véritable repas de fête, et chacun eut une pomme par-dessus le marché, et le plus petit des enfants récita cette courte strophe :

Une fois encore tu m’as rassasié,

Je te remercie, mon Dieu, pour ta bonté !

Amen !

« Est-ce que ça n’était pas bien récité, maman ? » s’écria ensuite le petit. « Il ne faut pas demander cela ni le dire ! dit la mère. Il faut uniquement penser au bon Dieu, qui t’a rassasié ! » On mit les petits au lit, on leur donna un baiser, et ils s’endormirent aussitôt, et leur mère resta à coudre jusque tard dans la nuit pour avoir de quoi subvenir à (361) leurs besoins et aux siens. »  (362)

« Finalement, la soirée a été agréable ! pensa la chandelle de suif. Je me demande si les bougies de cire se sentaient mieux dans leur chandelier d’argent ? J’aimerais bien le savoir avant de m’être entièrement consumée ! » Et elle pensait aux deux enfants aussi heureux l’un que l’autre, l’un éclairé par une bougie de cire, l’autre par une chandelle de suif ! Voilà, c’est toute l’histoire ! » (362)

33. LE GRAND SERPENT DE MER (363)

Un câble sous-marin contenant les fils du télégraphe est posé au fond de la mer par les hommes et crée de l’émotion chez les poissons qui le prennent pour une anguille géante. Dix poissons d’une portée de mille huit cents frères et sœurs veulent en savoir plus en interrogeant un dauphin puis un phoque. Puis le plus petit des poissons continue seul sa recherche. Après avoir vu une épave, il rencontre une baleine, un requin, un poisson-scie, un loup marin qui le suivent. D’autres animaux se joignent à eux, à part une vieille baleine malade et ils arrivent sur le lieu où ils trouvent le câble. Tous l’entourent et le provoquent mai une vache marine leur explique de quoi il s’agit.

  1. Un poisson et ses 1800 frères et sœurs (363)

« Les petits nageaient ensemble, tout près l’un de l’autre, comme le font les harengs et les maquereaux. » (363)

  1. Les poissons effrayés par la descente d’un câble de télégraphe sous la mer (363)
  2. Dix poissons interrogent le dauphin, le phoque (365)
  3. Le plus petit poisson continue seul la recherche (366)
  4. L’épave d’un navire avec une mère et son enfant (367)

« Le petit poisson entra dans la pièce d’où avaient disparu les nombreuses personnes qui avaient péri lorsque le bateau avait sombré, sauf deux d’entre elles : une jeune femme qui était allongée, son petit enfant dans les bras. L’eau les portait et semblait les bercer. On aurait cru qu’ils dormaient. Le petit poisson eut très peur, il ignorait totalement qu’ils ne pouvaient plus se réveiller. Des plantes aquatiques pendaient sur le bastingage, comme un feuillage, et recouvraient les deux beaux cadavres de la mère et de l’enfant. Il n’y avait aucun bruit, on se sentait bien seul. » (367)

  1. La jeune baleine (367)
  2. La vieille baleine malade ne veut pas les suivre (368)
  3. Les animaux marins entourent le câble et le défient (369)

« Et il tendit ses bras souples et les plus longs jusqu’au câble et il l’enserra. « Il n’a pas de coquille ! dit le polype. Il n’a pas de (370) peau ! Je crois qu’il ne met jamais au monde des petits tout vivants ! »  (371)

  1. La vache marine donne des explications (372)
  2. Le grand serpent de mer de la connaissance (373)
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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 17:22

Traduction et édition de Marc Auchet

Livre de poche n°16113

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé, plan et citations établis par

Bernard MARTIAL

Professeur de lettres-philosophie en CPGE scientifique)

34. LE JARDINIER ET SES MAÎTRES (375)

Larsen, un jardinier dévoué et inventif travaille comme jardinier chez des maîtres qui le traitent avec défiance et condescendance, comme en témoignent un certain nombre d’exemples. Ils ne croient pas Larsen quand celui-ci leur dit que les pommes et les poires vantées par leurs amis ou les melons goûtés à la cour viennent de leur propre jardin. A toute occasion, ils font des reproches à leur jardinier, y compris à propos d’une fleur, pourtant appréciée par la princesse. Quand une tempête abat les arbres du manoir, Larsen transforme le jardin en chef-d’œuvre, ce qui lui vaut un article élogieux. Mais les maîtres prennent ombrage de cette gloire.

  1. Le jardin du manoir et ses arbres sans feuilles habités par des oiseaux (375)
  2. Larsen, le jardinier demande l’abattage des arbres aux maîtres qui refusent (376)
  3. Les maîtres veulent importer des pommes et des poires qui viennent… de leur propre jardin (376)
  4. Même chose avec des melons (378)
  5. De nouveaux reproches faits au jardinier (378)
  6. La fleur d’artichaut donnée à la princesse (379)
  7. Nouveaux reproches des maîtres au jardinier (380)
  8. La princesse défend le jardinier et les maîtres se ravisent (380)

« Et c’est ce qui fut fait. Les maîtres firent dire au jardinier qu’il pouvait à nouveau leur apporter une fleur d’artichaut fraîchement cueillie. « Elle est belle, finalement ! dirent-ils, très remarquable ! » et le jardinier fut félicité. « Larsen aime bien cela ! dirent les maîtres. C’est un enfant gâté ! »  (381)

  1. Les arbres abattus par la tempête, reproches des maîtres (381)
  2. Le jardinier en profite pour embellir le jardin (381)

« Sur le devant, il y avait des fougères, de nombreuses espèces différentes, certaines avaient l’air d’être des enfants du palmier, d’autres, des parents de la belle plante délicate qu’on appelle « cheveux de Vénus ». (382)

  1. La gloire de Larsen et la jalousie des maîtres (383)

35. CE QUE RACONTAIT LA VIEILLE JOHANNE (385)

C’est l’histoire de Rasmus la Pouilleuse racontée par Johanne la fille du sabotier qui l’aima toute sa vie. Avant de tomber en ruine la maison du tailleur était habitée par le tailleur Ivar Ølse, sa femme Maren et leurs onze enfants, dont Rasmus était le benjamin. Le père était fataliste et impie, il dut arrêter de travailler à cause de rhumatismes aux mains. La mère, plus volontariste et pieuse s’occupa des enfants. Rasmus et Johanne étaient camarades de jeux depuis l’enfance mais à son retour d’apprentissage pour devenir tailleur Rasmus tomba amoureux d’Else Hansen. Un amour réciproque. Mais Rasmus ne fut jamais capable de se déclarer au grand désespoir d’Else qui finit par épouser un paysan. De retour après des années de vie dissolue, Rasmus revint malade et contamina sa mère qui en mourut. Vieilli et négligé, Rasmus ne trouva de secours qu’auprès de Johanne jusqu’à sa mort.

