LE MAGE DU KREMLIN de Giuliano da EMPOLI, NRF, Gallimard, 2022, (1ère partie).
Véritable succès d’édition de l’année 2022, à cause peut-être de la coïncidence avec l’actualité de la guerre en Ukraine, Le Mage du Kremlin se présente comme les pseudo-mémoires de Vadim Baranov, conseiller de Vladimir Poutine pendant une vingtaine d’années. Ces souvenirs et réflexions politiques sont recueillis par un narrateur. Essayiste et conseiller politique, Giuliano da Empoli a choisi ici la forme romanesque.
Attention ! La suite du texte dévoile l’intrigue. Si vous n’avez pas encore lu le roman, passez au 2. Critique.
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- Résumé détaillé.
RECIT CADRE.
(Le narrateur est un Français qui fait des recherches à Moscou)
- Vadim Baranov, Nicolas Brandeis et Evgueni Zamiatine.
Depuis la démission de Vadim Baranov de son poste de conseiller du Tsar, les rumeurs s’étaient multipliées sur sa situation. On croyait l’avoir vu à différents endroits. La plupart des hommes de pouvoir tirent leur aura du pouvoir qu’ils occupent. Quand ils la perdent, ils ne sont plus rien (13). Baranov était différent. Il avançait, entouré d’énigmes. La seule chose plus ou moins certaine était son influence sur le Tsar : il avait contribué pendant quinze ans à l’édification de son pouvoir. On l’appelait « le mage du Kremlin », « le nouveau Raspoutine », sans que son rôle occulte soit bien défini (14). Les réunions nocturnes aboutissaient souvent à des décisions politiques subites dès le matin. A l’époque, Baranov était très discret, on ne le voyait nulle part, il ne donnait pas d’interviews. Il écrivait dans une obscure revue, sous le pseudonyme de Nicolas Brandeis, des textes qu’on s’appliquait à interpréter (15). L’apothéose de cette équivoque se produisit un soir d’hiver où l’on donna une pièce de Nicolas Brandeis dans un petit théâtre d’avant-garde. Des gens influents se pressaient pour voir cette pièce où on se moquait d’eux. (16) Pourtant, ces distractions ne parvenaient pas à dissiper le malaise de Baranov. On le disait inquiet. Le Tsar commençait à le haïr. Jusqu’au jour où il avait disparu. Une simple note du Kremlin avait annoncé la démission du conseiller politique du président de la Fédération de Russie.
Quand j’arrivai à Moscou, quelques années plus tard, le souvenir de Baranov planait comme une ombre vague sur chaque mesure obscure du Kremlin, d’autant que Moscou se trouvait sur le devant de la scène. (17) On écrivait sur lui et sur son influence occulte. Un professeur avait écrit Vadim Baranov et l’invention de la Fake Democracy et on s’interrogeait sur la permanence de son influence sur le Tsar. Quel rôle avait-il joué dans la guerre contre l’Ukraine ?
Je suivais toutes ces élucubrations avec un certain détachement, fréquentant les bibliothèques et les cafés. (18) A mes côtés, marchait un magnifique fantôme dans lequel j’avais reconnu un allié potentiel dans mes raisonnements. Evgueni Zamiatine, rentré d’exil en 1918 pour participer à la révolution bolchévique, avait rapidement déchanté et en avait tiré un roman, Nous, dépeignant une société gouvernée par la logique où toute chose était convertie en chiffres, où la vie de chacun était réglée dans les moindres détails pour garantir une efficacité maximale. (19) Tout était transparent dans le monde de Zamiatine jusque dans la rue où une membrane enregistrait la conversation des piétons. Zamiatine était devenu mon obsession depuis que je l’avais découvert. Son œuvre concentrait toutes les questions de l’époque qui étaient la nôtre. Nous ne décrivait pas que l’Union soviétique, il racontait le monde lisse, sans aspérités, des algorithmes, la matrice globale en construction et face à celle-ci l’irrémédiable insuffisance de nos cerveaux primitifs. Zamiatine était un oracle, il ne s’adressait pas seulement à Staline, il égratignait tous les dictateurs à venir, les oligarques de la Silicon Valley, comme les mandarins du parti unique chinois. Son livre était l’arme finale de la ruche digitale qui commençait à recouvrir la planète et mon devoir consistait à la déterrer et à la porter dans la bonne direction. (20) J’avais convaincu mon université de financer une recherche sur cet auteur qui avait terminé ses jours à Paris. Une maison d’édition avait manifesté un vague intérêt pour un projet de réédition de Nous et un producteur avait envisagé d’en faire un documentaire.
