Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
Résumé et citations établis par Bernard MARTIAL, professeur de lettres-philosophie en CPGE (et en 1ère).
Les références renvoient à l’édition Folio n°921
Ce résumé ne remplace évidemment pas la lecture intégrale du texte
V. DISCIPLINA AUGUSTA (Discipline auguste)
Les plaisirs de la Villa. La Villa était assez terminée pour que j’y puisse faire transporter mes collections, mes instruments de musique et quelques milliers de livres. J’y donnai une série (246) de fêtes. Je tenais à ce que tout s’accordât à la beauté paisible de ces jardins et de ces alles. Je m’intéressais au choix des nourritures et au rite de présentation des plats. Je fis monter quelques pièces dans les théâtres (grec et latin) inachevés de la Villa. J’aimais les danses et me découvris un faible pour les danseuses aux crotales qui me rappelaient le pays de Gadès de mon enfance. Je m’occupais des chenils et des haras. J’organisai quelques chasses en Ombrie ou dans les bois d’Albe. « Le plaisir avait repris sa place dans ma vie ; mon secrétaire Onésime me servait (247) de pourvoyeur. […] Je me contentais d’ordinaire d’apaiser ou de tromper ma faim. A d’autres moments, il m’arrivait d’éprouver pour ces jeux une indifférence de vieillard. » Aux heures d’insomnie, j’arpentais les corridors de la Villa, m’arrêtant devant les statues comme devant des fantômes : « j’avais envoûté des pierres qui à leur tour m’avaient envoûté ; je n’échapperais plus à ce silence, à cette froideur plus proche de moi désormais que la chaleur et la voix des vivants. » Quelques heures plus tard, je décidais de commander à Papias d’Aphrodisie une statue (248) nouvelle au modelé plus exact.
La canaille philosophique. Ma vie, en apparence, était sage ; je m’appliquais plus fermement que jamais à mon métier d’empereur ; je mettais à ma tâche plus de discernement peut-être, sinon autant d’ardeur qu’autrefois. « J’avais quelque peu perdu mon goût des idées et des rencontres nouvelles, et cette souplesse d’esprit qui me permettait de m’associer à la pensée d’autrui, d’en profiter tout en la jugeant. » Ma curiosité ne s’exerçait plus que sur des détails futiles ; je décachetai des lettres destinées à mes amis qui s’en offensèrent. Je fus pendant quelques jours en proie à la peur du poison comme Trajan autrefois. « Une telle hantise étonne chez un homme plongé par ailleurs dans la méditation de la mort, mais je ne me pique pas d’être plus conséquent qu’un autre. » Une fureur secrète me prenait en présence des moindres sottises. Juvénal osa insulter dans une de ses Satires le mime Pâris qui me plaisait. J’étais las de ce poète enflé (249) et grondeur. Je ne partageais pas ses vues mais en tant qu’homme de lettres, il avait droit à certains égards ; « je le fis appeler à Tibur pour lui signifier moi-même sa sentence d’exil ». Vers la même époque, Favorinus s’installa dans son confortable exil de Chios ; je fis chasser d’une salle de festin un Cynique mal lavé qui se plaignait de mourir de faim… « la canaille philosophique et lettrée ne m’en imposait plus. »
Mécomptes. Les plus minces mécomptes de la vie politique m’exaspéraient comme le faisaient les moindres défauts à la Villa. Un rapport d’Arrien, récemment nommé gouverneur de Cappadoce, me mit en garde contre Pharasmès, qui continuait dans son petit royaume des bords de la Mer Caspienne à jouer ce jeu double qui nous avait coûté cher sous Trajan. Ce roitelet poussait sournoisement vers nos frontières des hordes d’Alains barbares ; ses querelles avec l’Arménie compromettaient la paix en Orient. Convoqué à Rome, il (250) refusa de s’y rendre et m’envoya, en guise d’excuses un présent de trois cents robes d’or que je fis porter dans l’arène à des criminels livrés aux bêtes. Un jour, j’éborgnai un secrétaire médiocre en voulant le frapper. Il me réclama un autre œil et finit par accepter une pension. « Je l’ai gardé à mon service ; sa présence me sert d’avertissement, ce châtiment peut-être. Je n’avais pas voulu éborgner ce misérable. Mais je n’avais pas voulu non plus qu’un enfant mourût à vingt ans. » (251)
