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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 00:47

Après la mort de sa femme Dorothy, le vieux Walt Kowalski se retrouve seul dans sa maison d’un quartier populaire décadent abandonné par les blancs. Ce vétéran de la guerre de Corée qui a travaillé jusqu’à sa retraite chez Ford, vit avec son chien Daisy, à siroter des bières, à tondre sa pelouse et à astiquer sa Gran Torino Ford de 1972 qu’il n’utilise jamais. Vieil ours bougon, il s’agace des comportements des jeunes et ne supporte plus sa famille,  notamment son fils aîné qui a mal tourné puisqu’il vend des voitures … japonaises. Walt le Polonais ne cache d’ailleurs pas son racisme pour tous les étrangers qui occupent les quartiers en déshérence de cette Amérique de la crise et de l’émigration et en particulier  ses voisins hmongs qui se pressent nombreux dans la maison mitoyenne. Un jour, sous la pression d’un gang de sa communauté,  le jeune Thao tente de voler la précieuse automobile, à contrecœur et maladroitement, pour satisfaire une épreuve initiatique. Kowalski s’interpose,  comme il le fait quelques jours après quand trois voyous noirs inquiètent Sue,  la sœur de Thao. Par reconnaissance et pour racheter la faute du jeune garçon, la famille asiatique  déploie alors des trésors de gentillesse et d’offrandes gastronomiques auprès de leur acariâtre voisin. Walt grogne puis finit par reconnaître qu’il a « plus de choses en commun avec ces gens-là qu’il n’en a avec ses propres enfants ». Pour satisfaire la mère de Thao qui veut que son fils paie sa dette, il accepte que Thao travaille pour lui et  malgré son discours outrancièrement viril et xénophobe (qui d’ailleurs devient un jeu avec le coiffeur italien et l’entrepreneur irlandais) il s’attache à ce garçon qui se cherche. Mais la bande éconduite rôde dans le quartier dans sa Honda blanche avec béquet arrière. Et le drame va se nouer…

Film sur la rédemption, Gran Torino confirme le talent d’acteur et la maîtrise de réalisateur de Clint Eastwood qui en font un des grands noms du cinéma américain. Mais cette leçon de vie et de mort donné par cet Alceste ridé et poitrinaire est aussi une pirouette magnifique du cow-boy justicier des westerns de Sergio Leone et de l’inspecteur Harry qui dégainait souvent avant de réfléchir. La taxinomie culture a voulu faire de Clint Eastwood  le nouveau John Wayne d’un Hollywood  républicain  machiste et volontiers raciste, tenant d’un cinéma classique et conservateur (fabriqué lui aussi chez « Ford », John Ford !). Dans ce rôle de misanthrope bricoleur et rongé par la culpabilité, Dirty Clint s’amuse surtout à bousculer  tous les clichés et à brouiller avec jubilation  cette image en choisissant le camp des émigrés contre celui de l’Amérique bourgeoise, du sacrifice contre la violence, dans un langage politiquement incorrect autant adressé aux protagonistes du film qu’aux esprits bien pensants. On ne connaissait pas ces talents de pitre et cette capacité d’autodérision ravageuse au héros de Pale Rider. Si le film n’échappe pas aux bons sentiments et à certains archétypes du cinéma, il présente une galerie de portraits originaux et tout en nuances et nous émeut particulièrement dans sa dimension testamentaire. Les héritiers de Clint (comme ceux de la Gran Torino made in USA) seront-ils américains ? Le réalisateur de Mystic river, Million dollar baby et de La Route de Madison laisse une formidable boîte à outils à tous ses fils spirituels pour continuer son métier de bon ouvrier du cinéma.

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