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9 août 2021 1 09 /08 /août /2021 15:40

Traduction d’Etienne Galle, édition GF n°1634

(les références paginaires sont données dans cette édition)

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

(Ce résumé ne remplace pas la lecture factuel du texte intégral dans l’édition

au programme et ne prétend pas en reproduire les qualités littéraires.)

Conseils de Père (281)

Père vint alors vers moi, s’assit sur le tabouret vide et dit : (281) Wole, tu as été très fort. Tu t’es comporté comme un vrai Akin [Homme.] Maintenant écoute-moi. Écoute-moi très attentivement, et ceci malgré tout ce que tout le monde, TOUT LE MONDE pourra te dire… Si on te dit le contraire, dis que c’est moi qui l’ai dit… Il se saisit d’une prise de tabac. Il me semblait voir ses gestes pour la première fois. – Si on t’offre de la nourriture, prends-la. Mange-la. N’aie pas peur, aussi longtemps que ton cœur dit : mange. Si ton esprit doute, même un instant, ne prends pas, et ne remets jamais les pieds dans cette maison. Tu comprends ce que je te dis ? […] (282) Je dis : on t’offre à manger ou à boire. Si ton esprit n’hésite pas, vas-y. c’est moi qui te le dis. Mais si tu éprouves un seul instant de doute, tourne le dos à cette maison et n’y retourne jamais. Deuxièmement, n’évite jamais le combat. Où tu seras l’année prochain ou l’année suivante, je l’ignore. Autant que je sache, on ne te laissera peut-être pas revenir ici avant ton départ pour cette école, mais cela n’a pas d’importance. Où que tu te trouves, ne te sauve pas du combat. Ton adversaire sera probablement plus grand que toi ; la première fois il te rossera. Lorsque tu le rencontreras à nouveau, défie-le. Il te battra une deuxième fois. La troisième fois, je te le promets, ou bien tu le vaincras ou bien il se sauvera. Tu écoutes ce que je te dis ? – Oui, Père. – La première fois, la deuxième fois, ne t’en fais pas s’il te bat. Mais reviens. Tu finiras par lui faire honte : ou bien tu le rosseras ou bien il se sauvera. […] J’ai envoyé tes parents et les autres enfants à Sagamu. Ils doivent être partis maintenant ; il y a là-bas des tas de gens auxquels ils n’ont pas encore rendu visite. Nous sommes seuls. J’avais cru que mon père était dans l’autre pièce. Père devait aller à une réunion. Il me recommanda de ne manger que ce qu’il m’enverrait. (283) J’étais épuisé et j’avais mal aux poignets et aux chevilles. Je voulais savoir si Essay avait eu les chevilles incisées. Père s’en tira par une pirouette : j’assommais les gens de questions. Il entra dans une autre pièce. Il me dit de loin de marcher sur le bord extérieur de mes pieds puis sur le bord intérieur, ou à plat mais plus doucement. J’étais sûr que Père ne croyait pas que je le comprendrais. (284)

X. LA VIE SUR LA PLACE DE L’ÉGLISE À AKÉ (285)

Odeurs, bruits et marchandises de la place de l’église (285)

Les odeurs et les bruits qui font la « personnalité » d’Aké. Les marmonnements nocturnes de Sorowanke la folle qui vivait près du manguier et qui rêvait tout haut, conjurant les démons ou se chamaillant avec son amoureux dément Yokolu. Grésillement de l’aiguille contre les punaises, défi des grillons et des cigales lancé à la chorale de l’église Saint-Pierre. Sorowanke ponctuait (285) l’hymne de hurlements et de claques sur ses cuisses tandis que retentissaient les douze coups de minuit au clocher. Autres odeurs. Le jeu de guitare de Dayisi, le guitariste de l’orchestre juju. Les odeurs vaincues par le bruit d’un pot-pourri d’orchestres électroniques et le fracas de clochettes annonçant des soldes de produits importés. La route poussiéreuse qui autrefois, séparait le mur de notre arrière-cour de celui de l’église s’est rétrécie ; une moitié, appuyée contre le mur de la mission Saint-Pierre, est partagée entre une collection de boutiques qui répandent les produits d’une industrie mondiale du gâchis… (286) Sur la vieille route de Daysisi, le guitariste de minuit, bondit le jeune vendeur lâchant aux passants la ritournelle des sonnettes made in Hong Kong.