Troubles en Palestine. Les affaires juives allaient de mal en pis. Les travaux s’achevaient à Jérusalem malgré l’opposition violente des groupements zélotes. Les fauteurs de troubles profitèrent de quelques erreurs comme le sanglier de la Dixième Légion Expéditionnaire ressenti comme une insulte aux mœurs d’Israël. Les fêtes du Nouvel An juif donnaient lieu chaque année à des rixes sanglantes ; nos autorités interdirent la lecture publique d’un récit légendaire, consacré aux exploits d’une héroïne juive qui serait devenue la concubine d’un roi de Perse et auraient fait massacrer les ennemis du peuple dont elle sortait. Les rabbins s’arrangèrent pour lire de nuit ce texte que le gouverneur Tinéus Rufus leur interdisait de lire de jour ; cette féroce histoire où les Perses et les Juifs rivalisaient d’atrocité, excitait jusqu’à la folie la rage (252) des Zélotes. Le gouverneur décida d’étendre à la circoncision les pénalités que j’avais promulguées contre la castration. Je ne me rendis pas compte du danger de cette mesure contre une pratique peu répandue chez les Juifs d’Alexandrie ou de Rome mais fréquente en Israël. « Rien de tout cela n’était irréparable, mais la haine, le mépris réciproque, la rancune l’étaient. En principe, le Judaïsme a sa place parmi les religions de l’empire ; en fait, Israël se refuse depuis des siècles à n’être qu’un peuple parmi les peuples, possédant un dieu parmi les dieux. » (Les dieux des autres peuples : Zalmoxis pour les Daces, le Baal punique, l’Osiris égyptien, l’âpre Mithra). « Aucun peuple, sauf Israël, n’a l’arrogance d’enfermer la vérité tout entière dans les limites étroites d’une seule conception divine, insultant ainsi à la multiplicité du Dieu qui contient tout ; aucun autre dieu n’a inspiré à ses adorateurs le mépris et la haine de ceux qui prient à de différents (253) autels. Je n’en tenais que davantage à faire de Jérusalem une ville comme les autres, où plusieurs cultes pourraient exister en paix ; j’oubliais trop que dans tout combat entre le fanatisme et le sens commun, ce dernier a rarement le dessus. » L’ouverture d’écoles où s’enseignaient les lettres grecques scandalisaient le clergé la vieille ville ; le rabbin Joshua ordonna à ses disciples de trouver pour ces études une heure qui n’appartienne ni au jour ni à la nuit puisque la Loi juive doit être étudiée nuit et jour. Ismaël, membre important du Sanhédrin, laissa mourir son neveu Ben Dama plutôt que d’accepter les services du chirurgien grec qu’avait envoyé Tinéus Rufus. Tandis qu’à Tibur on cherchait encore des moyens de concilier les esprits sans paraître céder aux fanatiques, le pire l’emporta en Orient ; un coup de main zélote réussit à Jérusalem.
Révolte zélote. Un aventurier nommé Simon, qui se faisait appeler Bar Kochba, le Fils de l’Etoile, s’imposa comme le chef de la révolte, avec un certain génie. (254) Il se proclama Messie et roi d’Israël et entraîna avec lui Akiba et le grand prêtre Éléazar. Des armes et de l’argent furent distribués aux rebelles ; des groupes zélotes attaquèrent des garnisons romaines isolées et massacrèrent nos soldats ; Jérusalem tomba aux mains des insurgés et les quartiers neufs d’Ælia Capitolina flambèrent. Les premiers détachements de la Vingt-deuxième Légion Déjotarienne furent mis en déroute par des bandes dix fois supérieures en nombre. La révolte était devenue guerre, et guerre inexpiable. Deux légions, la Douzième Fulminante et la Sixième Légion, la Légion de Fer, renforcèrent aussitôt les effectifs déjà sur place en Judée ; quelques mois plus tard, Julius Sévérus prit la direction des opérations militaires avec des auxiliaires britanniques. Nos troupes pesamment équipées, nos officiers habitués aux formations structurées (255) eurent du mal à s’habituer à cette guerre d’escarmouches et de surprises. Sévérus se résigna à une guerre d’usure contre cette « guerre civile ». Les paysans firent dès le début cause commune avec les zélotes. Jérusalem ne fut reprise qu’au bout de trois années ; Sévérus accepta de fermer les yeux sur la complicité flagrante des autres grandes villes qui furent reconquises rue par rue. Il fallait que je sois sur place malgré la confiance que j’avais en mes deux lieutenants. Je débarquai à Sidon au début de l’automne.
