Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 18:16

The-Murderer.jpgAller et retour. En 2008, Kim Yun-Seok interprétait le personnage de Eom Joong-Ho, un proxénète lancé à la poursuite de Jee Young-Min, un psychopathe joué par Ha Jung-Woo dans The Chaser, le film qui révéla au grand public le réalisateur sud-coréen Na Hong-Jin. Deux ans plus tard, le réalisateur réunit à nouveau ses deux acteurs fétiches. Ha Jung-Woo qui a beaucoup maigri, s’est coupé les cheveux très courts et ne s’est pas rasé est devenu le « gentil » sous les traits de Kim Gu-Nam, le chauffeur de taxi. De son côté, Kim Yun-Seok a pris huit kilos et s’est laissé pousser les cheveux pour se faire une coiffure hirsute  afin d’endosser le rôle du « méchant » parrain Myun Jong-Hak. Enfin, « gentil » ou « méchant », c’est un peu vite dit…  

Dans la ville chinoise de Yanbi (préfecture autonome de Yanbian), coincée entre la Corée du Nord et la Russie (non loin de Vladivostok) vivent 80.000 Sino-Coréens surnommés les Joseon-Jok. 50% de cette population vit d’activités illégales. Parmi eux, Kim Gu-Nam est chauffeur de taxi qui mène une vie misérable. Pour payer les 60.000 yuans du visa de sa femme qui est partie travailler en Corée du Sud, il a emprunté de l’argent qu’il est incapable de rembourser, non seulement à cause de son maigre salaire mais parce qu’il joue régulièrement au mah-jong et… perd, ce qui lui vaut des raclées des hommes de main de son débiteur. Un jour, il se voit proposer d’apurer sa dette par un marchand de chiens du 369 Market de la ville. Il doit pour cela aller à Séoul et… tuer un homme. D’abord rétif, Gu-Nam finit par accepter. Il voit dans cette occasion la possibilité de rechercher sa femme dont il est sans nouvelles depuis six mois. Laissant derrière lui sa mère et sa fille, Gu-Nam prend alors le train pour Dalian d’où il embarque clandestinement avec d’autres émigrés qui arrivent nuitamment près des côtes de la Corée.

Gu-Nam a dix jours pour accomplir sa mission avant de reprendre le bateau le 16 janvier. Commence alors un double travail de repérage des habitudes du Professeur Kim Seung-Hyun qui rentre toutes les nuits accompagné par son chauffeur au volant d’une grosse BMW et de recherche de sa femme Lee Hwa-Ja dans le quartier chinois de Garibong-dong. Une piste l’a conduit à un poissonnier avec lequel il se bagarre et à un sordide appartement où il retrouve une photo de sa fille. Puis, un soir où il se décide à agir pour respecter son contrat, tout bascule. D’autres assassins l’ont précédé dans l’escalier du Professeur mais c’est lui que la veuve voit et que la police essaie d’attraper. Le film encore assez lent dans sa première partie va s’accélérer jusqu’à sa conclusion. Dans un bureau d’Incheon, Kim Tae-Won est furieux que « ce type sorti d’on ne sait où ait tout fait foirer ». Traqué par toutes les polices du pays, Gu-Nam est désormais un fugitif qui essaie de regagner l’auberge où il a séjourné à son arrivée. A la télévision, il apprend qu’un cadavre de femme a été découvert et que le poissonnier est passé aux aveux. Pendant ce temps, Kim Tae-Won a envoyé ses nervis, et notamment Choi Sung-Nam, à Yanji pour régler son compte à Myun dont ils ont appris qu’il avait engagé Gu-Nam. Mal leur en prend car le passeur débarque en Corée. Unies pour éliminer Gu-Nam, les deux bandes rivales vont s’entre-tuer de façon particulièrement violente. Gu-Nam ne veut pas abdiquer avant de comprendre les raisons profondes de ce piège fatal. On n’en dira pas plus ici.

murderer05.jpg

S’il aura fallu 45 bonnes minutes pour que l’action se mette en place, les 95 suivantes (soit la durée d’un film traditionnel) ne nous laissent pas de répit entre les courses poursuites dans la montagne, dans un port et dans la ville, le rodéo automobile époustouflant (qui rend d’un seul coup « obsolète » tous les modèles du genre hollywoodiens), la scène de cascade avec le semi-remorque et les scènes de combat à la Tarentino. Dans ce polar qui frise souvent avec la bande-dessinée et le film gore, on ne voit d’ailleurs quasiment jamais de revolver sauf dans les mains maladroites de la police. Mais on se massacre allègrement au couteau, à la hache, à la clé et même à l’os dans une violence primitive et quasi barbare, stylisée dans une chorégraphie surréaliste qui la conduit aux confins du burlesque noir et du tragique antique mais qui coupe le souffle des spectateurs. Bénéficiant du soutien d’un grand studio hollywoodien (la Fox) et d’un tournage exceptionnellement long (plus de 300 jours de préparation et de tournage en Corée et en Chine),  ce film de plus de 5000 plans et de 250 scènes trépidantes a mobilisé beaucoup de moyens et d’énergie (comme la neutralisation de 3km de route en plein centre-ville de Busan, la mobilisation de 150 techniciens et l’utilisation d’une cinquantaine de véhicules – dont une vingtaine finira à la casse- pour la seule séquence de poursuite automobile entre Gu-Nam et Myun). On attendait Na Hong-Jin au tournant après son brillant Chaser. Il multiplie ici les virages, les culbutes et les voltiges avec brio. Décidément, le cinéma coréen ose tout et ne se refuse rien et tient là aux côtés de Park Chan-Wook, Bong Joon-Ho et Kim Jee-Won un de ses experts en sensations fortes.

Un des mérites du film, pour un public occidental non averti est de mettre en lumière la condition des Coréens de Chine et leur relation avec les habitants de la Corée du Sud. Les Joseonjok (coréen: 조선족) ou Chaoxianzu (en chinois simplifié: 鲜族) encore désignés comme Chinois d’origine coréenne (en coréen: 조선계 중국인, Hanja: 朝鮮系中國人), forment une des cinquante-six ethnies officiellement reconnues par le gouvernement chinois. Leur nombre fut estimé à 1.923.842 en 2005. La plupart d‘entre eux vivent dans le nord- est de la Chine, en particulier dans la Préfecture coréenne autonome de Yanbian comme le montre le film. Le développement économique et l’ouverture politique de la Corée du Sud a ouvert la voie à une émigration importante de ces Joseonjok vers le Pays du Matin Calme. En 2009, on comptait 443 566 émigrés de nationalité chinoise dans le pays. Cependant, malgré des racines et une langue commune (bien que le coréen des josejeonsok tende à se différencier fortement de celui des séoulites), ces migrants sont souvent déçus par leur séjour dans ce pays moderne où ils se heurtent souvent à l’ostracisme et au mépris de la population qui les considèrent à peine mieux que les Coréens du Nord et moins bien que les Coréano-américains. La confrontation entre la bande de va-nu-pieds un peu sauvage de Myun et les hommes de Kim Tae-Won ou de Kim Seung-Hyun en costume constitue en quelque sorte une métaphore de cet antagonisme.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de POT ETHIQUE A LENTS TICS
  • : Commentaires sur l'actualité politique et culturelle. Poésie. Parodie. Lettres-philosophie en CPGE scientifiques.
  • Contact

Profil

  • POT ETHIQUE A LENTS TICS

Recherche

Pages

Catégories