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12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 10:04

Résumé établi par Bernard Martial (professeur de lettres en CPGE)

1ère partie

Références entre (parenthèses) : édition Champs essais, entre [crochets] : édition GF n°1582

 

L’Aventure, l’Ennui et le Sérieux sont trois manières dissemblables de considérer le temps. Ce qui est vécu, et passionnément espéré dans l’aventure, c’est le surgissement de l’avenir. L’ennui, par contre, même s’il est tourné vers un avenir éloigné, est vécu plutôt au présent. Quant au sérieux, il est une certaine façon raisonnable d’envisager le temps dans sa durée. C’est assez dire que si l’aventure se place surtout au point de vue de l’instant, l’ennui et le sérieux considèrent le devenir comme intervalle : c’est le commencement qui est aventureux, mais c’est la continuation qui est, selon les cas, sérieuse ou ennuyeuse. Il s’ensuit naturellement (7) que l’aventure n’est jamais « sérieuse » et qu’elle est a fortiori recherchée comme un antidote de l’ennui. Dans le désert de l’ennui, l’aventure circonscrit ses oasis en opposant le principe de l’instant à la durée totale du sérieux. Ainsi, on redevient sérieux en quittant ces condensations de durée qui forment le laps de temps aventureux ? (8)       

CHAPITRE PREMIER

L’aventure

Introduction : différence entre l’aventurier et l’aventureux [83-89].

La temporalité que nous souhaitons décrire ici n’est pas celle de l’aventurier mais celle de l’aventureux. Les deux n’ont rien à voir. L’aventurier est un professionnel qui fait commerce des aventures sans les vivre et sans prendre de risques, un bourgeois tricheur qui considère l’aventure comme une entreprise noire en marge de la légalité, un professionnel égoïste et pragmatique qui fait du nomadisme une spécialité, du vagabondage un métier et de l’aventurisme un moyen en vue d’une fin. Les basses aventures aventurières ne sont ainsi qu’une caricature de l’aventure aventureuse. Nous voulons parler d’un style de vie entreprenante où l’aventureux est toujours un débutant et non de ce métier d’entrepreneur où le chevalier d’industrie s’installe bourgeoisement (10).

          

L’AVÈNEMENT DE L’AVENIR

A. Le rapport à l’avenir [89-105]

1.Le temps de l’aventure, c’est l’avenir qui se caractérise par son indétermination [89-91]

Essayons d’abord de saisir la plus petite part de l’aventure qui n’est pas encore nommée ainsi mais qui donnera peut-être les plus grands romans. Pour retrouver cet état initial, il faut se rappeler que l’aventure porte la désinence du futur, temps de l’indétermination et des possibles. La région de l’aventure n’est pas le passé, déterminé et définitif mais l’avenir à cause de son caractère amphibolique, ambigu et équivoque.

2.Ambiguïté de l’avenir et de l’aventure [91-99]

L’aventure est aventureuse par son ambiguïté même. L’avenir est ambigu parce qu’il est à la fois certain et incertain. Ce qui est certain, c’est que le futur sera (11) mais ce qu’il sera demeure incertain. Par opposition au passé (12) qui est univoque et inambigu parce qu’il est déjà joué, le futur est un mélange de certitude et d’incertitude. L’aventure ne subit-elle pas l’attrait de l’infini ? Je sais que, et je ne sais pas quoi. L’avenir est un je-ne-sais-quoi.

3.Le temps de l’aventure est le futur proche [99-105]

Bien plus, l’aventure infinitésimale est liée à l’avènement de l’événement. Distinguons plus précisément Evenit et Advenit. L’événement n’est qu’une date sur le calendrier ; mais l’avènement se devine comme l’« avent » d’un mystère. L’événement advient trop tard pour l’aventure. Alors que l’événement (du latin « evenit ») se présente comme une date sur le calendrier, toujours trop tard pour l’aventure, « l’avènement » (de « advenit ») est sur le point de se produire. Plus qu’à la contemporanéité de l’événement qui appartient au passé, l’aventure est liée à l’extemporanéité de l’improvisation. Entre l’avenir lointain idéalisé et l’actualité immédiate de l’action, il y a une aventureuse futurition (13) davantage relative à l’impromptu qu’aux fins dernières. L’aventure-minute, la minuscule aventure du « futurum proximum » passionnant, de la minute prochaine imprévisible en instance est celle qui nous fait battre le cœur.