Chants, incantations et magie (287)

Je chantais moi aussi sur la Promenade de Dayisi quand j’étais envoyé tard le soir chez Pa Solatan ou chez quelque autre intime du cercle de nos parents dans la direction de l’Aafin ou d’Iporo ou chez notre Tata Mme Lijadu. Je chantais pour me donner du courage face aux dangers de l’obscurité et aux silhouettes qui […] auraient pu être des esprits ou des voleurs d’enfants. Une arme formidable était venue s’ajouter à mon arsenal d’incantations contre l’inconnu après que j’eus joué le rôle du Magicien le jour de la distribution des prix à la Mission Saint-Pierre au cours élémentaire. Même si la plupart des esprits dangereux ne conversaient pas en anglais, il leur était impossible de se méprendre sur la volonté de la force ennemie qui s’avançait sur la Promenade de Dayisi en chantant à tue-tête (chant) (287). La Maison du Centenaire accueillait un cortège permanent de magiciens invariablement « formés aux Indes ». Un jour, il y eut un affrontement entre un assistant et un spectateur, une sorte de frère jumeau de Paa Adatan. Il avait répondu à la demande d’un magicien mais refusait de se laisser hypnotiser. Le Grand Magicien utilisa tous ses pouvoirs (288) mais le volontaire se mit à ricaner. Il refusait de s’endormir. Pourtant le haut fait s’accomplit et le Docteur vint s’immobiliser devant la forme inerte. Mais son visage se fit menaçant. L’affrontement avait abaissé son prestige. Il criait que l’homme vaincu et lui-même s’étaient livrés à un duel à mort et que les choses ne pouvaient donc se terminer que selon les termes du combat. Les spectateurs commencèrent à donner des signes de nervosité. Tout à coup, il se précipita sur la silhouette endormie et releva son dansiki découvrant une ceinture d’amulettes. Puis avec son sabre, il se précipita sur la couche. Quelques spectateurs s’enfuirent, d’autres se couvrirent les yeux. Je restai bouche bée (289). Dans la confusion, je ne pus voir comment tout se termina. Le sens du combat m’apparut au moment même où il se déroulait : le combat ordinaire entre le magicien et l’osó, le sorcier, l’homme des sortilèges. Le magicien était l’agent de l’Orient mystérieux ; le sorcier était notre propre champion. Mais il avait été vaincu et, semblait-il, coupé en deux par la vindicte de l’homme de l’Orient en furie. L’odeur de l’encens continua d’imprégner mon souvenir de cet affrontement. C’était sans aucun doute une force mauvaise dans ses manifestations. Les chants de cette opérette devinrent une sorte de protection contre les ombres des ruelles ou du manguier (290) qui pouvait abriter mille ewèlè [esprit malfaisant de la brousse], oro, iwin et autres ànjonnú [esprits]. Mais les hymnes saisonniers que répétait la chorale exerçaient aussi ma voix. Il était assez facile de saisir la musique, c’était plus difficile pour les paroles, mélange d’anglais, de yorouba et d’un langage céleste. Ces chants lyriques indéchiffrables conduisaient à d’étranges interprétations que j’essayais d’échafauder quand je me trouvai en face de l’organiste, M. Orija qui sortait de l’église. J’espérais que ma version de la Cantate de Pâques ne lui avait pas paru trop blasphématoire. (291) Je me trompais. Il nous rendit visite le lendemain, non pas pour signaler une transgression mais pour demander à Essay que je rejoigne la chorale. Mon père estimait que j’étais trop jeune mais M. Orija insista : ma voix était exactement ce qu’il fallait pour faire un soprano. Sa requête fut finalement agréée. Il faudrait me faire faire une tenue mais j’allais déjà commencer les répétitions.

