Egypte, Mauritanie, Haïti, Mexique, Maroc, Bolivie, République dominicaine, Pakistan,
Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Philippines, Yémen, Erythrée, Sierra Leone, Madagascar, Géorgie, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Zimbabwe… les émeutes de la faim se
multiplient dans le monde et touchent désormais plus de trente-sept pays. Ce « tsunami silencieux » dont les conséquences sociales et politiques sont encore sous-estimées est dû à l’augmentation
record du prix des denrées alimentaires. Selon la FAO, la facture des pays pauvres du monde devrait augmenter de 56 % en 2007/2008 après une
hausse significative de 37 % en 2006/2007. Pour les pays à faible revenu et déficit alimentaire en Afrique, cette facture devrait même augmenter de 74 %, selon le dernier bulletin
Perspectives de récoltes et situation alimentaire. Et ce phénomène n’est pas près de se résorber car il est lié à une conjugaison de facteurs.
Des raisons climatiques d’abord : sécheresse en Australie et au Kazakhstan, inondations en Asie, ouragans en Amérique latine et hiver
record en Chine qui semblent accréditer la thèse du dérèglement climatique et diminuent le nombre des récoltes et la rentabilité des cultures. Une hausse considérable de la demande mondiale,
ensuite, du fait de l’augmentation de la population mondiale mais aussi de la richesse croissante de pays comme l’Inde, la Chine ou le Brésil qui modifient leurs habitudes alimentaires et font
exploser la demande (en consommant plus de viande, ces pays émergents provoquent une augmentation de la production de céréales pour le bétail). Une autre raison est l’appétit de céréales dans
l’industrie des biocarburants. La hausse du prix du pétrole précipite la ruée vers l’or vert. Le cours du maïs, utilisé pour l’éthanol a doublé en deux ans. Toutes les terres utilisées pour
cultiver des substituts au pétrole ne pourront plus être consacrées aux cultures vivrières. L’ère du pétrole cher provoque un autre dommage collatéral, l’explosion du fret qui est répercuté sur
les factures. Parallèlement, les matières alimentaires sont devenues l’enjeu d’une spéculation effrénée sur les marchés boursiers internationaux. Délaissant l’immobilier, les gestionnaires de
fortune orientent désormais leurs clients vers l’investissement dans les produits agricoles au moment où les famines se multiplient. Le riz, le blé, le maïs, le soja qui constituent les bases de
l’alimentation, deviennent des valeurs refuge. Les pays pauvres apprennent enfin à leurs dépens les effets dévastateurs de la libéralisation forcée par le FMI, la Banque Mondiale et les
organismes internationaux, secondés souvent par des politiques nationales à court terme qui n’ont pas su assurer une agriculture de subsistance et d’anticipation des stocks. En Europe même, les
politiques agricoles n’ont cessé pendant des années de souhaiter la diminution des produits céréaliers et laitiers qui aboutissent aujourd’hui à la pénurie (stocks de céréales de l’UE passés de
14 à 1 million de tonnes en un an).
Devant l’ampleur du phénomène, le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU semble bien impuissant et les gouvernements des pays riches en
proie à l’augmentation généralisée du coût de la vie ne sont guère décidés à augmenter leur aide. Ce sont pourtant des centaines de millions de personnes qui pourraient payer les conséquences de
cette situation mondiale. A côté de ce qui attend la planète, les troubles au Tibet et le drame du Darfour risquent bientôt d’apparaître comme très bénins et circonscrits.