Dès mon arrivée à Moscou, je fus distrait de cette mission par la découverte de cette ville impitoyable. Toutes les temporalités de la vie de Zamiatine, de son roman, des cicatrices de Staline et des traces du Moscou prérévolutionnaire se croisaient en moi. J’ai cessé de lire les journaux pour me tourner vers les réseaux sociaux. Parmi les profils russes, il y avait celui d’un certain Nicolas Brandeis. (21) J’imaginais que derrière ce nom se cachait un étudiant dans son studio à Kazan plutôt que le « mage du Kremlin » mais dans le doute, je me mis à suivre ses rares interventions. Un soir où j’étais seul dans ma chambre, j’abandonnai un récit ennuyeux de Nabokov (22) pour consulter ma tablette où apparut une phrase de Zamiatine : « Entre nos murs transparents comme tissés d’air étincelant, nous vivons à la vue de tous, toujours inondés de lumière. Nous n’avons rien à nous cacher les uns des autres. » Je répondis à ce tweet de Brandeis : « De plus, cela allège le travail noble et pénible des Gardiens. Sans quoi, qui sait ce qui pourrait arriver. » Le lendemain, je découvris un nouveau message : « Je ne savais pas qu’en France, on lisait encore Z » auquel je répondis : « Z est le roi secret de notre époque ». (23) Après quelques échanges, il me fit cette proposition : « Si vous êtes intéressé par Z., j’ai quelque chose à vous montrer. » Je n’avais rien à perdre. (24)
- Rencontre nocturne avec Baranov.
Un matin, une Mercedes noire vint me chercher avec deux colosses muets. On sortit de Moscou pour s’enfoncer dans la forêt. (25) Mon téléphone avait cessé de fonctionner. La voiture s’immobilisa devant un grand édifice (26) et un majordome me conduisit jusqu’au bureau de Baranov (27) qui me demanda de l’excuser pour cette heure tardive et me proposa de l’accompagner jusque dans sa bibliothèque (28). Il avait hérité ses livres de son grand-père. Il me montra l’original de la lettre par laquelle Zamiatine (29) demandait à Staline l’autorisation de quitter l’URSS. La plus belle supplique adressée par un artiste à Staline. Il ne s’abaissait pas. Il avait tout compris trop vite et avait commis l’imprudence de l’écrire. (30) Baranov m’observait. Il prit longuement la parole : Zamiatine avait essayé d’arrêter Staline. L’avenir s’était joué entre deux projets artistiques. Zamiatine et Staline étaient deux artistes d’avant-garde qui rivalisaient pour la suprématie. Zamiatine savait que l’art de Staline menait au camp de concentration : lui se battait avec les armes de la littérature. (31) Quand Zamiatine convainquit Chostakovitch de composer la Lady Macbeth de Mtsensk, c’est parce qu’il savait que l’avenir de l’URSS dépendait de cette représentation : réintroduire la singularité de l’individu contre l’ordre planifié. Staline était sorti furieux après le troisième acte et avait fait condamner l’œuvre dans la Pravda : le seul rêve permis était celui de Staline. La première moitié du XXe siècle, selon Baranov, avait vu l’affrontement titanesque entre artistes (Staline, Hitler, Churchill) puis les bureaucrates étaient arrivés ; aujourd’hui, les artistes étaient de retour. Les artistes d’avant-garde (32) prétendaient non pas décrire la réalité mais la créer. Les personnages de reality shows avaient remplacé les artistes de jadis. Baranov, lui, avait pris sa retraite et on ne lui avait pas pardonné. Je lui demandai pourquoi il n’écrivait pas ses mémoires : « aucun livre ne sera jamais à la hauteur du vrai jeu du pouvoir » (33) « Le pouvoir est comme le soleil et la mort, il ne peut se regarder en face, surtout en Russie ». Il proposa de me raconter une histoire : « Mon grand-père était un formidable chasseur » (34)
RÉCIT ENCHÂSSÉ
(C’est Baranov qui devient le narrateur du récit)
- Le grand-père de Baranov, l’aristocrate misanthrope et antibolchévique, chasseur de loups.
