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Homme d’affaires sud-africain (né à Pretoria le 28 juin 1971), canadien et américain, patron et propriétaire de Tesla, de Space X, de Starlink et de X (ex-Twitter), Elon Musk, milliardaire le plus riche du monde (sa fortune est estimé à 440 milliards de dollars – soit l’équivalent du PIB du Danemark), nommé à la tête d’un futur « ministère de l’efficacité gouvernementale », officiellement une instance temporaire appelée département de l’Efficacité gouvernementale (Department of Governmental Efficiency, DOGE), en binôme avec Vivek Ramaswamy, à la suite de la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine le 12 novembre, ne semble pas se contenter de cette fortune, de cette puissance et de ce pouvoir. Depuis quelques semaines, mu par un hybris hypertrophié, il attaque frontalement un certain nombre de dirigeants européens. A croire qu’il n’a pas grand-chose d’autre à faire.
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Rappels :
* Début septembre 2023, Elon Musk menace de poursuivre en justice l’Anti-Defamation League (ADL, qui combat l’antisémitisme et le racisme), qu’il accuse de diffamation à l’encontre de son réseau social. Pour « blanchir [sa] plateforme concernant l’antisémitisme », l’homme d’affaires américain affirme, lundi 4 septembre 2023, dans un post sur son réseau social, « n’avoir pas d’autre choix que de poursuivre en diffamation » l’ADL. Elon Musk fait alors de l’ADL l’un des « responsables de la plus grande partie de [la] perte de revenus » enregistrée par la plateforme. Pour lui, l’ADL « tente de tuer cette plate-forme en l’accusant faussement, et moi avec, d’être antisémites ».
* En septembre 2023, Elon Musk relaie des accusations selon lesquelles des ONG allemandes recueilleraient des migrants clandestins en mer Méditerranée pour les débarquer en Italie avec le soutien financier du gouvernement allemand, remet en cause cette initiative et exprime des préoccupations concernant la souveraineté italienne. En réponse à la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui avait défendu, jeudi 28 septembre, le rôle des ONG venant au secours des migrants tentant d’entrer en Europe via l’Italie, en affirmant que « Sauver les personnes de la noyade en mer est une obligation légale et européenne », Elon Musk répond, en effet, vendredi 29 septembre : « Est-ce que le public allemand est conscient de cela ? », sur son réseau social X (ex-Twitter) en partageant un post d’un compte baptisé RadioGenoa dénonçant des sauvetages de migrants en Méditerranée par des ONG soutenues par Berlin et concluant « espérons que l’AfD (Alternative für Deutschland, parti allemand d’extrême droite) gagne les élections ». « Oui, c’est ce qu’on appelle sauver des vies », rétorque, sur X, le ministère allemand des Affaires étrangères à l’homme d’affaires. « Donc, vous en êtes fiers en fait. Intéressant. Franchement, je doute qu’une majorité de l’opinion allemande soutienne cela. Avez-vous fait un sondage ? C’est certainement une violation de la souveraineté de l’Italie que l’Allemagne transporte un large nombre d’immigrants illégaux sur le sol italien ? Cela fait penser à une invasion… », renchérit dans la nuit de vendredi à samedi 30 septembre, le patron de Tesla.
* Le 3 octobre 2023, Elon Musk prend la défense du polémiste d’extrême droite franco-suisse Alain Soral dans le cadre de sa condamnation en Suisse pour des propos homophobes visant une journaliste suisse de La Tribune de Genève et de 24 heures, Cathy Macherel que Soral avait qualifié de « grosse lesbienne », estimant que ceux-ci ne devraient pas être un délit pénal.
* En décembre 2023, il accepte l’invitation de Giorgia Meloni à participer à l’Atreju, rassemblement annuel du parti Frères d’Italie. À l’occasion du rassemblement du parti d’extrême droite, il reprend notamment la théorie raciste du grand remplacement.