Edun, chorale et marchés (292)

Edun, qui habitait de l’autre côté du marché du matin d’Ibàràpa, fut initié à la même époque. Nous fêtâmes l’événement comme un moyen d’échapper aux corvées domestiques. En plus des leçons, du scoutisme et de quelques histoires inventées, il y avait maintenant la sortie légitime pour nous rendre aux répétitions. J’habitais plus près de l’église mais il fut convenu que c’est moi qui irai le chercher chez lui. Nous variâmes le trajet. Le marché (292) du matin était dénué d’intérêt à l’heure des répétitions. Prendre par le marché d’Iberekodo ne demandait que dix à quinze minutes de plus et je prenais soin de partir assez tôt. Le soir les arômes du marché s’élevaient librement et nous incitaient à dépenser notre argent auprès des vendeuses de jogi [mélange de haricots, de graines de melons et de maïs cuit à la vapeur] et d’akara. Dans le marché, nous nous arrêtions pour contempler les gestes culinaires experts des vieilles femmes et de leurs apprenties. (293) Les arômes d’akara disputaient l’attention des passants à la saveur des kasada, du tinko, de l’ogiri [condiment à base de graines et de pastèque fermentées], du maïs grillé, des légumes frais ou du gbegiri [sauce à base de haricots, d’oignions et de tomates]. L’akàmu était versée dans des bols. Notre argent ne pouvait satisfaire tous nos désirs mais le spectacle et les odeurs étaient gratuits. Les répétitions devinrent inséparables de l’excursion dans le somptueux surgissement vespéral des arômes d’Ibàràpa. Lorsque, quelques mois plus tard, notre apprentissage s’acheva et que nous devînmes des choristes achevés, je continuais à partir tôt le dimanche et en d’autres circonstances ecclésiales afin de passer chez Edun pour les offices du matin ou du soir. Le marché du matin n’était pas ouvert le dimanche mais il y avait une femme qui semblait avoir converti toutes les odeurs et les textures des marchés dans sa marmite de ragoût. (294) À l’exception de quelques étals de légumes frais, elle était la seule à défier les prétentions du dimanche au respect d’une journée sans marché. Le petit déjeuner du dimanche était pourtant copieux chez nous mais il n’était pas complet tant que je ne m’étais pas faufilé parmi les étals d’Ibàràpa pour aller délivrer Edun de sa demeure et, volant Dieu pour payer Iya Ibàràpa, épuiser les sous qu’on nous donnait pour la quête en débauche gastronomique, tandis que les cloches de l’église retentissaient pour signaler qu’il restait une demi-heure avant d’affronter Dieu. Une fois ou deux je culpabilisai de ce vol mais je réussis à me convaincre que l’on chantait mieux après avoir goûté aux richesses du marché. D’ailleurs, personne ne nous faisait de reproches.

Parenté culinaire (295)

Lorsque je demandai à Ibidun, la nièce de Mme Lijadu, ce que notre tante mettait dans ses (295) ragoûts, elle me dit que c’était du pasmenja [plante aromatique utilisée comme condiment]. Ce mot étrange convenait parfaitement à l’arôme des repas que nous prenions chez notre tante. Un axe de goûts et d’odeurs s’était formé entre elle et notre grand-mère, la sœur de Daodu qui vivait seule à Igbèin, presque à l’autre bout d’Abeokuta. Lors de nos rares visites, je me rappelais que je ne me trouvais pas chez Mme Lijadu mais dans la demeure de notre grand-mère maternelle, la mystérieuse sœur aînée du Révérend A.O. Ransome-Kuti. C’était là l’un des mystères des liens familiaux que Chrétienne Sauvage essayait de nous apprendre. Les Olubi étaient-ils nos cousins ? Je ne comprenais rien à l’histoire compliquée de la famille. Il s’était formé des liens beaucoup plus tangibles. Notre grand-mère d’Igbèin ne semblait avoir rien de commun avec son terrible frère Daodu. Je continuai pendant longtemps à croire qu’elle était la mère de Beere. Et je pensais qu’elle et Mme Lijadu étaient sœurs parce que toutes deux faisaient la cuisine au (296) pasmenja. Même leurs brioches et leur chin-chin avaient une saveur identique ; et la nourriture des deux maisons ne pouvait sortir que des cuisines de deux sœurs. Quant à la femme de Daodu, Beere, je ne l’associais jamais à une façon quelconque de cuisiner. Mais pour ce qui était de manger, c’était autre chose. Elle aimait tellement le moin-moin confectionné par Chrétienne Sauvage qu’elle envoyait souvent l’un de ses aînés, Koye ou Dolupo, depuis Igbèin pour qu’il lui en ramène. Lorsqu’elle venait en personne, elle n’avait de cesse de nettoyer méthodiquement les feuilles dans lesquelles le moin-moin était cuit, n’hésitant pas à brusquer la bonne qui les avaient ramassées trop vite. (297)