Un de mes échecs. « L’armée est mon plus ancien métier ; je ne m’y suis jamais remis sans être repayé de mes contraintes par (256) certaines compensations intérieures ; je ne regrette pas d’avoir passé les deux dernières années actives de mon existence à partager avec les légions l’âpreté, la désolation de la campagne de Palestine. » J’étais redevenu un soldat. Je fis durant ce dernier séjour à l’armée la rencontre d’un jeune tribun, Céler, qui ne m’a plus quitté. « J’admirais ce beau visage de Minerve casquée, mais les sens eurent somme toute aussi peu de part à cette affection qu’ils peuvent en avoir tant qu’on vit. » Je te le recommande : c’est un être dévoué. Au printemps de la troisième année de campagne, l’armée mit le siège devant la citadelle de Béthar ; Simon et ses partisans résistèrent pendant près d’un an. Notre armée souffrait presque autant que les rebelles (257). L’été fut chaud et malsain ; la fièvre et la dysenterie décimèrent nos troupes mais une discipline admirable continuait à régner dans les légions. Mon corps ne supportait plus aussi bien qu’avant les rigueurs d’une campagne. Même si rien ne le laissait paraître dans le courrier adressé au Sénat, l’empereur et l’armée étaient dangereusement las. « Je ne le nie pas : cette guerre de Judée était un de mes échecs. Les crimes de Simon et la folie d’Akiba n’étaient pas mon œuvre, mais je me reprochais d’avoir été aveugle à Jérusalem, distrait à Alexandrie, impatient à Rome. Je n’avais pas su trouver les paroles qui eussent prévenu, ou du moins retardé, cet accès de fureur du peuple ; je n’avais pas su être à temps assez souple ou assez ferme. » L’erreur et le mécompte n’étaient que dans nos rapports avec Israël (258) ; partout ailleurs, nous recueillions en ces temps de crise le fruit de seize ans de générosité en Orient. Simon avait parié sur une révolte du monde arabe et sur le soutien des Parthes. Il s’était trompé ; les Arabes, les Parthes et même les Juifs d’Alexandrie se désolidarisaient des Zélotes ; l’abcès juif restait localisé. Néanmoins les mauvais jours qui avaient précédé mon règne semblaient recommencer. Quiétus avait jadis incendié Cyrène, exécuté les notables de Laodicée, repris possession d’Édesse en ruine ; aujourd’hui, nous étions rétablis dans Ælia Capitolina que les Juifs appelaient Jérusalem, nous avions incendié Ascalon, il avait fallu exécuter en masse les rebelles de Gaza… « Si seize ans du règne d’un prince passionnément pacifique aboutissaient à la campagne de Palestine, les chances de paix s’avéraient médiocres pour l’avenir. » Certes, quelques Juifs avaient échappé à la contagion zélote (259) mais je préférais encore les faux prophètes à ces lâches hypocrites. Notre meilleur agent, Élie Ben Abayad, était méprisé des deux camps ; c’était pourtant l’homme le plus intelligent du groupe, esprit libéral, cœur malade, tiraillé entre son amour pour son peuple et son goût pour nos lettres et pour nous. Josué Ben Kisma, qui prêchait l’apaisement, n’était qu’un Akiba plus timide et plus hypocrite. Même chez le rabbin Joshua qui avait été mon conseiller dans les affaires juives, j’avais senti les différences irréconciliables. Malgré l’étendue de notre empire, « nous ne pouvions pas empêcher cette race de nous dire non. »