Le grand-père de Baranov était un formidable chasseur de loups. Quand les bolchéviques, qu’il haïssait, ont pris le pouvoir, c’est tout ce qui lui est resté. Il avait baptisé ses chiens du nom de leurs chefs : « Viens, Molotov ! », « Couché, Beria ! » Heureusement, personne ne l’avait dénoncé. Le père de Vadim considérait son père comme un extravagant. Il en avait honte et avait peur. Et il n’avait pas tort, compte tenu du contexte. Le grand-père, lui, s’en fichait. Il se mit à écrire des livres sur la chasse (35) qui lui valurent une certaine réputation. En 1954, on le nomma à la tête d’une expédition gouvernementale chargée d’abattre les loups qui proliféraient. Il ne changea pas d’attitude pour autant. Il se moquait de son fils : « Bravo, Kolya, si tu continues comme ça, Brejnev te prendra sur tes genoux pendant la parade du 9 mai ! » ou « Tu sais que les fonctionnaires du Parti se divisent en deux catégories, n’est-ce pas ? – Oui, papa, tu me l’as déjà dit. – Les bons à rien et les prêts à tout. Je me demande à quelle catégorie tu appartiens, Kolya ! » Le père de Baranov était surtout préoccupé d’éviter les ennuis : il était entré chez les pionniers, puis au Komsomol. Il voulait se faire pardonner son père excentrique, ses origines aristocratiques. La seule révolte contre son père était le conformisme. Tous les étés, Vadim était expédié à la campagne chez son grand-père (36) qui logeait dans une isba rustique. La grand-mère était morte d’une péritonite à l’âge de vingt-trois ans et cet événement avait clos sa vie sentimentale. (37) Un couple de paysans, Zakhar et Nina, faisait office de domestiques. Zakhar servait aussi de chauffeur. Autour de ce grand-père, il se passait toujours quelque chose : la magie d’autrefois se recréait. Il y avait toujours un apparatchik de mauvaise humeur mais personne n’aurait osé le toucher. Il avait survécu aux purges (38) mais la politique semblait ne pas l’intéresser. Avec ses amis, il racontait des histoires de chasse et l’actualité donnait lieu à des plaisanteries (le quatuor en tournée à l’étranger, Khrouchtchev et les cochons). Son grand-père lui racontait des aventures des troupes du tsar occupant Paris après la chute de Napoléon (histoire de Yurko) (40). A dix-huit ans, une chute de cheval et une fracture du bassin l’avait empêché d’aller se faire massacrer à la guerre. (41) C’est à ce moment-là qu’il avait rencontré la grand-mère de Vadim. Ils avaient de grands projets. Ils commençaient à être reçu à la cour et son beau-père était en train de se faire construire un palais sur la perspective Nevski. Mais la révolution avait tout arrêté. Les bolchéviques massacraient tsaristes et républicains. Il s’était adapté. « Si tu pars de l’idée que ce ne sont pas les choses, mais la jugement (42) que nous portons sur elles qui nous fait souffrir, alors tu peux aspirer à prendre le contrôle de ta vie. Sinon tu es condamné à tirer sur des mouches avec un canon. » Le grand-père parlait sérieusement avec une pointe d’ironie. Les hommes de cette génération tenaient à transmettre ce qu’ils avaient compris de la vie. Ce sont les derniers à avoir pensé ainsi Il avait lu Kafka, Thomas Mann et prenait le risque de lui dire ce qu’il avait à dire. (43)
- Le père de Baranov, la petite Garde rouge.
Comment le grand-père avait-il réussi à mettre en lieu sûr sa bibliothèque ? Personne n’avait eu le courage d’aller fouiller dans ses affaires et sa famille même n’avait pas le droit de monter au grenier. De temps en temps, il revenait des combles avec un livre : les Mémoires de Casanova, les Fables de La Fontaine, les romans de la Comtesse de Ségur, les Mémoires du Cardinal de Retz (à dix ans). Baranov montrait sa bibliothèque (44) : la plupart des livres appartenait à ce grand-père ; presque tous étaient en français. « Le sommet de la civilisation. » Le monde qui avait été le sien s’était formé en regardant vers Paris. Nesselrode, le célèbre négociateur russe du Congrès de Vienne ne parlait pas russe. Il avait dirigé pendant quarante ans la politique étrangère de l’Empire. Cet amour avait été payé en retour par le mépris. Custine qui avait été reçu comme un frère par le tsar, avait décrit la Russie comme un enfer dans ses quatre volumes. Grand-père détestait le Voyage en Russie et pourtant était fasciné. Ce maudit Français était pour lui le meilleur interprète de la Russie. La Cour a toujours été le moyen d’arriver au pouvoir et aux richesses. S’appuyer sur les passions populaires en Russie ne servait à rien (45). Le meilleur moyen est l’adulation, pas le talent, le silence, pas l’éloquence. Custine voyait les nobles de Saint-Pétersbourg se promener sans manteau en hiver pour aduler le tsar. Quand le grand-père de Baranov tenait ces raisonnements, son fils tremblait mais il n’avait jamais eu la force d’en priver Vadim. Il n’était pas souvent à la maison ; il était toujours en voyage pour des conférences. Il avait été nommé directeur de l’Académie des sciences sociales du parti. Son principal objectif était de ne jamais être réveillé par les agents de sécurité. Cette forme de naïveté apparaissait catastrophique à Vadim Baranov (46). Son père était toujours écrasé par ce fardeau. Le grand-père l’appelait « la petite Garde rouge ». Ça faisait rire Vadim, mais c’est grâce à son père qu’il avait pu bénéficier de tous les privilèges de la vie soviétique. A cette époque, le privilège le plus recherché à Moscou était la kremliovka, un panier de victuailles réservé aux membres et aux hauts fonctionnaires du Comité Central du Parti. Chaque jour, Vitali, le chauffeur de son père allait le retirer au n°2 de la rue Granoskovo. Vadim l’accompagnait parfois. (47)