* À partir de l’été 2024, Elon Musk s’en prend régulièrement au Parti travailliste qui vient d’être élu au Royaume-Uni et mène une campagne politique et de désinformation contre eux sur son média social X. Il prédit notamment une « guerre civile [qu’il juge] inévitable » dans le pays à la suite d’une manifestation d’extrême droite antimusulmans et anti-immigration, reprenant les arguments de l’extrême droite britannique, en dénonçant la police « à deux vitesses », supposément laxiste avec les défenseurs des droits des minorités et dure avec les manifestants d’extrême droite. Il accuse le Premier Ministre Keir Starmer de diriger « un État policier britannique ». Il dénonce l’enquête de police concernant une journaliste pour un message sur le média X considéré comme incitant à la haine et déclare, notamment : « Personne ne doit se rendre au Royaume-Uni, où [ils] libèrent des pédophiles pour emprisonner à la place des gens arrêtés pour avoir posté des messages sur les réseaux sociaux ». Musk accuse également le Royaume-Uni d’avoir « viré complètement stalinien » parce que les travaillistes ont introduit des droits de succession sur les exploitations agricoles les plus riches.
* Le 16 décembre 2024, Musk rencontre Nigel Farage et d’autres cadres du parti Reform UK, anciennement Brexit Party, qui promeut des politiques nationalistes et anti-immigration, à la propriété de Donald Trump en Floride, pour négocier un don, à hauteur de 100 millions de dollars, au parti avant les prochaines élections britanniques, dans le but d’aider Farage à devenir Premier ministre.
* Le même mois, Elon Musk exprime son soutien à l’AfD, peu avant les élections législatives anticipées cruciales du 23 février 2025. Il déclare ainsi, le vendredi 20 décembre, que « Seule l’AfD peut sauver l’Allemagne », et traite, quelques heures plus tard, le chancelier Olaf Scholz d’« idiot incapable » et d’« imbécile incompétent ». Ces propos déclenchent de vives réactions en Allemagne, et une réponse du chancelier : « Nous avons la liberté d’expression, qui s’applique également aux multimilliardaires, mais la liberté d’expression signifie également que vous pouvez dire des choses qui ne sont pas correctes et qui ne contiennent pas de bons conseils politiques ». Le message pro-AfD du propriétaire de la plateforme X suscite également un vif émoi en Europe. Ainsi, Thierry Breton, ex-commissaire européen au numérique, écrit-il le 20 décembre sur X : « À quelques semaines des prochaines élections en Allemagne, Elon Musk – 1er influenceur mondial sur X et membre potentiel de la future administration américaine – soutient ouvertement le parti d’extrême droite AfD. Ce n’est pas la définition même de l’ingérence étrangère ? » Et il ajoute, en référence au règlement de l’Union européenne sur les services numériques (« Digital Services Act »), qui vise à mieux faire respecter les lois européennes par les plateformes numériques : « Il faut en finir avec le ‘deux poids deux mesures’ et appliquer le #DSA en Europe ». La réponse est cinglante : « Mec, ‘l’ingérence étrangère’ américaine est la seule raison pour laquelle tu ne parles pas allemand ou russe aujourd’hui », twitte Elon Musk, dimanche 22 décembre, dans une allusion au débarquement américain en France lors la Seconde Guerre mondiale.
* Samedi 28 décembre 2024, le quotidien Welt publie une tribune dans laquelle le patron de X estime encore que l’Allemagne est « au bord de l’effondrement économique et culturel » et que « l’AfD est la seule étincelle d’espoir pour [le] pays ».
* Lundi 30 décembre, le milliardaire américain affiche de nouveau un soutien appuyé à l’AfD en déclarant sur X, sous son pseudonyme Kekius Maximus, que l’AfD allait « remporter une victoire épique » aux élections. L’AfD est créditée de 20,5 % des intentions de vote, en hausse, dans un sondage INSA publié mardi par Bild, deuxième derrière l’opposition conservatrice, en tête avec 31 %.
* Elon Musk qualifie le même jour sur X le président allemand Frank-Walter Steinmeier de « tyran antidémocratique », commentant ainsi l’affirmation fallacieuse d’une influenceuse pro-AfD, selon laquelle Frank-Walter Steinmeier allait annuler les résultats des élections. Vendredi 27 décembre, le chef de l’État avait mis en garde contre « l’influence extérieure » qui constitue selon lui « un danger pour la démocratie », notamment quand elle s’exprime de façon « ouverte et non dissimulée, comme c’est le cas actuellement, de manière particulièrement intensive, sur la plateforme X ».
* Vendredi 3 janvier, le milliardaire annonce qu’il prévoit d’organiser et de diffuser en direct une interview avec Alice Weidel, présidente de l’AfD, le 9 janvier, à six semaines des élections, sur sa propre plateforme de réseaux sociaux, X. Cette interview, si elle n’est pas illégale au regard des règles de l’Union européenne (UE) en matière de modération des contenus, pourrait avoir une incidence sur l’enquête en cours concernant X, déclare, ce lundi 6 janvier, un porte-parole de la Commission, et surtout sur les élections.