Nourriture traditionnelle et fast-food (298)

Les chants lyriques des marchandes ambulantes de moin-moin enveloppé de feuilles résonnent encore en certains lieux d’Aké, notamment sur la Promenade de Dayisi. Ce moin-moin coudoie les hamburgers McDonald, les Poulets Rôtis du Kentucky, les hot-dogs et les friands déshydratés. Evolution des modes de cuisson et de conditionnement du moin-moin (298). Le wara, et beaucoup d’autres ne jouissent même pas de ce sursis douteux. Les gourdes dans lesquelles les vendeuses présentaient leur lait caillé ont été remplacées par des boîtes chromées. Si encore c’était de la crème glacée ! – un produit immonde vendu uniquement pour la recherche du profit immédiat – Même les enfants de l’École du Dimanche de Pa Delumo n’étaient pas si stupides ; avec eux le roi des glaces de la Promenade de Dayisi aurait été négligé, détrôné par la reine du wara. Nous nous faisions les dents sur les robo [boulettes grillées dures de graines de melon écrasées] et sur le guguru-epa [maïs grillé-arachide] l’ami des travailleurs qui attendaient leur jour de paie. Une poignée de guguru arrosée d’eau, de vin de palme ou de pito suffisait à tromper la faim pendant le reste du jour. Le soir, le rayon de konkere [soupe épaisse aux haricots avec des piments] prenait la relève : mélangée avec du gari, elle justifiait pleinement le nom de (299) « béton » dont elle portait fièrement une version corrompue [concrete en anglais]. Les femmes haoussas qui vendaient le guguru dosaient soigneusement leur maïs ; dans nos achats nous combinions les grains grillés durs, les ultra-légers duveteux et toutes les qualités intermédiaires, tandis que les tranches de noix de coco et les portions d’arachides ajoutées amenaient leurs variantes à nos papilles gustatives. Aujourd’hui sur Promenade de Dayisi les mâchoires semblent tout aussi surmenées ; en fait, elles mâchonnent sans arrêt … du chewing-gum. Parmi les boutiques fantaisie éclairées au néon on peut aussi apercevoir un appareil qui distribue du pop-corn. Des gamins fourrent le produit dans des sachets en plastique sous le nez des automobilistes, même s’ils ne s’arrêtent qu’un instant.

La jeunesse bruyante (300)

Le vacarme des avertisseurs rivalise avec les décibels déversés à haute dose de la musique. Les nouveaux habitués se gargarisent de ces paroles confuses de chansons braillées par cent boutiques. Ils vont dans les magasins pour regarder les derniers disques. Un trio sort (300) avec un énorme lecteur de cassettes faisant un bruit démentiel. Il passe au magasin de bijoux fantaisie et de produits de beauté. Il s’arrête chez McDonald pour consommer des friands et di coca-cola. Une fille finit par se décider pour une crème à blanchir la peau. Surgit un intrus et apparemment plus africain qui n’est hélas qu’une nouvelle imitation locale de musique pop. Mais ces musiciens connaissent bien leurs clients nouveaux riches. Ils adoptent la nouvelle musique avec ostentation, reconnaissant à peine les différences des genres. Avec des choix assurés mais accordés à des mentors lointains, les enfants des nouveaux (301) membres des professions libérales, médecins, avocats, ingénieurs, bureaucrates, clergymen, passent derrière la mission sur la Promenade de Dayisi, serrant contre eux les toutes dernières cassettes de « l’étranger », et se rassemblent au Poulet Rôti du Kentucky pour échanger leurs impressions. Une fille s’arrête chez le coiffeur et bientôt le grésillement se mêle à la musique disco. À la fin de l’opération, on contemple sa coupe. C’est l’heure d’aller rejoindre les autres chez le Colonel pour avoir « sa part de gâteau » et se « lécher les doigts ».