  1. La maison du tailleur en ruine, près du vieux saule (385)
  2. Rasmus le Pouilleux ne s’occupe pas de la maison (386)
  3. Maren et Ivar Ølse et leurs onze enfants, la châtelaine (386)

« À l’époque, la vieille Johanne était enfant, c’était la fille (386) du sabotier, l’un des hommes les plus pauvres de la paroisse. Maren lui donnait souvent de bonnes tartines de pain beurré, car elle avait de la nourriture en abondance. Elle était en bons termes avec la châtelaine. » (387)

« Elle maniait l’aiguille avec autant d’habileté que sa langue, et s’occupait en plus de sa maison et de ses enfants. Elle en avait presque une douzaine, onze en tout, le douzième ne vint jamais. « Les pauvres ont toujours leur nid plein de petits ! disait le maître du manoir en bougonnant. Si on pouvait les noyer comme des petits chats, et si on pouvait n’en garder qu’un ou deux parmi les plus robustes, il y aurait moins de misère ! – Bonté divine ! disait la femme du tailleur. Tout de même, les enfants sont une bénédiction de Dieu. Ils sont la joie de la maison. Chaque enfant est un Notre-Père de plus ! Si on est dans le besoin et qu’on a beaucoup de bouches à nourrir, on redouble d’efforts et on trouve le moyen de s’en sortir en toute honnêteté. Le Seigneur ne nous abandonne pas si nous ne l’abandonnons pas ! » La châtelaine lui donnait raison, acquiesçait d’un petit signe de tête, et tapotait la joue de Maren. Elle l’avait souvent fait et elle lui avait même parfois donné un baiser, mais à cette époque-là, la châtelaine était un petit enfant et Maren était sa bonne. Elles s’aimaient bien toutes les deux, et elles restèrent toujours fidèles à ce sentiment. » (387)

  1. Les devises d’Ivar (fataliste) et de Maren (volontariste) (387)
  2. Les temps heureux (388)

« Les enfants se portèrent bien, ils grandirent et sortirent du nid, s’éparpillèrent au loin et se tirèrent bien d’affaire. Rasmus était le plus petit. C’était un enfant tellement ravissant que l’un des grands peintres de la ville le fit poser et le peignit, aussi nu que lorsqu’il était venu au monde. » (388)

  1. Les temps difficiles : les rhumatismes du père. Rasmus et Johanne camarades de jeux.

« C’était un garçon gai. « Il ne faut pas qu’il reste assis là toute la journée, disait la mère. Ce serait injuste à l’égard de cet enfant. Il faut aussi qu’il joue et qu’il gambade. » (388) Johanne, la fille du sabotier, était sa meilleure camarade de jeux. Elle était d’une famille encore plus pauvre que Rasmus. Elle n’était pas jolie, elle marchait nu-pieds, ses habits étaient en lambeaux, elle n’avait personne pour les ravauder, et l’idée ne lui venait même pas de le faire elle-même. C’était une enfant, et elle était aussi gaie qu’un pinson aux rayons du soleil de Notre-Seigneur. À côté de la borne en pierres taillées, sous le grand saule, Rasmus et Johanne jouaient ensemble. » (389)

  1. Les projets de Rasmus et Johanne (389)
  2. Paroles impies du tailleur et prière de sa femme avec Rasmus (390)
  3. La veuve se remarie avec un sculpteur (391)
  4. La malédiction du tissu de deuil : mort du tailleur Ølse (392)
  5. Après son apprentissage, Rasmus revient à la maison (tailleur itinérant) (393)

« Mais sa mère comptait sur lui à la maison, c’était le meilleur endroit pour lui. Tous les autres enfants étaient éparpillés, c’était lui le plus jeune, la maison devait lui revenir. Le travail ne manquerait pas, s’il voulait parcourir la région comme tailleur itinérant, il pourrait faire de la couture pendant quinze jours dans une ferme, puis quinze jours dans une autre. C’était aussi une occasion de voyager. Et Rasmus suivit le conseil de sa mère. » (393)

  1. Rasmus et Else Hansen s’aiment mais Rasmus n’arrive pas à se déclarer (394)
  2. Le malentendu avec Else s’amplifie. Rasmus décide de partir (395)
  3. Patience de Maren et impatience d’Else qui consulte Stine pour faire revenir Rasmus grâce à un sortilège (396)
  4. Else finit par se marier au fermier (398)
  5. Retour de Ramus, malade et contagieux. Mort de sa mère (398)
  6. Rasmus se laisse aller. Johanne lui dit de se reprendre (399)
  7. Nouvelle intervention de Johanne (400)

« Au cours de la journée, Johanne vint à la maison du tailleur. Elle lui porta secours, elle fit en sorte qu’il puisse entrer à l’hôpital. « Nous nous connaissons depuis notre enfance, dit-elle. Ta mère m’a donné de la bière et de la nourriture, je ne pourrai jamais le lui rendre ! Tu vas recouvrer la santé, tu vas devenir un homme digne de vivre ! »  (400)

  1. Le psaume de Johanne (400)

« Il était pauvre, plus pauvre maintenant que Johanne. « Tu n’as pas la foi ! dit-elle. Et quand on n’a pas Notre-Seigneur, qu’est-ce qu’on a ? Tu devrais prendre la communion ! dit-elle. Tu ne l’as sans doute pas fait depuis ta confirmation. – À quoi bon ! » dit-il « Si tu parles ainsi et si c’est que tu crois, il faut t’en abstenir ! Notre Seigneur n’aime pas qu’on approche de sa table à contrecœur. Mais pense tout de même à ta mère et à ton enfance ! Tu étais à l’époque un garçon gentil et pieux. Me permets-tu de te lire un psaume ? – À quoi bon ! » dit-il. « J’en tire toujours une consolation ! » répondit-elle. « Johanne, tu es certainement devenue une sainte ! » et il posa sur elle sur elle un regard terne et las. Et Johanne récita le psaume, sans regarder dans un livre, car elle n’en avait pas. Elle le savait par cœur. « C’étaient de belles paroles ! dit-il Mais je n’ai pas très bien pu suivre. Ma tête est tellement lourde ! » (401)

« Rasmus était devenu un vieil homme, mais Else n’était plus jeune non plus, s’il faut parler d’elle. Rasmus ne parlait jamais d’elle. Elle était grand-mère. Sa petite-fille était une petite bavarde qui jouait avec les autres enfants du village. Rasmus s’approcha un jour, appuyé sur son bâton, il s’arrêta, regarda les enfants jouer, leur adressa un sourire, le passé éclairait ses pensées. La petite-fille d’Else le montra du doigt, « Rasmus le Pouilleux ! » crièrent-elles, et elles poursuivirent le vieil homme de leurs cris. » (401)