Baranov reconnaissait qu’il avait eu une enfance heureuse, qu’il n’avait jamais éprouvé aucun sentiment d’envie ou de revanche comme ceux qui avaient traversé la misère avant de jouir de leur fortune sur la Riviera. (48) « Les étrangers, ajouta Baranov, pensent que les nouveaux Russes sont obsédés par l’argent. Ce n’est pas ça. Les Russes jouent avec l’argent. Ils le jettent en l’air. Seul le privilège compte en Russie, la proximité du pouvoir. Tout le reste est accessoire. C’était comme ça du temps du tsar et pendant les années communistes encore plus. Le système soviétique était fondé sur le statut. L’argent ne comptait pas. Il y en avait peu en circulation et il était de façon inutile : personne n'aurait pensé évaluer une personne sur la base de l’argent qu’elle possédait. […] Ce qui comptait, c’était le statut, pas le cash. Bien sûr, il s’agissait d’un piège. Le privilège est le contraire de la liberté, une forme d’esclavage. » Il prit l’exemple du vertushka, un téléphone, l’objet le plus convoité pendant le communisme, un appareil qui permettait de communiquer avec tous les (49) pontes du régime. Posséder cet objet voulait dire qu’on avait réussi. Bien sûr toutes les conversations étaient interceptées par le KGB mais personne n’y aurait renoncé. « C’est curieux comme les courtisans aspirent plus que tout à l’instrument de leur soumission. »
Baranov raconta une autre anecdote. De temps en temps, son père organisait une projection privée à l’Académie. Il invitait quelques collègues. Vadim devait avoir douze ou treize ans quand son père avait fait projeter La Prise du pouvoir par Louis XIV de Rossellini. Le film expliquait comment le roi avait enfermé ses courtisans dans une cage pour les priver de liberté. Il y avait eu un certain malaise parmi les spectateurs qui s’étaient séparés rapidement. (51) L’élite soviétique ressemblait à la vieille noblesse tsariste. Quel que fût le régime, au sommet, il y avait les opritchniki, les chiens de garde du tsar. « Les vertushkas existent encore, dit Baranov, ce sont les lignes sécurisées du FSB. Quiconque veut communiquer avec le Tsar doit en posséder une. La voici. » Il montrait un banal combiné gris. (52) Vadim Baranov n’avait plus le droit d’aller en Europe ou aux Etats-Unis.
Il continua à parler de son père. C’était un homme gentil, toujours plongé dans ses lectures. A cinquante ans, il avait remporté le prix Lénine. Les bibliothèques étaient tenues de posséder ses œuvres. Puis vint Gorbatchev avec son verre de lait et le doublement du prix de la vodka. Le père de Vadim avait tout perdu rapidement : travail, privilèges, honneur. Même son appartement, il avait fini par être obligé de le vendre. (53) Tous les critères sur lesquels il avait basé sa vie étaient tombés. A l’époque, Vadim, qui n’avait pas trop envie de travailler, revendait des téléviseurs et des magnétophones. Il gagnait plus que son père qui avait cessé de sortir et tomba malade. Pourtant, il semblait devenu plus gai, comme libéré d’un poids. Il eut une attaque (54) et fut hospitalisé à la clinique du Kremlin. La star parmi les malades, ce n’était pas lui mais une grosse matrone qui passait ses vacances sur la Côte d’Azur. Les soignants étaient hypnotisés par tout ce qu’elle possédait. Les médecins essayaient de le rassurer mais il ne se faisait aucune illusion. Il fit preuve d’un courage qu’il n’avait jamais eu auparavant. Vadim eut enfin avec lui de vraies conversations (55). Il parlait sur un ton caustique, mordant, désenchanté, faisant preuve de la même ironie que son propre père. Un jour, il mourut. Il n’eut pas les belles funérailles dont il avait sans doute rêvé. « Moi, ce n’est pas ce que je veux, dit Vadim. J’ai pris la voie opposée à celle qu’il avait tracée pour moi. » (56)
- La vie de théâtreux et la rencontre de Ksenia.
« Quand on est jeune, on ne se contente pas de faire quelque chose, on veut également le justifier. » Le père de Baranov avait voulu qu’il devienne diplomate. Lui ne désirait qu’une chose, se débarrasser des intentions, des devoirs et des projets. Il s’était inscrit à l’académie d’art dramatique de Moscou et avait commencé à vivre la vie désordonnée des théâtreux. Au début des années 90, Moscou était une ville électrique. Ils avaient vingt ans et un monde nouveau s’ouvrait à eux au moment où ils avaient la force de le conquérir. Ils ne dormaient que trois ou quatre heures par nuit. Ils pouvaient assister aux productions (57) de l’Occident, rencontrer des acteurs, des metteurs en scène, discuter avec eux, persuadés que leur tour était venu de refonder la société sur de nouvelles bases. Ils venaient d’un monde où l’on ne pouvait rien dire. Pendant ces années 90, les journaux qui s’occupaient d’art vendaient des millions d’exemplaires. Les gens ne pouvaient croire qu’ils étaient libres de lire tout ça, eux qui vivaient dans l’idée de l’art rédempteur.