Pressentiment de décadence. Je me levai pour échapper à un moustique (260) et je me promenai dans le camp. « On me supposait depuis quelques années d’étranges clairvoyances, de sublimes secrets. On se trompe, et je ne sais rien. Mais il est vrai que durant ces nuits de Béthar j’ai vu passer sous mes yeux d’inquiétants fantômes. » Les perspectives qui s’ouvraient pour l’esprit du haut de ces collines étaient sombres. « Je me disais qu’il était bien vain d’espérer pour Athènes et pour Rome cette éternité qui n’est accordée ni aux hommes ni aux choses, et que les plus sages d’entre nous refusent même aux dieux. Ces formes savantes et compliquées de la vie, ces civilisations bien à l’aise dans leurs raffinements de l’art et du bonheur, cette liberté de l’esprit qui s’informe et qui juge dépendaient de chances innombrables et rares, de conditions presque impossibles à réunir et qu’il ne fallait pas s’attendre à voir durer. Nous détruirions Simon ; Arrien saurait protéger l’Arménie des invasions alaines. Mais (261) d’autres hordes viendraient, d’autres faux prophètes. Nos faibles efforts pour améliorer la condition humaine ne seraient que distraitement continués par nos successeurs ; la graine d’erreur et de ruine contenue dans le bien même croîtrait monstrueusement au contraire au cours des siècles. Le monde las de nous se chercherait d’autres maîtres ; ce qui nous avait paru sage paraîtrait insipide, abominable ce qui nous avait paru beau. Comme l’initié mithriaque, la race humaine a peut-être besoin du bain de sang et du passage périodique dans la fosse funèbre. Je voyais revenir les codes farouches, les dieux implacables, le despotisme incontesté des princes barbares, le monde morcelé en états ennemis, éternellement en proie à l’insécurité. D’autres sentinelles menacées par les flèches iraient et viendraient sur le chemin de ronde des cités futures ; le jeu stupide, obscène et cruel allait continuer, et l’espèce en vieillissant y ajouterait sans doute de nouveaux raffinements d’horreur. Notre époque, dont je connaissais mieux que personne les insuffisances et les tares, serait peut-être un jour considérée, par contraste, comme un des âges d’or de l’humanité. »
Civilisations périssables. Natura deficit, fortuna mutatur, deus omnia cernit. La nature nous trahit, la fortune change, un dieu regarde d’en haut toutes ces choses. Je tourmentais à mon doigt le chaton d’une bague sur laquelle j’avais fait inciser ces quelques mots tristes. « J’allais plus loin dans le désabusement, peut-être dans le blasphème ; je finissais par trouver naturel sinon juste que nous devions périr. Nos lettres s’épuisent ; nos arts s’endorment ; Pancratès n’est pas Homère ; Arrien n’est pas Xénophon ; quand j’ai essayé d’immortaliser dans la pierre la forme d’Antinoüs, je n’ai pas trouvé de Praxitèle. Nos sciences piétinent depuis Aristote et Archimède ; nos progrès techniques ne résisteraient pas à l’usure d’une longue (262) guerre ; nos voluptueux eux-mêmes se dégoûtent du bonheur. L’adoucissement des mœurs, l’avancement des idées au cours du dernier siècle sont l’œuvre d’une minorité de bons esprits ; la masse demeure ignare, féroce quand elle le peut, en tout cas égoïste et bornée, et il y a fort à parier qu’elle restera toujours telle. Trop de procurateurs et de publicains avides, trop de sénateurs méfiants, trop de centurions brutaux ont compris d’avance notre ouvrage ; et le temps pour s’instruire par leurs fautes n’est plus donné aux empires qu’aux hommes. Là où un tisserand rapiècerait sa toile, où un calculateur habile corrigerait ses erreurs, où l’artiste retoucherait son chef-d’œuvre encore imparfait u endommagé à peine, la nature préfère repartir à même l’argile, à même le chaos, et ce gaspillage est ce qu’on nomme l’ordre des choses. » Je rentrais, furieux d’avoir perdu mon temps. « L’écroulement de Rome, s’il se produisait, concernerait mes successeurs ; en cette année huit cent quatre-vingt-sept de l’ère romaine, ma tâche consistait à étouffer la révolte de Judée, à ramener d’Orient sans trop de pertes une armée malade. » Je me couchais tout habillé sur mon lit ; deux heures plus tard, j’étais réveillé par les trompettes de l’aube. (263)