  1. Mort de Ramus le jour de Pentecôte (401)
  2. Johanne à l’hospice (402)

36.  LA CLEF DE LA PORTE D’ENTRÉE (403)

Lors d’un pique-nique dominical à Frederiksberg, un chambellan indolent est fasciné par le tour d’un baron qui prétend obtenir des réponses d’une clé. Le chambellan crédule se prend au jeu et, après avoir cru avoir perdu la clef de sa porte d’entrée, devient obnubilé par son pouvoir de prédiction supposé que raille le pharmacien. Un voisin commerçant vient demander au chambellan des conseils à propos de sa fille Lotte-Lene qui veut devenir comédienne. La jeune fille se lie avec la famille du chambellan. A la mort de ka felle du chambellan, Lotte-Lene qui n’a pas réussi à être actrice, épouse le chambellan.

  1. Le chambellan, né sous « le signe de la Brouette » et sa femme (403)

« Elle restait souvent là dans le noir, sinon, elle avait sa place attitrée au mur, à côté de la silhouette du chambellan qui datait de son enfance, sur laquelle il ressemblait à une brioche qui aurait eu un jabot. « (403)

  1. Les dimanches à Frederiksberg (405)
  2. Le tour du baron suédois avec la clef (406)
  3. Le chambellan croit avoir perdu la clef de la porte d’entrée (407)
  4. Le pharmacien se moque du chambellan : l’histoire (parodique) de la commode (408)

« Si, je crois, je crois, disait-il, mon bon monsieur le chambellan, je crois à la clef de la porte d’entrée et à tous les esprits de portes, aussi fermement que je crois à la nouvelle science, qu’on commence à connaître : la danse des tables et les esprits dans les vieux et les nouveaux meubles. Avez-vous entendu parler de cela ? Moi, j’en ai parler ! J’ai douté. Vous savez que je suis un sceptique, mais je me suis converti en lisant une histoire terrible dans une revue étrangère tout à fait crédible. Chambellan ! vous vous imaginez ? Je vous donne l’histoire telle que je l’ai entendue. Deux enfants intelligents avaient vu leurs parents réveiller l’esprit dans une grande table de salle à manger. Les deux petits étaient seuls et voulurent s’y prendre de la même manière pour essayer de faire venir de la vie dans une vieille commode. La vie vint, l’esprit se réveilla, mais il ne supportait pas que des enfants lui donnent des ordres. Il se leva, il y eut des craquements dans la commode, il ouvrit les tiroirs, et, avec ses pieds de commode, il mit les enfants chacun dans le tiroir, et puis la commode sortit en courant par la porte ouverte, descendit l’escalier et se retrouva dans la rue, alla jusqu’au canal où elle se jeta, noyant les deux enfants. Les petits cadavres furent enterrés en terre chrétienne, mais la commode fut convoquée au tribunal, jugée pour infanticide et brûlée vivante sur la place publique. Je l’ai lu, dit le pharmacien, lu dans une revue étrangère, ce n’est pas une chose que j’ai inventée moi-même ! Que la clef m’emporte si ce n’est pas vrai ! Je viens de lâcher un gros juron ! » Le chambellan trouva que c’était une plaisanterie trop grossière, ils ne pourraient jamais parler de la clef. Le pharmacien était ignorant en matière de clefs. » (410)

  1. Le commerçant vient voir le chambellan pour sa fille Lotte-Lene qui veut faire du théâtre mais qui n’a pas d’instruction (410)

« Vous ne savez pas tout ce que cette enfant arrive à inventer, elle sait imiter la façon dont tous les gens parlent et comment ils marchent. » (410)

  1. Le test de la clef : Victoire et chance (411)
  2. Liens étroits entre Lotte-Lene, le chambellan et sa femme (411)

« La femme du chambellan voyait dans la franchise (411) avec laquelle elle manifestait à tout instant sa grande ignorance quelque chose d’enfantin, d’innocent. » (412)

  1. Les confidences de la femme du chambellan à Lotte-Lene (412)
  2. Le pharmacien se moque du spectacle et de la clef (414)
  3. La parodie sarcastique du pharmacien (414)
  4. Mort de la femme du chambellan, Lotte-Lene revenue à la maison (415)

37. L’INVALIDE (417)

A l’occasion de Noël, les jeunes maîtres du manoir se montrent généreux envers les enfants pauvres ; ils offrent en particulier des habits à quatre des cinq enfants de Ole et Kirsten ; leurs aide-jardiniers. Au cinquième, l’aîné, la châtelaine a offert un livre de contes : Hans ne peut plus marcher depuis cinq ans. Ses parents néanmoins s’insurgent contre les inégalités sociales en invoquant le péché originel. Leur fils invalide propose de leur lire un conte qui les séduit mais ne dissipe pas leurs doutes. Le roi les soumet à l’épreuve du couvercle de la terrine. Hans leur lit un autre conte. Bientôt le maître d’école s’intéresse à l’invalide et en parle à la châtelaine qui offre un oiseau à l’invalide. Mais en voulant protéger le volatile, Hans détruit d’abord son livre avant de découvrir qu’il… marche. Il est reçu au château puis quitte la maison pour aller étudier.

  1. Générosité des jeunes maîtres du manoir pour les enfants pauvres à Noël (417)

« Les enfants pauvres de la paroisse étaient invités, chacun accompagné de sa mère. Celle-ci ne regardait pas beaucoup vers l’arbre, elle regardait du côté des tables de Noël, où il y avait des vêtements de laine et de toile du tissu pour les robes et du tissu pour pantalons. C’est dans cette direction que les mères regardaient, ainsi que les grands enfants, seuls les tout-petits tendaient les mains vers les bougies, les décorations dorées et les drapeaux. Toute cette assistance arrivait tôt dans l’après-midi, on lui servait de la bouillie de Noël et de l’oie rôtie (417) avec du chou rouge. Une fois qu’on avait vu l’arbre de Noël et qu’on avait distribué les cadeaux, chacun avait droit à un petit verre de punch et des beignets aux pommes. » (418)