Lors d’une soirée, il avait rencontré Ksenia, une fille sublime et tranquille. Il s’était rapidement rapproché d’elle. (58) Ses deux parents étaient des hippies. Sa mère venait d’Estonie. Elle avait rencontré un musicien à un concert du côté de Smolensk. Ils avaient conçu Ksenia et chacun avait repris son chemin. Ksenia avait grandi en suivant sa mère. Ses seuls moments de stabilité étaient quand elle restait chez ses grands-parents. Elle prit l’habitude de la transgression et de l’excès (59). Intelligente et paresseuse, elle pouvait passer de l’inertie à la surexcitation. A chaque séparation, Ksenia et Vadim devaient tout recommencer (60) selon un scénario identique, passant de la colère à la tendresse. Ce côté imprévisible de Ksenia inspirait un grand effroi et suscitait un état d’alerte constant (61). C’était le genre de pouvoir que Ksenia exerçait sur Vadim. (62)
- Ksenia et Mikhaïl Khodorkovski.
Au fil du temps, Ksenia et Vadim s’étaient enfermés dans une bulle. Dans une ville débordant de possibilités, de nombreux camarades venaient les voir avec des propositions nouvelles. Et en général, cela marchait. C’est ce qui était arrivé à Mikhaïl qui avait été chef des Jeunes communistes à la faculté d’ingénierie. Pas un apparatchik du Parti, (63) dans les dernières années, le Komsomol n’attirait que des garçons cyniques et ambitieux prêts à tout pour gagner de l’argent. La coopérative d’étudiants avait été la business school du capitalisme russe. C’est là que s’était formée la majorité des oligarques. Mikhaïl appartenait à cette race téméraire. Il avait mis au point une combine de paiements entre entreprises, une sorte de banque. Avec les capitaux dont il disposait, il investissait dans toutes sortes de trafics : importation d’ordinateurs, production de souvenirs pour touristes, fabrication de jeans, revente de bouteilles de cognac. Mikhaïl était dans son élément, il s’habillait luxueusement. (64) Baranov et lui se voyaient de temps en temps au bar de l’hôtel Radisson. Il se faisait raconter ses aventures pour pouvoir les utiliser dans une pièce de théâtre. Ksenia était passé le voir. C’était la première fois qu’elle rencontrait Mikhaïl : avant de filer, elle avait critiqué sa cravate. « J’aurais dû comprendre que dès le premier échange, mon destin était scellé. Que Ksenia allait choisir Mikhaïl, sa vulgarité, son énergie. » Lui s’en était rendu compte tout de suite. Vadim avait tout vu mais il se refusait à le croire. Ksenia était sa déesse, il vivait dans la terreur de ses changements d’humeur. Ses cadeaux ne valaient pas ceux, beaucoup plus coûteux, que Mikhaïl pouvait lui offrir. (65) Il s’était mis à fréquenter assidument leur maison, seul ou accompagné de filles et leur faisait partager son train de vie extravagant. Vadim essayait de se persuader que c’était grâce à l’art et Mikhaïl faisait semblant d’admirer leurs perles de boue avec condescendance. Ksenia avait compris la menace que constituait Mikhaïl pour leur couple et leur monde. Il voulait Ksenia et s’attardait en leur compagnie. Elle devenait nerveuse, de plus en plus intoxiquée par le mode de vie de Mikhaïl. (68) Une nuit, il s’était réveillé avec l’impression qu’elle était déjà partie. (69) Puis, un samedi matin, Mikhaïl, accompagné de Mylène, une Française qui travaillait pour un fonds d’investissement, leur avait proposé d’aller visiter une vieille datcha. Au volant de sa Porsche, il roulait si vite que Mylène, malade, lui avait demandé de s’arrêter. (70) Vadim avait alors pris le volant et en ajustant le rétroviseur, il avait vu la main de Mikhaïl sur le genou de Ksenia. (71) En rentrant à la maison, Vadim avait dit à Ksenia qu’il s’en allait. Elle était soulagée. (72)
- La télévision
Il avait emménagé au dernier étage d’un immeuble populaire et se sentait à nouveau léger, moins doué que prévu pour les chagrins d’amour. Il ne supportait plus la tristesse mortifère de l’homme de lettres (73) et voulait faire partie de son époque, pas en être le glossateur, avec la conviction d’être à la hauteur de n’importe quel destin à la recherche de l’instant pour concentrer toute sa vie.