Premières attaques. Je commençais à ressentir les premières atteintes du mal : insomnie, maux de tête, fatigue, saignement de nez (264) ininterrompu pendant une séance de l’état-major jusqu’à la nuit. Céler prévint Hermogène qui ordonna qu’on aille chercher de neige aux sommets de l’Hermon. Je sus plus tard qu’on avait désespéré de ma vie. L’hémorragie inexpliquée s’arrêta pourtant. Un soir, je reçus un second avertissement après une promenade à cheval : je crus tomber comme une pierre dans le puits noir de la mort. Je ressortis de cette expérience en laissant des marques de mes doigts sur les épaules de Céler. Mais il en est de cette brève agonie (265) comme de toutes les expériences du corps : elle est indicible, et reste bon gré mal gré le secret de l’homme qui l’a vécue. « Hermogène finit par diagnostiquer un commencement d’hydropisie du cœur ; il fallut accepter les consignes que me donnait ce mal », borner pour un temps les perspectives de ma vie au cadre d’un lit. J’avais presque honte de cette maladie invisible. Un silence extraordinaire s’établit autour de ma tente ; le camp de Béthar tout entier semblait devenu une chambre de malade ; cet esprit si soigneusement tenu en rênes pendant près de cinquante ans s’évadait. (266)
Fin de la guerre de Judée. Le soir, je rassemblais mes forces pour écouter le rapport de Rufus : la guerre touchait à sa fin ; Akiba, qui s’était en apparence retiré à Usfa en Galilée où il enseignait le droit rabbinique, entretenait en fait la résistance zélote : il fallut renvoyer de force dans leurs foyers ces étudiants fanatisés manipulés par des vieillards. Rufus se décida à faire interdire comme séditieuse l’étude de la loi juive ; quelques jours plus tard, Akiba et neuf autres docteurs de la Loi furent arrêtés et exécutés. Trois mois plus tard, par un froid matin de février, j’assistai à l’assaut qui précéda la capitulation de Béthar. A la fin du mois, les rebelles furent vendus comme esclaves au lieudit du puits d’Abraham. (267) Josué Ben Kisma, chef des soi-disant modérés, qui avait échoué comme pacificateur, mourut d’une longue maladie en appelant de ses vœux la guerre étrangère et la victoire des Parthes sur nous Les Juifs christianisés, quant à eux, virent en nous les instruments d’une colère divine. « La longue série des délires et des malentendus continuait. »
Règlement et rétablissement. On interdit l’entrée de Jérusalem aux Juifs sous peine de mort. Un jour par an, le neuf du mois d’Ab, les Juifs ont le droit de venir au Mur des Lamentations. Les Juifs furent dispersés. « La Judée fut rayée de la carte, et prit par mon ordre le nom de Palestine. Durant ces quatre ans de guerre, cinquante forteresses, et plus de neuf cents villes et villages avaient été saccagés et anéantis ; l’ennemi avait perdu près de six cent mille hommes ; les combats, les fièvres endémiques, les épidémies nous en avaient enlevé près (268) de quatre-vingt-dix mille. La remise en état du pays suivit immédiatement les travaux de guerre ; Ælia Capitolina fut rebâtie, à une échelle d’ailleurs plus modeste ; il faut toujours recommencer. » Je me reposai quelque temps à Sidon. J’avais repris des forces. « On n’a rien compris à la maladie, tant qu’on n’a pas reconnu son étrange ressemblance avec la guerre et l’amour : ses compromis, ses feintes, ses exigences, ce bizarre et unique amalgame produit par le mélange d’un tempérament et d’un mal. » J’allais mieux mais je rusais avec mon corps. On s’émerveilla de mon rétablissement en apparence si complet ; « je pensais aux grands pins des forêts de Bithynie, que le bûcheron marque en passant d’une entaille, et qu’il reviendra jeter bas à la prochaine saison. » Vers la fin du printemps, je m’embarquai sur un vaisseau de haut bord de la flotte ; j’emmenai avec moi Céler et Diotime de Gadara, jeune (269) Grec de naissance servile, rencontré à Sidon, et qui était beau. La route du retour traversait l’Archipel. J’écoutais Diotime me lire des poètes de son pays. Deux affaires importantes m’attendaient à Rome ; « l’une était le choix de mon successeur, qui intéressait tout l’empire ; l’autre était ma mort, et ne concernait que moi. » (270)