  1. Kristen et Ole et leurs cinq enfants (418)

« Il y avait ainsi Kirsten, l’aide-jardinière, et Ole, l’aide-jardinier. Ils étaient mariés et gagnaient de quoi payer leur maison et leur pain quotidien en désherbant et en bêchant dans le jardin du manoir. À chaque fête de Noël, ils avaient droit à un bon lot de cadeaux. Ils avaient aussi cinq enfants, tous les cinq étaient vêtus par le châtelain et la châtelaine. « Nos maîtres sont des gens charitables ! disaient-ils. Mais il faut dire qu’ils ont les moyens, et que cela leur fait plaisir ! – On nous a donné de bons habits robustes pour les quatre enfants ! dit Ole, l’aide-jardinier. Mais pourquoi n’y a-t-il rien pour l’invalide ? D’habitude, ils pensent aussi à lui, bien qu’il ne vienne pas au repas de fête ! » (418)

  1. Hans, l’aîné, invalide (418)

« C’était l’aîné des enfants qu’ils appelaient « l’invalide », sinon, il portait le nom de Hans. Quand il était petit, il avait été l’enfant le plus rapide et le plus vif, mais il avait eu brusquement « les jambes molles », comme ils disaient, il ne pouvait pas rester debout ni marcher, et cela faisait maintenant cinq ans qu’il était au lit. » (418)

  1. Révolte de Ole contre les inégalités. Kirsten évoque le péché originel (419)

« C’est un rude travail ! disaient-ils. Et une fois que nous avons nettoyé les allées et qu’elles sont bien propres, ils les abîment tout de suite en les piétinant. Il y a sans cesse des visiteurs au manoir. Ce que ça doit coûter ! Mais nos maîtres sont des gens riches ! – Les choses sont curieusement réparties ! dit Ole. Nous sommes tous les enfants de Notre-Seigneur, a dit le pasteur. Pourquoi y a-t-il une telle différence, alors ? – Cela vient du péché originel ! » dit Kirsten. » (419)

  1. L’histoire du bûcheron et de sa femme et la tentation du couvercle de la terrine (420)
  2. Le conte de l’homme sans chagrin ni peine (421)
  3. Le maître d’école et le livre de contes de Hans (422)
  4. Le maître d’école instruit Hans et parle de lui aux châtelains qui donne deux rixdales (423)

« Par ses lectures, le petit garçon infirme et intelligent avait amené la réflexion et la joie dans la maison. Lorsque le maître d’école quitta le manoir pour rentrer chez lui, madame lui mit dans la main deux rixdales d’argent brillants pour le petit Hans. (423) « Il faut les donner à mon père et à ma mère ! » dit le garçon, lorsque le maître d’école lui apporta l’argent. Et les aides-jardiniers Ole et Kirsten dirent : « Hans l’invalide est malgré tout utile et en bénédiction, lui aussi ! » (424)

  1. La châtelaine apporte des vivres et un oiseau. Réaction hostile des parents (424)
  2. Hans détruit son livre en voulant chasser le chat qui s’attaque à l’oiseau (424)

« C’était l’après-midi, les parents et les autres enfants étaient au travail, Hans était tout seul. » (424)

  1. Pour protéger l’oiseau du chat, Hans se lève et… marche ! (425)
  2. Hans reçu au manoir (426)

« Dans l’après-midi, la châtelaine fit venir les deux parents. Elle et son mari, ils avaient parlé de Hans. C’était un garçon pieux et intelligent, il aimait lire et il apprenait facilement. Notre-Seigneur est toujours pour une bonne cause. » (427)

  1. Hans part pour étudier. Il veut être maître d’école (427)

« Il y avait tellement de choses à apprendre et à savoir, il souhaitait seulement arriver à l’âge de cent ans et devenir un jour maître d’école. « Si seulement nous pouvions voir cela ! » disaient les parents en se tenant par la main, comme lorsqu’on va prendre la communion. « Comme il en est arrivé des choses à Hans ! disait Ole. Notre-Seigneur pense aussi aux enfants des pauvres ! C’est justement avec l’invalide qu’on a pu le voir ! Ne dirait-on pas que Hans a été capable de nous lire cela dans le livre de contes ? » (427)

38. TANTE MAL-AUX-DENTS (429)

Un garçon épicier collectionne des textes imprimés ou manuscrits qui servent de papiers d’emballage. Parmi eux, l’histoire écrite par un étudiant « Tante Mal-aux-dents ». La grand-tante du jeune homme était convaincue qu’il était un grand poète depuis qu’il avait prononcé de belles paroles à l’enterrement du brasseur Rasmussen. Tante Mille l’encouragea à écrire surtout après avoir lu la description de son logement. Un jour de tempête de neige, l’étudiant offrit l’hospitalité à Tante Mille qui lui raconta l’histoire de ses dents. Pendant la nuit, ne trouvant pas le repos, l’étudiant reçut la visite de madame Mal-aux-dents, son horreur Satania infernalis qui lui promit d’abréger sa douleur à condition qu’elle arrête d’écrire malgré les sollicitations de la tante. Le manuscrit s’arrête là.

  1. Les histoires du tonneau (429)
  2. Le garçon épicier fils de charcutier a sauvé l’histoire écrite par un étudiant : Tante Mal-aux-dents (429)

I

  1. Une feuille de tilleul avec un insecte (430)
  2. Tante Mille convaincu que son petit-neveu est poète (431)

II

  1. Tante mal-aux-dents et son ami le brasseur Rasmussen (432)

« Nous les enfants, nous appelions Tante la tante de notre mère. Pour nous, elle n’avait pas d’autre nom. Elle nous donnait des confitures et du sucre, Bien que ce fût très mauvais pour nos dents, mais elle avait un faible pour ces gentils enfants, disait-elle. » (432)

« Il avait mangé trop de sucre étant petit, nous disait-il, à nous les enfants, « et vous voyez le résultat ». Tante n’avait sûrement jamais mangé de sucre dans son enfance. Elle avait les plus jolies dents blanches. Il faut dire qu’elle faisait attention à ne pas les user, elle les enlevait pour dormir ! disait le brasseur Rasmussen. Nous savions, nous les enfants, que c’était de la méchanceté, mais Tante disait qu’il ne voulait rien dire par là. »  (432)

  1. Rasmussen l’avait demandée en mariage quand elle était jeune, elle avait hésité (432)
  2. L’enterrement de Rasmussen (433)

« Puis le brasseur Rasmussen mourut. On le conduisit à la tombe dans le corbillard le plus cher et il eut un grand cortège, des gens qui portaient des décorations et un uniforme. Vêtue de deuil, Tante se tint près de la fenêtre avec nous tous, les enfants, à l’exception du petit frère que la cigogne avait apporté une semaine avant. Le corbillard et le cortège étaient passés, la rue était vide, Tante voulait partir, mais je ne voulais pas, j’attendais l’ange, le brasseur Rasmussen, puisqu’il était devenu un petit enfant de Dieu avec des ailes, et il fallait maintenant qu’il se montre. « Tante, dis-je. Ne crois-tu pas qu’il va venir maintenant ! ou que lorsque la cigogne nous amènera un petit frère, elle nous amènera l’ange Rasmussen. » Tante fut complètement stupéfaite par mon imagination, et elle dit : « Cet enfant deviendra un grand poète ! » (433)