* Le jeudi 2 janvier 2025, Elon Musk réclame sur son compte X, la libération de l’agitateur d’extrême droite britannique Tommy Robinson, récemment condamné par la justice : « Libérez Tommy Robinson ! » De son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon, Tommy Robinson a été condamné fin octobre 2024 à dix-huit mois de prison ferme pour avoir violé une décision de justice de 2021 qui lui interdisait de répéter des propos diffamatoires envers un réfugié syrien. « Pourquoi Tommy Robinson est en détention à l’isolement pour avoir dit la vérité ? », affirme encore Elon Musk. Cette figure emblématique de l’extrême droite britannique, fondateur en 2009 de l’English Defence League (Ligue de défense anglaise), groupuscule issu de la mouvance hooligan, a déjà été condamnée à plusieurs reprises ces dernières années, notamment pour troubles à l’ordre public. Suivi par plus d’un million de personnes sur X, dont il avait été banni avant d’y être réintégré après son rachat par Elon Musk, Tommy Robinson a été accusé d’avoir attisé les violences antimigrants de cet été.
* Sur X, Elon Musk évoque également une vaste affaire d’exploitation sexuelle de plus de 1.500 jeunes filles dans le nord de l’Angleterre, entre 1997 et 2013. « Au Royaume-Uni, des crimes graves, comme le viol, nécessitent l’approbation du service du procureur (CPS) pour que la police puisse inculper les suspects. Qui était à la tête du CPS lorsque des gangs de violeurs ont pu exploiter de jeunes filles sans avoir à faire face à la justice ? Keir Starmer », écrit Elon Musk jeudi 2 janvier 2025. « Une nouvelle élection devrait être organisée au Royaume-Uni », ajoute-t-il. Le soutien de Donald Trump affirme sur X que le travailliste Keir Starmer, à l’époque où il était à la tête du parquet britannique, avait « autorisé des gangs de violeurs à abuser de jeunes filles sans faire face à la justice ». Il accuse, le 3 janvier, le Premier ministre d’être « complice du VIOL DE L’ANGLETERRECrown Prosecution Service (Service des poursuites judiciaires de la Couronne). Starmer doit partir et doit être inculpé de complicité dans le pire crime de masse de l’histoire de la Grande Bretagne », le 4 janvier d’être « coupable de crimes terribles contre le peuple britannique », et il appelle, le 6 janvier, à « mettre en prison », voire, le 1er janvier, à « pendre pour trahisonles responsables qui auraient « couvert » les agissements « du gang de pédophiles musulmans ». Les messages cumulent au total plusieurs centaines de millions de vues.
* Lundi 6 janvier 2025, Keir Starmer, cible privilégiée d’Elon Musk, dénonce les propagateurs de fake news : « Ceux qui propagent mensonges et désinformation […] ne s’intéressent pas aux victimes. Ils s’intéressent à eux-mêmes. » Interpellé sur ces attaques, Keir Starmer défend son bilan à la tête du parquet britannique et l’actuelle secrétaire d’Etat à la Protection des victimes, Jess Phillips, qu’Elon Musk a traitée d’« apologiste de viol génocidaire » la secrétaire d’État qui avait rappelé que des enquêtes spécifiques avaient déjà eu lieu. Jess Phillips fait depuis l’objet de violentes attaques sur les réseaux sociaux. « Quand le poison de l’extrême droite mène à des menaces graves sur Jess Phillips, alors selon moi, une ligne a été franchie », dénonce Keir Starmer. Elon Musk, ce 6 janvier, réagit aux déclarations du Premier ministre en le qualifiant de « totalement méprisable » et en approuvant un internaute déclarant que Jess Philipps « méritait tout ce qu’elle subit ».`
* Par ailleurs, le premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre exprime, au micro de la radio publique norvégienne NRK, ce 6 janvier, son inquiétude face aux prises de position du patron de X dans la vie politique de plusieurs pays européens, tels que le Royaume-Uni. « Je trouve préoccupant qu’un homme avec un accès considérable aux réseaux sociaux et d’importantes ressources économiques s’implique de manière si directe dans les affaires internes d’autres pays ».