Il s’abandonnait pour la première fois à l’électricité froide de Moscou quand il avait fait la connaissance de Maksim, publicitaire à la tête de Groucho Marx, bien habillé et entouré de filles splendides. Malgré sa laideur, il avait mis au point une technique pour attirer ses victimes qui finissaient par céder. Les courtisées devenaient vite courtisanes (74) ; il se lançait alors dans de nouvelles conquêtes. Baranov avait besoin de se changer les idées. Au milieu des années 90, Moscou était le bon endroit. Tout semblait possible. L’imprévu, consubstantiel de la vie russe, atteignait alors son paroxysme. Il y avait de quoi perdre la tête et beaucoup la perdaient. Il y avait un niveau de violence incroyable (75) ; on tirait de tous les côtés. Et au centre de tout cela, il y avait la télévision.
« Convertir mon expérience théâtrale en carrière de producteur de télévision fut comme passer du carrosse à vapeur à la Lamborghini. » Dans les studios de l’ORT, première chaîne de télévision russe, récemment privatisée, on expérimentait des formes de vie qui seraient adoptées par les nouveaux Russes. On jouissait (76) de la capacité mimétique des Russes à assimiler ces nouvelles manies pour reconstruire l’imaginaire collectif du pays. Et c’était à la télévision d’indiquer le chemin. Première règle : ne pas être ennuyeux. Inventer une idée nouvelle chaque jour. « Nous faisions une télévision barbare et vulgaire comme le veut la nature de ce média » (77), repoussant les frontières du trash. De temps en temps, l’immémoriale âme russe émergeait des profondeurs avec l’idée d’un grand show patriotique : sur quels héros se fondait l’orgueil de la mère Russie ? Ils n’avaient eu que des noms de dictateurs et ils avaient été obligés de falsifier les résultats pour faire gagner Alexandre Nevski plutôt que Staline qui avait recueilli le plus de voix. « C’est là que j’ai compris que la Russie ne serait jamais devenue un pays comme les autres. » (78)
- Boris Berezovsky, Eltsine et Baranov.
A cette époque, le propriétaire de l’ORT était un milliardaire qui s’appelait Boris Berezovsky. A première vue, ce n’était pas un oligarque particulièrement crédible. Pour affirmer son autorité, il se lançait dans des récits mirobolants. Il avait acheté un vieux palais sur la Novokouznetskaïa, près de l’église Saint-Clément (79) et en avait fait une sorte de club, la maison Logovaz, ouverte aux partenaires d’affaires : une sorte de maison de l’Oncle Vania redécorée par James Bond ; on y croisait toutes sortes de personnes : le gratin de la politique, des affaires, du spectacle et du crime. A partir d’une certaine heure, des créatures féminines faisaient leur apparition. Tout le monde rivalisait pour prendre rendez-vous avec Boris le plus tard possible (80) pour être invité à une soirée distrayante où on mélangeait travail et plaisir. En Russie, il y a une conception holistique du pouvoir.
A cette époque, les exploits de producteur de Baranov lui valaient quelques invitations à la maison Logovaz. Berezovsky le convoquait pour avoir des nouvelles d’un projet ou lui recommander quelqu’un. Mais un soir, la conversation avait pris un tour inattendu. Dans son bureau du premier étage avec son vieil associé géorgien, Boris lui avait fait des compliments pour son audience et lui avait demandé des nouvelles des programmes. En fait, il avait une autre idée derrière la tête. Il voulait parler de politique et avait commencé à évoquer le sort d’un de ses amis ministres, éjecté du gouvernement. « La politique russe, c’est la roulette russe. La seule chose à savoir, c’est si on est prêt à parier, ou pas. » (81) « Tu vois, Vadia, la beauté de ce pays c’est que même si tu ne joues pas, tu cours les mêmes risques. […] Alors, autant jouer à la roulette, non ? » Le ton de Berezovsky intriguait Baranov qui lui avait raconté comment il s’était fait souffler un business légitime de voitures par un salaud qui avait placé du TNT dans une Opel pour le faire sauter. Une tôle de l’Opel avait coupé la tête du chauffeur. Lui, s’en était sorti indemne. (82) « Ce jour-là, j’ai compris que si tu ne t’occupes pas du pouvoir, le pouvoir s’occupe de toi ». Il avait passé quinze jours en Suisse pour se faire soigner et à son retour, il s’était inscrit dans un club de tennis.