  1. Le mal du poète et le mal aux dents (433)

III

  1. Un nouvel appartement très bruyant et pourtant agréable (434)
  2. Les encouragements de Tante (435)

IV

  1. La tempête de neige (436)
  2. Tante se réfugie chez l’étudiant pour la nuit (436)
  3. Les souvenirs de dents de Tante (437)

« Ce genre de pensées et de paroles ne sont pas amusantes, mais nous parlâmes néanmoins de tout cela, nous revînmes sur les années où j’étais enfant, nous (437) parlâmes et parlâmes, et il était minuit quand Tante alla se coucher dans le salon juste à côté. « Bonne nuit, mon cher petit ! cria-t-elle. Je vais dormir comme si j’étais dans mon propre lit ! » (438)

  1. La menace de Madame Mal-aux-dents, son Horreur Satania infernalis (438)

« Une silhouette était assise sur le plancher, mince et élancée, comme lorsqu’un enfant dessine avec un crayon sur l’ardoise quelque chose qui doit ressembler à un être humain. » (438)

  1. Tante Mille ou Madame Mal-aux-dents ? (440)

« Je ne savais pas si c’était la bonne Tante Mille qui m’aimait, ou l’épouvantable, à qui j’avais fait une promesse au cours de la nuit. « As-tu écrit, cher enfant ? – Non, non ! criai-je. C’est bien toi, Tante Mille ! – Et qui serait-ce d’autre ? » dit-elle. Et c’était bien Tante Mille. Elle m’embrassa, monta dans u fiacre et rentra chez elle. Je couchai sur le papier ce qui est écrit ici. Ce n’est pas en vers et cela ne sera jamais imprimé… »

  1. Fin du manuscrit (441)
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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 16:40

Traduction d’Etienne Galle, édition GF n°1634

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

(Ce résumé ne remplace pas la lecture factuelle du texte intégral dans l’édition

au programme et ne prétend pas en reproduire les qualités littéraires.)

1938: La famille Soyinka. Le père et la mère de Wole Soyinka, Grace Eniola Soyinka et Samuel Ayodele Soyinka, surnommés "Chrétienne Sauvage" et "Essay", Wole, Tinu et Femi (crédits Wole Soyinka)

I.LES ESPRITS DE LA FORÊT (11)

La mission à Aké (11)

Le fait que Dieu ait choisi de plonger son regard sur la mission tout entière, située à Aké, depuis les hauteurs d’Itoko où résidait le Chef avec ses chevaux, m’irritait. Cette route grimpant sur la colline à travers les marchés donnait vue à travers Ibàràpà et Ita Aké, jusque dans les recoins les plus secrets de la mission. Cette côte abrupte montant vers Itoko semblait rejoindre le ciel et il ne faisait guère de doute que Dieu descendait d’abord du sommet de la colline avant d’entrer dans l’église de Saint-Pierre le dimanche puis de passer prendre le thé avec le Chanoine. Maigre consolation, Dieu ne réservait pas cette première visite au Chef (11) païen, qui ne venait à l’église qu’aux anniversaires du couronnement de l’Alake. Dieu venait à Saint-Pierre pour l’office du matin mais réservait sa présence protocolaire pour celui du soir qui se faisait alors en anglais. L’orgue accompagnait les réponses solennelles qu’il faisait aux prières des fidèles. Seule la résidence du Chanoine, unique bâtiment à l’étage de la mission avec l’Évêché (qui lui n’abritait que des élèves), pouvait accueillir l’hôte dominical. Du haut de cette maison située à l’endroit le plus élevé de la mission, on pouvait regarder droit dans les yeux le sommet d’Itoko. Elle tournait le dos au monde de esprits de la forêt qui pourchassaient les enfants qui avaient eu le malheur (12) de s’y aventurer et les protégeait de son mur d’enceinte. Les salles de classe étaient proches de la forêt mais elles étaient vides la nuit et avec le mur, les rochers et les arbres, la mission d’Aké ressemblait à une forteresse. Nous jouions dans cette imbrication de végétation et de falaises en toute sécurité, au milieu des hibiscus et des senteurs de citronniers, de goyaves et de mangues. Au bord de la cour, l’enchevêtrement d’arbres à pluie, de pins à aiguille, d’acacias et de bambous nous laissait craindre que quelques serpents si cachassent. Entre la maison du Chanoine et les terrains de l’école, il y avait le Verger. (13) Sa végétation était trop abondante pour qu’on pût l’appeler un jardin fruitier. On y trouvait là des plantes et des fruits qui faisaient un prolongement des leçons religieuses : le lis de Cana qui évoquait la crucifixion, le fruit de la passion dont les enfants n’aimaient guère le goût. Mais le roi du Verger, c’était le grenadier né de l’imagination des histoires qu’on nous racontait à l’École du Dimanche. (14) Ce fruit nous transportait dans les plus belles histoires de la Bible. On ne trouvait de grenadier que dans le Verger car, selon le Jardinier, il avait été importé ici par un missionnaire blanc. On se demandait si cet arbre était le célèbre pommier qui avait fait perdre à Adam et Ève les joies du paradis. Le Jardinier répondit qu’il n’y avait pas de pommier en Afrique mais on ne voulut pas le croire. (15) Mais dès que l’on eut goûté à la grenade, elle remplaça l’attrait de la pomme. Des nuées de chauves-souris habitaient le figuier qui poussait au bord du terrain de jeu à côté de la concession du libraire, défiant l’harmattan (vent) : il remplissait la mission du chant des tisserins (oiseaux).