B. Ambivalence de l’aventure [105-127]

1.Ambivalence entre horreur et envie, contradiction entre volonté et nolonté [105-115]

Tout ce qui est ambigu, comme le tabou, nous effraie et nous attire en même temps. Ainsi l’homme est-il tenté par l’aventure, ce mélange typique d’horreur et d’envie qui se nourrissent mutuellement. La phobie, par exemple, en tant que « crainte attrayante » est un sentiment écartelé par excellence passionnel. La tentation de l’aventure est donc la tentation typique. L’homme passionné par la passionnante (14) insécurité de l’aventure est dans la situation passionnelle de ces amants qui veulent des choses contradictoires. Le timide qui cherche l’aventure est dans la même situation contradictoire que l’amant : mélange de volonté et d’absence de volonté. Sautera-t-il le pas ? Entre curiosité passionnée et délicieuse horreur, la tentation de l’aventure a aussi quelque chose à voir avec le vertige. Les ondines de Pouchkine, les Sirènes, la tsarevna de Sadko, la Tamara de Lermontov (15) disent à la fois l’attirance et la crainte de la mort. Ainsi la passion de l’aventure est-elle faite de sentiments opposés : la peur et l’envie de provoquer le sort, l’appréhension et l’audace de la nouveauté, le confort et le danger temporels, l’habitude et le renouvellement, la stimulation ou l’inhibition de l’ennui. Cette tension peut aller jusqu’à l’angoisse comme l’ont montré Kierkegaard et Léon Chestov.

2.Opposition entre jeu et sérieux et les trois styles d’aventure [115-127]

Il faut maintenant dépasser l’aventure ponctuelle de l’instant prochain. Pour qu’il y ait aventure, il faut qu’une série de péripéties (16) s’enchaîne dans la durée. L’aventure, déployée dans le temps et l’espace, on retrouvera sous trois formes fondamentales l’ambiguïté de l’état transitoire de l’aventure.

Chacune de ces trois formes implique une oscillation de la conscience entre le jeu et le sérieux. Le jeu n’est ludique que s’il a à voir avec le sérieux, autrement il est ennuyeux. L’aventure n’est aventureuse que par l’alliance antithétique du jeu et du rieux ; sans le jeu elle est une tragédie, sans le sérieux un simulacre dérisoire. Pour le dire autrement, pour qu’il y ait aventure, il faut être à la fois dedans et dehors ; celui qui est totalement dedans est en pleine tragédie, celui qui est totalement dehors n’est qu’un spectateur contemplatif et détaché. Les aventures s’échelonnent entre englobement éthique et détachement esthétique. L’aventureux est en même temps extérieur au drame comme l’acteur et intérieur à ce drame comme l’agent inclus dans le mystère de son propre destin. Il est spatialement impossible et logiquement impensable donc contradictoire d’être à la fois dehors et dedans (17). Mais, de même qu’on peut faire des aller et retour de l’intérieur vers l’extérieur, la vie humaine est ainsi entrebâillée et l’aventureux dedans-dehors. Cette contradiction que l’espace refuse et le principe d’identité interdit est vécue quotidiennement et cette disjonction n’a pas de sens dans la vie.

On pourra certes distinguer des variétés dans l’aventure comme le Jeu, le Romanesque, la Chasse, les Voyages ou les Croisières mais on étudiera plutôt :

  1. Les cas où le sérieux prévaut
  2. Les cas où le jeu l’emporte
  3. Ceux où jeu et sérieux renvoient l’un à l’autre à l’infini (18).
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