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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 22:35

71poster2_100524.jpgSorti à l’occasion du soixantième anniversaire du début de la guerre de Corée, le film 71, into the gunfire (Pohwa Sokeuro / 포화 속으로 ), réalisé par Lee Jae-Han, raconte un épisode dramatique des premiers jours du conflit. Alors que l’offensive nord-coréenne balayait la péninsule et repoussait l’armée sud-coréenne jusqu’au périmètre de Busan, un groupe de soixante et onze lycéens et étudiants retint à Pohang, pendant onze heures, les assauts des forces communistes. L’un d’entre eux qui avait seize ans, a laissé à sa mère une lettre émouvante. C’est lui qui a inspiré le personnage principal du film. Jeune adolescent en costume noir de lycéen, Oh Jang-Beom se retrouve témoin des premiers combats et des premières défaites de l’armée sudiste. Blessé au tympan, il est évacué puis se retrouve avec un groupe d’autres recrues au collège de filles de Pohang quand l’état-major décide de diriger ses troupes sur le fleuve Nakdong. A contre-cœur, le commandant Kang Suk-Dae abandonne ces enfants qui n’ont jamais touché un fusil et confie la direction du groupe au seul d’entre eux qui a déjà eu son baptême du feu. Oh ne tient pas à ce pouvoir d’autant que celui-ci est immédiatement contesté par un trio de petites frappes mené par Ku Kap-Jo, un voyou condamné pour meurtre et qui a accepté de partir au front pour échapper à la prison. Entre jeux potaches et entraînements militaires maladroits, ce groupe d’adolescents occupe son temps dans cette étrange colonie de vacances jusqu’au jour où un bataillon de l’armée nord-coréenne dirigé par le commandant Park Mu-Rang décide de prendre Pohang en contrevenant aux ordres qui lui ordonnent de se diriger vers Nakdong. Refusant de se rendre, les jeunes gens se battront jusqu’à la mort.

Gros succès au box-office sud-coréen (1) (et le choix de Choi Seung-Hyun alias T.O.P. star de la pop coréenne pour jouer le rôle de Oh Jang-Beom n’y est certainement pas étranger) Into the fire a bénéficié d’un gros budget (8 millions d’euros) et d’une double actualité pour attirer le public (la commémoration du 60e anniversaire et les tensions persistantes avec le nord). Cet épisode méconnu de la guerre de Corée avait de quoi émouvoir les spectateurs les plus blasés dans un pays où la paix n’est toujours pas signée avec l’ennemi communiste et où le patriotisme est une vertu entretenue dès l’enfance. La première demi-heure du film répond d’ailleurs aux promesses de la bande-annonce en nous projetant dans des scènes de bataille percutantes qui n’ont rien à envier aux plus grandes scènes du cinéma hollywoodien (Il faut sauver le soldat Ryan, Band of brothers). Après toute la phase de découverte des protagonistes au cœur d’un récit un peu flottant qui balance entre la comédie et le « drama » un peu stéréotypé cher à la télévision coréenne, l’action reprend pour se terminer en apothéose au moment de l’assaut, entre Fort Alamo et Rambo. Un film qui se laisse voir donc mais qui n’échappe pas pourtant à certains défauts. Le jeu des acteurs d’abord qui ne parviennent pas vraiment à donner de la complexité et de l’épaisseur à leurs rôles. Ensuite l’accumulation des clichés : ces enfants qui deviennent des héros par la seule force du hasard, la cohabitation du bon fils taciturne et intègre Oh et de l’orphelin hâbleur et immoral Ku qui après s’être affrontés se retrouvent frères de sang et d’héroïsme, la désignation un peu trop appuyée de la responsabilité de l’armée qui abandonne ces gamins alors que l’ennemi semble déjà derrière la porte. Quant au tableau qui est fait de l’armée nord-coréenne, il veut, certes, échapper au manichéisme de la propagande qui fait passer les rouges pour des monstres. Le réalisateur nous montre de façon très appuyée que certains combattants du nord sont aussi des enfants. Non, le défaut n’est pas tant de ce côté mais dans cette propension à filmer cette armée d’invasion comme une troupe folklorique sortie d’un film historique chinois de Zhang Yimou ou de Chen Kaige. Oriflammes au vent, la troupe se dirige au gré de la fantaisie de son seigneur de guerre, le commandant Park qui arbore sa Rolex au poignet et trône dans son side-car comme un nabab sur son chariot de victoire. Le méchant tout de blanc vêtu échouera forcément face à ces « puceaux de l’horreur » comme disait Céline. Dans ce cinéma de genre, on mesure généralement l’importance d’un personnage au cinéma au temps qu’il met à mourir et à l’altitude de son agonie. Into the fire n’échappe pas à la règle. Oh et Ku meurent en héros sur le toit du collège pour que le spectateur continue de planer. A vouloir trop en faire, les cinéastes tombent souvent dans la banalité. Dommage car le sujet méritait une œuvre plus maîtrisée. L’évocation des familles laissant partir leurs enfants et des civils sur les routes de l’exode aurait aussi peut-être valu quelques plans plus détaillés pour souligner le drame de ces enfants-soldats trop tôt partis à la guerre.

 

  [1] Trois millions d’entrées. Le film a été en tête du box-office pendant quatre semaines.

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