Dégradation de la mission (16)

Il est arrivé malheur à la mission d’Aké. Le sol s’est érodé, les pelouses se sont dénudées et le mystère a disparu de ces hauteurs jadis secrètes. A l’époque dont je parle, il ne se passait pas un jour sans une découverte. La carcasse de voiture où les enfants inventaient des voyages fabuleux n’est plus qu’une épave rouillée et l’incinérateur abandonné n’est plus signalé que par un monticule de boue. Quant aux maisons qui formaient les remparts de la mission d’Aké, ce ne sont plus que des caisses d’emballage (16) dans un paysage affaissé. On ne retrouve plus cette atmosphère où la végétation changeait de nature selon les saisons, les jours ou les heures de la journée. A cette époque, les échos que renvoyaient les murs de la mission prenaient des tonalités différentes selon les périodes de l’année et en particulier au moment du départ en vacances des écoliers. Lorsque je me couchais sur la pelouse qui était devant notre maison, les yeux tournés vers le ciel et la tête vers l’Évêché, mes jambes indiquaient la direction des concessions intérieures de la Mission d’en Bas. La moitié de l’école des filles anglicane couvrait l’une des parties basses, l’autre moitié s’était emparée de l’Évêché. En bas, c’étaient les classes des petits, un dortoir, un jardinet. Dans l’autre concession du bas, habitait le libraire de la mission, personnage ratatiné, marié à une femme paisible qui nous portait souvent sur le dos. Sa concession est devenue un raccourci pour rejoindre la route qui menait à Ibarà, Lafenwà ou Igbèin et au lycée sur lequel régnait Ransome-Kuti et où il habitait avec sa famille. Dans la concession du libraire se trouvait le (17) seul puits de la mission. L’Évêché de la Mission d’en Haut n’est plus. À cette époque, Mgr Ajayi Crowther apparaissait parfois, lui dont nous avions d’abord rencontré la photo officielle au frontispice de l’histoire de sa vie. Mon maître qui m’avait dit qu’il habité l’Évêché, m’observait chaque fois que je passais devant la maison pour aller faire une commission chez notre grand-tante, Mme Lijadu. L’Évêché était devenu l’internat de l’école des filles et un terrain de jeu supplémentaire pour nos vacances. L’Évêque était assis silencieux sous le porche. Un jour où je montrais curieux, il me montra sa montre à gousset pendant au bout de sa chaîne (18) avant de se lever vers moi. Je pris la fuite. L’Évêché semblait parfois rivaliser avec la demeure du Chanoine. On aurait dit un bateau aménagé. L’Évêché, contrairement à la demeure du Chanoine, ne se trouvait pas près des rochers et des bois. Le terrain de jeux des filles l’en séparait. Les évêques n’aimaient guère défier les esprits. Seuls les curés pouvaient le faire. Si Mgr Ajayi Crowther m’avait fait fuir, cela confirmait que les évêques, après leur mort, rejoignaient le monde des fantômes. Je ne pouvais imaginer le Chanoine (19) et le Révérend J.J., ancien occupant de cette maison, en train de se décomposer. J.J. Ransome-Kuti avait bel et bien, de son vivant, ordonné à une bande de ghommides de retourner d’où ils venaient comme me l’a confirmé ma mère. C’était sa petite-nièce, et avant de venir habiter chez nous, elle avait vécu chez le Révérend J.J.

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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 16:37

Traduction d’Etienne Galle, édition GF n°1634

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

(Ce résumé ne remplace pas la lecture factuelle du texte intégral dans l’édition

au programme et ne prétend pas en reproduire les qualités littéraires.)

Oncle Sanya, l’oro face à l’iwin (20)

Son frère Sanya également, et tout le monde admettait qu’il était oro, ce qui faisait qu’il était à l’aise dans les bois, même la nuit ? Une fois pourtant, il avait dû aller trop loin. – Ils nous avaient déjà rendu visite, dit-elle. Pour se plaindre. Vous savez, ils ne voilaient pas vraiment entrer dans la concession, ils ne s’approchaient pas, ils restaient à la limite des bois. Leur chef, celui qui parlait, émettait des étincelles, elles jaillissaient en tous sens de sa tête qui semblait n’être qu’une boule de braises – non, je confonds, ça c’était la deuxième fois, lorsqu’il nous a poursuivis jusqu’à la maison. La première fois, ils s’étaient contentés d’envoyer un émissaire. C’était un petit, il avait la peau sombre et basanée. Il est venu jusqu’à la cour de derrière, il nous a ordonné d’appeler le Révérend et il est resté là. C’était comme si Oncle s’était attendu à sa visite. Il est sorti de la maison et il lui a demandé ce qu’il voulait. Nous, on s’est réfugiés dans la cuisine et in a regardé par le trou de la serrure. – Sa voix, comment elle était ? Il parlait comme un egúngún ?  Ce personnage (20), selon ma mère avait la tête trop grosse, il voulait bien qu’on vienne dans les bois mais sans dépasser les rochers et le bosquet de bambous. Tinu, ma sœur aînée voulait savoir ce que Oncle avait dit. – Il parlait exactement comme ton père ! dit ma mère. Oncle nous a tous fait venir et il nous a avertis qu’il ne fallait plus aller là-bas. Mais ils y sont retournés. Une semaine plus tard, Oncle Sanya les a emmenés pour ramasser un panier et demi d’escargots. – De toute façon, Sanya était oro lui-même. (21) Mais tout à coup il y a eu cette espèce de lumière et des voix qui marmonnaient autour de nous : « Petits têtus, petits cabochards, on vous a avertis, on vous a prévenus, mais vous n’avez pas voulu écouter… » Chrétienne Sauvage regardait par-dessus nos têtes en fronçant les sourcils pour mieux se souvenir. Elle ne voyait que la boule de feu se rapprocher. On voulait savoir ce qu’avait fait Oncle Sanya. – Sanya wo ni yen ? Il a été le premier à se mettre à courir. Bo o ló yà mi kítípa kítípa ! [Si tu ne veux pas avancer, ne reste pas dans mes jambes] Personne ne pensait plus aux gros escargots. Cet iwin [« Ghommide » esprit des bois qui est également censé vivre sous terre.] nous a suivis jusqu’à la maison. […] (22). Cet iwin qui avait bel et bien dépassé la limite des bois voulait nous poursuivre jusqu’à la maison. Chrétienne Sauvage poussa un profond soupir et hocha la tête avec une étrange tristesse – Le temps de la foi est passé. Ils avaient la foi, nos premiers chrétiens, la vraie foi, pas seulement aller à l’église et chanter des hymnes. La foi. Igbàgbó. C’est cette foi-là qui donne la vraie force. Alors Oncle a brandi sa Bible et le monstre s’est sauvé. Après la prière du soir, il a fallu payer. Six bons coups chacun dans le bas du dos. Sanya en a eu douze. Et on a dû couper l’herbe tous les jours pendant une semaine. La frayeur avait dû suffire comme punition. Chrétienne Sauvage ajouta : (23) – La Foi et… la Discipline. Voilà de quoi étaient faits ces premiers croyants. Peuh ! On n’en fait plus des comme ça. Quand je pense à celui qui occupe maintenant cette maison… Mais, reprenant ses esprits, ma mère appelait déjà Tata Lawanle pour notre bain. Je voulais savoir pourquoi Oncle Sanya était oro. Elle me répondit qu’elle nous l’expliquerait une autre fois ou qu’on n'avait qu’à le lui demander.