* Ce même lundi 6 janvier, en adressant ses vœux aux ambassadeurs, le président français Emmanuel Macron, s’en prend, à son tour, sans le nommer, au milliardaire américain : « Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne ? Qui l’aurait imaginé ? »
* Dimanche 5 janvier, Elon Musk qui, il y a peu (16 décembre), recevait à Mar-a-Lago, Nigel Farage, figure emblématique du Brexit et chef du parti anti-immigration Reform UK, en pleine ascension au Royaume-Uni, proclame maintenant sur X que « Le parti Reform a besoin d’un nouveau chef. Farage n’a pas ce qu’il faut ». « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent », disait Edgar Faure.
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La question qui se pose est évidemment « Pourquoi Elon Musk fait-il cela ? » A moins d’être dans la tête du milliardaire ou de faire sa psychanalyse, la réponse ne peut être qu’une suite de conjectures plus ou moins hasardeuses.
L’entrepreneur a cumulé 75 millions de dollars de dons en faveur de la campagne présidentielle du candidat républicain Donald Trump, selon les données de la commission électorale américaine (FEC). Dans le détail, le patron de Tesla, SpaceX et X (ex-Twitter) a offert 15 millions de dollars en juillet, 30 millions en août et 30 millions en septembre à « America PAC », l’organisation politique qui fait campagne pour Donald Trump. Les deux hommes (d’affaires) partagent un certain nombre de conceptions politiques, sociales et économiques : idéologie ultra-conservatrice matinée de théories complotistes, ultra-libéralisme, anti-wokisme viscéral. Vice-président occulte, mécène, éminence grise de Donald Trump, Elon Musk exprime-t-il tout haut ce que le nouveau président pense tout bas (pas très bas d’ailleurs car il n’est pas du genre à se gêner) ? Le Président, qui compte défendre les intérêts des États-Unis en multipliant les barrières douanières contre les produits étrangers et qui n’envisage les relations internationales que sur le mode des rapports de force et de l’intérêt, entend notamment s’attaquer à l’Europe. En soutenant l’extrême-droite italienne, allemande, anglaise, hongroise, Elon Musk participe à cette division politique du vieux continent. Pour le politologue Erwan Lecoeur, ce n’est pas la première fois que les trumpistes tentent ces rapprochements : « En 2019, Steve Bannon avait déjà tenté de rapprocher les différents mouvements d’extrême droite européens ». Un échec, lié selon lui à une différence majeure de culture politique. « Aujourd’hui, Elon Musk reprend le même projet mais en passant à la vitesse supérieure ». Il incarne les mêmes thèmes que ces partis, défendant une « civilisation », des « valeurs » qui seraient mises en danger par le « wokisme » partout dans le monde. Et la force de frappe de X semble mille fois plus efficace qu’une armée de conseillers politiques. Deus ex machina du réseau social de 400 millions d’utilisateurs, Musk est autant le bourreau que la victime des algorithmes de son medium : sa rhétorique s’auto-alimente de ses propres convictions énoncées. Mais ces interventions erratiques et intempestives survivront-elles à la prise de fonction officielle de Donald Trump le 20 janvier 2025 ? La diplomatie du bulldozer a ses limites. Et il se pourrait que les initiatives de Musk finissent par faire de l’ombre au Président, dépositaire de la marque de provocation.