Baranov connaissait le reste de l’histoire, comme tout le monde à Moscou. A l’époque de l’attentat, le vieux président était sur le déclin ; on le voyait peu dans son bureau. Il passait son temps à jouer au tennis ou à boire. Autour de lui, grenouillait une cour de politiciens et de magouilleurs qui commençaient à trembler de la disparition de ce pouvoir dont ils avaient profité. Pour ces hommes, Boris était apparu comme une sorte de messie. Son intelligence avait conquis la sympathie de la fille du président et du vieil ours. Berezovsky les avait convaincus que tout n’était pas perdu, que le président pouvait encore y arriver. (83) Berezovsky s’était fait donner le contrôle de la télévision d’État et avait monté une campagne électorale colossale. En deux mois, il avait réussi à ressusciter Eltsine dans les sondages, ou plutôt à couler tous ses rivaux. Mais à deux semaines du vote, le vieux avait fait un infarctus. Le dernier appel à la nation avait dû être annulé. Comme Eltsine était incapable de se déplacer, Berezovsky avait fait déplacer les meubles de son bureau chez lui. Il avait été incapable de parler et de mettre un bulletin dans l’urne (84) mais il avait été réélu avec une large majorité. Puis il était retombé dans la léthargie. Berezovsky était devenu le vrai patron de la Russie.
Donc, Boris avait demandé à Vadim s’il était prêt à courir un risque. « Que dirais-tu de cesser de créer des fictions pour commencer à créer la réalité ? » Baranov ne savait pas de quoi il parlait. Il s’agissait d’inventer quelque chose de nouveau, selon Berezovsky. (85) « Il ne s’agit pas de remporter une élection, il s’agit de construire un monde. » Baranov commençait à comprendre où il voulait en venir. Il restait un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle et après deux mandats et cinq infarctus, le vieil ours était désormais hors-jeu. Berezovsky se voyait à nouveau dans le rôle du sauveur de la patrie ou dans celui du marionnettiste qui plie la réalité à ses intérêts. « La première chose dont on a besoin, c’est un parti. J’en ai déjà parlé avec Tatiana. Nous devons créer le parti de l’Unité. C’est ce qui manque. Assez de la droite, de la gauche, des communistes, des libéraux, les gens veulent retrouver un sentiment d’unité. La nostalgie qu’ils éprouvent n’est pas pour le communisme en soi, elle est pour l’ordre, le sens de la communauté, l’orgueil d’appartenir à quelque chose de grand. » Pour les Russes, l’argent ne suffit pas, ils veulent faire partie de quelque chose d’unique, qui leur redonne de la dignité. Boris avait montré à Vadim un projet de logo avec le profil stylisé d’un ours brun. (86). Il était tellement excité qu’il en avait renversé son porte-plume.
Au début des années 90, Gorbatchev et Eltsine avaient fait la révolution. Les Russes s’étaient réveillés dans un monde qu’ils ne connaissaient pas, dans lequel ils ne savaient pas comment vivre. Le rêve soviétique s’était effondré et de nouveaux arrivistes avaient imposé leur domination. La découverte de l’argent avait été l’événement le plus bouleversant de cette époque (87) avec comme corollaires les kraks boursiers et une inflation à 3000%. Berezovsky avait eu l’intuition qu’il fallait répondre à cette demande d’ordre… avant que quelqu’un d’autre y pense. (88)
- Berezovsky présente Baranov à Poutine.
Berezovsky avait donné rendez-vous à Baranov au siège du FSB, en ne résistant pas à la tentation de lui faire peur : « Sais-tu ce que disaient les Moscovites de la Loubianka à l’époque de l’URSS ? Que c’était l’immeuble le plus haut de la ville car de ses caves, on voyait la Sibérie. » Le type de plaisanterie qui aurait fait rire le grand-père de Baranov, mais pas son père. Il attribuait cette visite à une forme de courtoisie pour maintenir des rapports cordiaux avec les services de sécurité. Mais Berezovsky l’avait démenti : « Le chef du FSB serait (89) un bon candidat. Personne ne le connaît, mais le vieux a confiance en lui : il a fait ses preuves dans les moments décisifs. Il est jeune, compétent, moderne ; exactement ce dont la Russie a besoin. »
Après un passage par le secrétariat, ils avaient été introduits dans le cabinet de Vladimir Poutine. « A cette époque, le Tsar n’était pas encore le Tsar : de ses gestes n’émanait pas l’autorité inflexible qu’ils acquerraient par la suite et, bien que dans son regard on devinât déjà la qualité minérale que nous lui connaissons aujourd’hui, celle-ci était contrôlée comme voilée par l’effort conscient de la tenir sous contrôle. Cela dit, sa présence transmettait un sentiment de calme. » Berezovsky s’était noyé sous un flot de paroles : « c’était à lui, Poutine, de prendre les rênes de la situation pour faire passer la Russie dans un nouveau millénaire. » Le chef du FSB avait essayé de résister : les services secrets avaient tous les avantages de la politique sans aucun de ses inconvénients ; au cœur du système, il voyait tout ce qu’il y avait à voir et à savoir. Il était en condition d’intervenir sans trop de (90) complication pour protéger le président et sa famille. Sous les projecteurs, il ne pourrait plus rien faire et finirait broyé comme les autres Premiers Ministres et l’État perdrait le plus fidèle gardien de la tranquillité dans ce palais. Berezovsky avait repris la parole :