L’église effondrée lors du cortège de l’egúngún (24)

Lawanle entra à ce moment-là. Mais je voulais savoir encore si Monseigneur Crowther était oro. Chrétienne Sauvage se mit à rire. Oh ! je vois, on t’en a parlé à l’École du Dimanche ? (24) En m’accrochant à la porte, je répondis que je l’avais vu en traversant la cour pour aller chez Tata Lijadu. – Il se cache dans la bougainvillée.  Plus tard, après le bain, Maman nous raconta le reste de l’histoire. Cette fois-là, le Révérend J.J. était parti pour une de ses tournées missionnaires. Dans un des villages ijebu, il lui arriva une terrible aventure. Il avait tenu à maintenir son office le jour du cortège de l’egúngún malgré les avertissements de la voix ancestrale. En partant, le cortège frappa trois fois sur le portail de l’église avec sa baguette et le bâtiment s’écroula, heureusement pas sur les fidèles. Après avoir rassuré tour le monde, le Révérend J.J. (25) continua. C’était peut-être cela que Chrétienne Sauvage voulait dire à propos de la foi bien que l’egúngún ait réussi à faire écrouler l’église. Chrétienne Sauvage ne fit aucun effort pour expliquer ce qui s’était passé au point que cet exploit me paraissait du même ordre que la foi qui l’animait. Elle attribuait même à la foi sa dextérité à transvaser de l’huile d’une bassine dans une bouteille sans perdre la moindre goutte. Et quand cela arrivait, elle pensait qu’elle devait prier davantage.

Sanya et la guérisseuse (26)

Le Révérend J.J. avait le même entêtement que notre oncle Sanya qui n’eut de cesse de retourner vers les droits que l’oro avait interdits pour chercher des champignons et des escargots (26) et ramasser du bois. Maman nous raconta une de ses sorties avec Sanya. Tout à coup, elle l’entendit parler avec quelqu’un sans voir avec qui. Elle avait déjà constaté que, bien qu’il passât le plus clair de son temps à s’amuser, (27) il revenait toujours avec le panier plein. Il en fut de même cette fois-là. Son propre panier était presque vide. Il décida de rentrer mais quelque chose semblait le retenir à l’arrière. Tous les deux se mirent à courir. Sanya tomba malade : il avait la fièvre et ne pouvait parler. Une dame âgée, convertie par J.J. vint nous voir (28) et Maman lui raconta tout. La vieille dame donna ses instructions : – Il me faut un panier d’àgidi [mets solide à base de maïs], cinquante portions. Ensuite, préparez-moi de l’èkuru [mets liquide à base de haricots moulus cuits à la vapeur et de sauce] dans un grand plat. Il faut absolument que le ragoût d’èkuru contienne beaucoup de caroubes et de langoustes. Et qu’il y ait une odeur aussi appétissante que possible. On envoya les enfants dans toutes les directions pour acheter et préparer tous ces ingrédients. Les enfants en avaient l’eau à la bouche ; ils s’étaient tout de suite dit qu’il s’agissait d’un festin d’apaisement, d’un sàarà [offrande, nourriture distribuée en offrande] destiné à des esprits offensés.  Mais quand tout fut prêt, la guérisseuse emporta les mets dans la chambre du malade, ferma la porte à clef et ordonna à tout le monde de s’éloigner. On devait vaquer à nos occupations et ne pas essayer de lui parler pour qu’il guérisse. (29) Elle ferma les fenêtres et partit s’installer à l’autre bout de la cour pour surveiller les allées et venues des enfants. Mais elle finit par s’assoupir si bien que Maman et les autres ne tardèrent pas à s’approcher. Ils entendaient parler Oncle Sanya et des bruits de plats et de gobelets. Six heures après la fermeture de la porte, la dame se décida à ouvrir la porte. Sanya dormait profondément, il n’avait plus de fièvre. Tous les mets préparés avaient été consommés. Il n’y avait plus de doute. Oncle Sanya était oro. Chrétienne Sauvage en était convaincu (30). Comme il ne venait que très rarement à cette époque, on ne pouvait pas lui poser de questions et Maman refusait de répondre. Quand il revint à la mission, je remarquai son regard vide. Pourtant, il paraissait trop actif pour être oro. Pendant longtemps, je le confondis avec le chef scout d’Aké que l’on surnommait Activité. Je me mis à surveiller les louveteaux qui paraissaient les plus proches des compagnons invisibles qu’Oncle Sanya avait dû fréquenter au cours de son enfance. En les voyant faire leurs activités j’avais l’impression d’avoir trouvé les amis qui avaient rejoints Sanya, sous le nez outragé de Chrétienne Sauvage et des autres enfants, dans la maison de J. J et s’étaient régalés avec lui. (31)

Pa Delumo (32)

L’église ne laissa à la mission qu’un curé et son catéchiste ; Aké ne méritait plus d’avoir un évêque. (31) La cure s’est dégradée, le Verger a disparu. On appelait le maître de cette demeure Pasteur, Curé, Chanoine ou Révérend. Ou tout simplement, comme ma mère, Pa Delumo. Mon père et moi avions choisi Chanoine, à cause d’une visite à Ibarà. On accompagnait parfois nos parents dans des visites fatigantes dont ne comprenions pas toujours le but (32) Nous étions allés jusqu’à une maison nommée LA RÉSIDENCE ; mais je fus surtout intrigué par deux canons. Je demandai pourquoi mon père appelait Pa Delumo canon [en anglais « chanoine » se dit canon]. Ma mère me donna une explication mais je pensais que c’était à cause de sa tête qui ressemblait à un boulet de canon : il donnait une impression d’immobilité indestructible (33) Ses catéchistes et ses assistants paraissaient invisibles à côté de lui. Seul notre oncle Ransome-Kuti, que tout le monde appelait Daodu semblait de taille à rivaliser avec lui. La présence de Pa Delumo me remplissait d’effroi. Il dominait la mission et même Aké encore plus que Kabiyesi, notre Oba [chef traditionnel yorouba], aux pieds de qui les hommes se prosternaient. Il m’arrivait parfois de croiser d’autres clergymen mystérieux comme Mgr Howells, mais celui-ci vivait retiré loin de nous alors que le Chanoine régnait sur Saint-Pierre. Il venait souvent discuter avec mon père. (34) Mon père ne se disputait jamais avec lui, contrairement à ce qu’il faisait avec le libraire ou ses autres amis. Un jour que mon père se querellait avec le libraire sur la naissance du Christ, le Chanoine s’approcha mais seulement pour tapoter la joue d’un petit garçon que sa mère tenait par la main.  L’expression énigmatique de son visage ; sa tenue dépareillée (35) Cette alternance de possibilités surhumaines et de banalités de vêtements mal ajustés me troublait. J’aurais préféré qu’il demeurât toujours en soutane et surplis.