Difficile de dire d’ailleurs si chez Elon Musk la position politique prime sur l’intérêt économique. Tout libertarien qu’il est, ses entreprises ont besoin des fonds publics pour vivre et prospérer, tout un paradoxe. Space X qui envoie des fusées dans l’espace ne serait rien sans les investissements stratosphériques des États-Unis obtenus au moment du premier mandat de Donald Trump, il en est de même pour les voitures automatiques Tesla ou les satellites de Starlink. Musk a besoin de Trump pour pérenniser et renouveler ses contrats et Trump a besoin de Musk pour propager ses idées au plus grand nombre. Avant même l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, des frictions sont apparues dans le camp républicain. En cause : la question des visas H1-B. Pour Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, le visa H1-B est une « escroquerie des oligarques de la Silicon Valley pour prendre les emplois des citoyens américains ». Samedi 28 décembre, le président élu des États-Unis, qui avait mené une campagne fermement anti-immigration, s’est dit finalement favorable au maintien de ces visas destinés aux travailleurs spécialisés, dans une interview accordée au New York Post. Pourtant, c’est ce même Donald Trump qui, au début de son premier mandat, avait promis de mettre un terme au visa H-1B. Une décision qui intervient après qu’Elon Musk, fervent soutien de Donald Trump, a soutenu fermement l’importance de la main-d’œuvre étrangère qualifiée grâce à ce système. Jeudi 26 décembre, il a affirmé sur sa plateforme X qu’ « amener via l’immigration légale le top 0,1% des talents en ingénierie est essentiel. Considérer l’Amérique comme une équipe de sport professionnel qui gagne depuis longtemps et qui veut continuer à gagner est la bonne construction mentale. » Trump le nationaliste, protectionniste, populiste et climatosceptique et Musk, le businessman mondialiste, opportuniste (il a voté pour H. Clinton en 2016 et pour Biden en 2022) et pronataliste (Elon Musk a eu 12 enfants de 3 mères différentes) semblent avoir des intérêts divergents mais pour Franklin Foer, journaliste d’Atlantic, leur pacte annonce tout ce qui est en train de se produire et analyse ce qui sous-tend le rapprochement entre les milliardaires de la Big Tech et Donald Trump : « Ce qu’ils veulent, c’est mettre à profit leurs relations avec l’État pour, à terme, le supplanter. Ils veulent prendre la main sur les programmes et les systèmes qui étaient jusqu’à présent le pré carré de l’État. Leur alliance avec Trump est, en réalité, un coup de force. » Autrement dit, il ne s’agit pas simplement d’une alliance économique destinée à faciliter la vie de leurs entreprises. Il s’agit de modifier les règles (de les abroger même le plus souvent), qu’elles concernent l’intelligence artificielle, les cryptomonnaies ou encore l’exploration spatiale. Avec des risques sans doute jamais vu en matière de conflits d’intérêts. Corruption, concentration du pouvoir… Franklin Foer énumère la longue liste des dérives potentielles de cette ploutocratie naissante. Il suffit d’avoir en tête quelques chiffres qui traduisent déjà la dépendance de l’administration américaine aux entreprises de la Silicon Valley : en 2023, Elon Musk a noué « près de 100 contrats différents avec 17 agences fédérales » pour un montant de « 3 milliards de dollars ». Depuis dix ans, SpaceX et, dans une moindre mesure, Tesla ont fait affaire pour au moins 15,4 milliards de dollars avec l’administration fédérale.
Invité, samedi 9 mai 2021, de l’émission de comédie satirique américaine Saturday Night Live, Elon Musk a révélé être atteint du syndrome d’Asperger. Cette forme d’autisme est d’un trouble du développement neurologique d’origine génétique, caractérisé par des difficultés significatives dans les interactions sociales. Il s’est vanté d’être la première personne atteinte de ce syndrome invitée dans l’émission SNL. « Ou du moins la première à l’admettre », a-t-il fait valoir. « Écoute, je sais bien que je dis ou je poste des choses étranges, mais c’est justement la façon dont travaille mon cerveau », a expliqué Elon Musk. « À toutes les personnes que j’ai pu offenser je dis : j’ai réinventé la voiture électrique et j’envoie des gens sur la planète Mars à bord d'une fusée. […] Vous pensez vraiment que je serais un gars détendu et normal ?» L’homme aux deux visages : tel Janus, Elon Musk est à la fois un entrepreneur génial et un manager brutal. En 1999, l’influent magazine Salon en fait un portrait ambivalent : « L’ego d’Elon Musk lui a déjà causé des ennuis, et il pourrait bien lui en causer encore d’autres ». Le dirigeant et fondateur de Tesla a peut-être un ego formidable, mais il est conscient de ses excès et de son impulsivité, notamment depuis qu’il a acheté Twitter-X en octobre 2022. Dans une interview accordée à la BBC, le 12 avril 2023, Elon Musk a reconnu avoir commis de « nombreuses erreurs ». S’il n’a pas détaillé les « erreurs » qu’il a commises, il reconnaît être trop « impulsif » et s’être tiré « des balles dans le pied » avec des tweets polémiques, souvent publiés tard le soir. Son conseil : après 3 heures du matin, mieux vaut laisser un message en brouillon et attendre le réveil pour réévaluer sa pertinence. On ne sait pas à quelle heure il a adressé ses tweets à Olaf Scholz, Thierry Breton ou Keir Starmer.