« Je vois ce que tu veux dire, Volodia. Mais […] si nous ne bougeons pas rapidement, dans un an il n’y aura plus ni président ni famille à protéger. Et selon toi, quelle sera la première chose que fera le nouveau patron du kremlin quand il prendra possession de son bureau ? Remplacer le chef du FSB, voilà la première chose qu’il fera. » Poutine avait semblé ébranlé. Il avait suggéré le nom de Stepachine. Berezovsky avait rétorqué que Stepachine était à 3% dans les sondages et qu’il n’était pas à la hauteur de la situation. La Russie avait besoin d’un chef pour le guider dans le nouveau millénaire. (91) Poutine essayait encore de jouer la modestie : il n’était qu’un fonctionnaire, habitué à obéir, peu apte à parler en public sans le charisme d’Eltsine. Baranov était alors intervenu : « Si je peux me permettre Vladimir Vladimirovitch, il s’agit exactement de ça. » Le regard froid de Poutine s’était posé sur lui pour la première fois. Berezovsky l’encourageait à poursuivre. Il n’y avait aucun sens à reproduire la personnalité unique d’un chef que les Russes avaient cessé d’estimer. Il fallait une figure nouvelle qui contienne à la fois les éléments de la continuité et ceux d’une rupture avec le passé. En (92) devenant Premier Ministre, Poutine assumerait automatiquement le rôle, fondamental pour les Russes, de l’autorité légitime, son passé dans les services de sécurité constituant une garantie de fiabilité et sa discrétion un contraste avec tous les bonimenteurs. Les Russes voulaient être guidés d’une main ferme qui ramène l’ordre dans les rues et restaure l’autorité morale de l’État. Baranov avait ainsi expliqué l’originalité de la campagne qu’ils avaient en tête : aucun rassemblement ni promesses, pour apparaître comme un homme politique différent des autres. Et il avait alors posé une question surprenante qui avait laissé Poutine sans voix : « Savez-vous quelle est la plus grande actrice de tous les temps ? » « Greta Garbo. […] Parce que l’idole qui se refuse renforce son pouvoir. Le mystère génère de l’énergie. La distance alimente la vénération. L’imaginaire de la société russe, de quelque société que ce soit, s’articule sur deux dimensions. L’axe horizontal correspond à la proximité du quotidien et le vertical (93) à l’autorité ». Ces dernières années, avec Gorbatchev et Eltsine, la politique russe s’était surtout jouée sur l’axe horizontal. Mais il fallait inverser le balancier. « L’excès d’horizontalité a porté au chaos […], à notre humiliation sur le plan international. […] a effacé l’horizon. Pour pouvoir tracer une perspective, il est devenu à nouveau nécessaire de s’élever. Toutes les données dont nous disposons nous disent que les Russes nourrissent aujourd’hui un désir de verticalité, c’est-à-dire d’autorité. […] [ils] attendent un chef. […] Comme le maire de Moscou l’a dit au moment du default : “L’expérience est terminée.” » Mais si Loujkov, le maire et l’ex-Premier Ministre Primakov avaient de bons sondages, (94), leur image était aussi usée que celle d’Eltsine. Dans un pays où les gens avaient une si mauvaise image de leurs dirigeants, l’absence d’expérience politique de Poutine devenait un atout, disait Baranov. « Vous êtes neuf, les Russes ne vous connaissent pas et ne peuvent vous associer à aucun scandale et à aucune des erreurs qu’ils imputent à ceux qui ont gouverné ces dernières années. » Berezovsky avait confirmé les conclusions de Baranov : il était l’homme de la situation et ils seraient là pour l’aider.
Berezovsky était retourné dans son club entièrement satisfait et condescendant , persuadé d’avoir trouvé le « cheval gagnant » qu’il transformerait rapidement en « nouvel Alexandre Nevski » grâce à ses « petits génies de la communication ». (95). Tous les deux avaient ri de la comparaison avec Garbo. Néanmoins, les choses semblaient à Baranov un peu plus complexes qu’elles n’apparaissaient à Berezovsky. Si Poutine avait fait preuve de courtoisie, il lui semblait avoir perçu une ombre d’agacement dans le regard du fonctionnaire. Et puis, il y avait eu cet éclair d’ironie à la fin. Comme si la seule idée de pouvoir être guidé par cet homme était apparue du plus grand comique au chef du FSB. Berezovsky ne s’était rendu compte de rien. Mais quelques jours plus tard, Baranov avait reçu un appel d’Igor Sechine, le secrétaire de Poutine qui l’invitait à déjeuner. Le ton de la voix (96) ne semblait pas laisser la porte ouverte à un refus. (97)