Mon père, le libraire et sa femme, Mme B. (36)

Dans toutes les polémiques, la position préférée de mon père était celle de l’avocat du diable. On l’appelait S.A. d’après ses initiales [Samuel Ayo], H.M ou Headmaster [directeur] et moi Essay bien que je n’aie pas hérité de ses qualités de calligraphie. Il faisait preuve de la même élégance dans sa mise. Sa tenue à table était une source d’émerveillement pour ma mère que, par contraste, je baptisai vite Chrétienne Sauvage (36). Mais au moment des discussions, il se passionnait aussi vite que le libraire qui apportait à la maison quantité d’animaux qu’il élevait dans sa concession et après lesquels on n’arrêtait pas de courir. Maigre et irascible, il ponctuait ses discours de gestes d’oiseau, sans lâcher son bonnet de toile. (37) La femme du libraire était comme notre propre mère. La peau d’un noir de jais, d’une beauté bovine et d’une bonté inépuisable, elle était beaucoup plus corpulente que son mari au point qu’on pouvait croire qu’elle l’avait avalé quand il disparaissait. Le dos de Mme B. sur lequel j’avais été porté me paraissait vaste et rassurant. Nous dormions souvent chez le libraire et lorsque ma mère voulait nous punir avec son bâton, c’est Mme B. qui nous protégeai.

Leur fille Bukola, l’àbikú, enfant tyrannique (38)

Sa seule fille, Bukola n’appartenait pas à notre monde (38). Avec ses amulettes, crécelles, bagues et cicatrices, elle savait qu’elle était àbikú [enfant qui naît, renaît et meurt à un nouveau cycle continu.] Ses parents n’osaient pas trop la gronder. Quand elle faisait une crise à notre demande et que ses yeux se révulsaient, Tinu prenait peur (39) et menaçait de nous dénoncer. Je me demandais comment sa mère se débrouillait avec cet être surnaturel capable de faire la navette entre deux mondes. Quand elle marchait en faisant tinter les grelots de ses chevilles, elle disait que ses compagnons de l’autre monde lui demandaient de venir jouer avec eux. Je lui suggérai de les inviter à jouer avec nous. – Ils ne peuvent pas bouger comme nous. Et vous non plus vous ne pouvez pas aller les rejoindre, dit-elle. Elle était vraiment spéciale (40) avec ce privilège de passer facilement d’une sphère à l’autre. Je l’avais vue une fois pendant une crise et sa mère gémissait : « Egbà mi, ara è ma ntutu ! Ara è ma ntutu ! » [Aidez-moi, elle devient toute froide.] Elle essayait de la réchauffer. Le libraire accourut, lui desserra les dents et la fit boire de force. L’àbikú ne reprit pas immédiatement connaissance mais le danger était passé. On l’allongea sur le lit et elle de détendit. Nous restâmes assis à côté d’elle, Tinu et moi, attendant qu’elle se réveillât. Sa mère lui fit boire une soupe de poisson auquel elle ajouta un liquide épais. Elle avala sa potion sans une plainte. (41) Puis nous sortîmes jouer. Elle avoua qu’elle faisait cela quand sa mère ou la bonne la contrariait. Elle menaçait alors de partir. Cela me rendait mal à l’aise. Une femme aussi gentille que Mme B. n’aurait pas dû être affligée d’une enfant aussi impossible ; et pourtant nous savions qu’elle n’était pas cruelle ; les àbikú étaient comme ça. Je pensais à toutes les choses que Bukola pouvait demander à ses parents. (42) Que ferait-elle si elle demandait quelque chose qu’ils ne peuvent pas donner, comme la voiture de l’Alake ? Ils devaient répondre y compris si elle exigeait un sàarà pour ses camarades. La dernière fois que son père avait refusé, il avait dû une poule supplémentaire pour la faire revenir. Son visage passait de l’innocence à l’autorité. J’éprouvais une vague inquiétude à la pensée qu’une enfant pût exercer un tel pouvoir sur ses parents. Au cours du sàarà j’observais ce qui se passait (43). Tout paraissait normal. Bukola était somptueusement vêtue : elle avait les yeux marqués à l’antimoine et le visage poudré et mangeait au milieu de sa natte ; jamais en tout cas je ne la vis donner de la nourriture en secret à des compagnons invisibles. Et pourtant le sàarà leur était destiné. Je me suis parfois demandé si M.B. ne se réfugiait pas chez nous pour échapper à la tyrannie de cette enfant. C’est lui qui prolongeait les débats le plus tard possible. Mais moi je pouvais me rendre compte de cette insistance et la patience exagérée de mon père ne faisait que le confirmer. Parfois, les discussions prenaient un tour effrayant.

La plaisanterie de la main coupée (44)

Un jour le libraire, Fowokan le sous-directeur de l’école primaire, le catéchiste et un autre intime d’Essay le raccompagnèrent chez lui après l’office. Osibo, le pharmacien aimait assister à ces séances sans y participer. Ils étaient animés (44) par la discussion. Les débats se poursuivirent devant des bières, de la limonade, des beignets et des biscuits. Chrétienne Sauvage se plaignait de ces amis envahissants mais elle aimait le rôle d’abreuvoir intellectuel d’Aké et de ses environs que jouait la maison du directeur d’école. Vers la fin de l’après-midi, d’autres provisions ranimèrent la discussion jusqu’à l’heure où ils devaient rentrer se changer pour se rendre à l’office. C’est à cette heure-là que le père de Bukola semblait courir le plus de dangers. Le libraire semblait devenir la preuve sacrificielle d’un désaccord. Ma loyauté envers sa femme créait un terrible dilemme. Je me sentais le devoir de prévenir sa femme des dangers qu’il courait. (45) Ce jour-là, ses amis voulaient tout simplement couper l’un des membres de M.B. La discussion était partie du sermon du matin. Le libraire se défendait. Au milieu des rires, Essay demanda qu’on apporte un couteau, M. Fowokan voulait une hache pour lui couper la main gauche (46). Le libraire prétendit qu’une offense contre Dieu n’était pas une offense contre les hommes. Atterré, je voulais qu’on aille chercher Mme B.. Essay tâtait déjà le tranchant du couteau. (47) Mon père continuait son discours sur l’offense de sa main droite. J’étais impressionné. Leur rire rendait la chose encore plus diabolique. Tout à coup, le libraire ouvrit la porte et s’enfuit. Les autres se mirent à sa poursuite (48) qui cessa dans les rires quand ils se séparèrent. J’étais loin d’apprécier leur légèreté mais je me sentais profondément soulagé à la pensée que Mme B. n’aurait pas à s’occuper d’un mari manchot en plus de son àbikú obstinée. (49)

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