La folle enceinte Sorowanke et le vagabond Yokolu (302)

Parfois Promenade de Dayisi se prêtait à d’étranges cruautés. À la saison des mangues, la Place d’Aké était envahie par des odeurs entêtantes. Ce n’étaient pas seulement les mangues. Mais à cette saison l’arbre était si gonflé d’ombre que les marchandes de repas s’y installaient volontiers. Toute la journée des gens venaient manger là. (302) Sorowanke constituait une attraction supplémentaire On lui offrait de la nourriture ou des vêtements, ou elle était l’objet d’insultes ou la cible de quelque projectile. Elle avait installé sa cabane contre les buissons près du manguier. Yokolu, son amoureux, n’avait pas de domicile fixe. Il patrouillait dans la totalité d’Abeokuta et on pouvait le rencontrer à toute heure en n’importe quel point de la ville. Un jour nous le vîmes partager son repas avec Sorowanke. Il venait de plus en plus fréquemment, et puis nous remarquâmes que du linge masculin séchait parmi sa lessive. Yokolu passait désormais l’essentiel de son temps près du manguier. Le tour que prenaient les choses provoqua la consternation parmi la population du manguier. Nos élèves de Saint-Pierre nous tenaient au courant de l’évolution des choses. La foule commença à diminuer autour du manguier ; les marchandes de repas s’en éloignèrent (303) en direction de l’église. Sorowanke et son amoureux prirent possession des lieux abandonnés qui furent bientôt envahis par leurs affaires. Ils s’installèrent au pied de l’arbre. Les gens se plaignaient des odeurs mais la nouvelle ligne de démarcation des territoires était maintenant tacitement admise. Et puis le ventre de Sorowanke se mit à gonfler ; elle parlait de moins en moins. Elle avait cessé de fulminer contre l’univers comme avant. Un jour son conjoint disparut. Tout à coup, un matin, nous entendîmes des cris, des (304) hurlements. Quelques-uns de nos camarades d’école était en train de bombarder Sorowanke avec des pierres et des bâtons. Les marchandes de repas se joignirent à eux tandis que les hommes se contentaient de regarder ou de la traiter de sorcière. Quelques jours plus tôt, elle avait trouvé sa cabane brûlée et ses affaires éparpillées. Depuis, elle restait prostrée. D’ailleurs elle n’avait plus ni nourriture ni argent. Et maintenant les pierres et les bâtons volaient. Je vis qu’elle saignait à la tempe. Brusquement, elle se leva en titubant. Les enfants s’approchèrent, éparpillèrent son feu, jetèrent les hardes et les boîtes en carton qui restaient dans les buissons où se trouvait sa cabane. Les marchandes de repas achevèrent le travail et reprirent leurs positions. Il ne fallut pas plus d’une semaine pour que Aké eût totalement oublié la folle enceinte, Sorowanke. (305)

XI. FAUSSE ALERTE POUR ESSAY (307)

Essay à l’article de la mort… (307)

Il restait de plus en plus dans sa chambre où il prenait ses repas. Quand il sortait il paraissait nous regarder d’un œil plus aigu en secouant tristement la tête. Les visiteurs venaient moins souvent et ne restaient qu’un instant. Parfois ils ne voyaient même pas Essay ; on leur disait simplement : Directeur se repose. Chrétienne Sauvage passait davantage de temps à la maison, abandonnant la boutique à la servante et aux cousins. Elle passait une bonne partie de la journée à s’occuper de lui. Ils ne punissaient plus nos petits délits qui, à leur tour, diminuaient. Un nuage de somnolence et de paix entourait la maison. Nous ne nous sentions pas l’envie de faire l’école buissonnière, de flâner en faisant (307) les courses ou de rejoindre furtivement nos camarades pour de folles aventures. Après la classe, je me hâtais de rentrer pour partager l’intimité de la famille. Et pourtant je comprenais à peine, pas même lorsque je le rencontrais, le regard perdu, parmi ses fleurs. Je le surpris plusieurs fois à se parler doucement à lui-même : – Oh mon Dieu, quelle triste mort. 

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