Retour à Rome. J’acceptai cette fois le triomphe qu’on me fit à Rome. J’y associais Arrien qui venait de triompher des hordes alaines. L’Arménie était sauvée. Soulagé, je me retirais dans ma maison de Tibur. Simple particulier, j’avais commencé d’acheter et de mettre à bout ces terrains étalés au pied des monts sabins. (271) Au retour de mon grand voyage d’Orient, j’avais mis une espèce de frénésie à parachever cet immense décor d’une pièce déjà aux trois quarts finie. J’y revenais cette fois terminer mes jours le plus décemment possible. Tout y était réglé pour faciliter le travail aussi bien que le plaisir et éviter les va-et-vient fatigants entre Tibur et Rome. « J’avais doté chacun de ces édifices de noms qui évoquaient la Grèce : le Pœcile, l’Académie, le Prytanée. J’acceptais de me livrer à cette nostalgie qui est la mélancolie du désir. J’avais même donné à un coin particulièrement sombre du parc le nom de Styx, à une prairie semée d’anémones celui de Champs-Élysées, me préparant ainsi à cet autre monde dont les tourments ressemblent à ceux du nôtre. » Je m’étais fait construire au cœur de cette retraite un asile plus retiré encore, un îlot de marbre où je fis transporter deux ou trois statues aimées et où je me rendais à l’heure de la sieste pour dormir, pour rêver, pour lire (272). Je pensais à mon successeur.
Succession. Je n’ai pas d’enfants, et ne le regrette pas. « J’ai utilisé de mon mieux mes vertus ; j’ai tiré parti de mes vices ; mais je ne tiens pas spécialement à me léguer à quelqu’un. Ce n’est point par le sang que s’établit d’ailleurs la véritable continuité humaine. » La plupart des hommes qui comptent dans l’histoire ont des rejetons médiocres ou pires que tels. La tendresse du père est presque toujours en conflit avec les intérêts du chef ; la pire des éducations pour un futur prince est l’éducation princière. « Par bonheur, pour autant que notre État ait su se former une règle de succession impériale, l’adoption est cette règle : je reconnais là la sagesse de Rome. Je sais les dangers du choix, et ses erreurs possibles ; je n’ignore pas que l’aveuglement n’est pas réservé aux seules affections du père ; mais cette décision où l’intelligence préside, ou à laquelle du moins elle prend part, me semblera toujours infiniment supérieure aux obscures volontés du hasard et de l’épaisse nature. L’empire au plus digne : il est beau qu’un homme qui a prouvé sa (273) sa compétence dans le maniement des affaires du monde choisisse son remplaçant, et que cette décision si lourde de conséquences soit à la fois son dernier privilège et son dernier service rendu à l’État. » J’avais reproché à Trajan d’avoir tergiversé pendant vingt ans pour prendre la résolution de m’adopter, et de l’avoir fait qu’à son lit de mort. Près de dix-huit ans depuis mon accession à l’empire, je faisais de même. Je regardais autour de moi : les fonctionnaires honnêtes abondaient ; aucun n’avait l’envergure nécessaire. Quarante ans d’intégrité postulaient pour Marcius Turbo, mais il était trop vieux ; Julius Sévérus, bon administrateur de la Bretagne, comprenait peu de choses aux affaires de l’Orient ; Arrien avait toutes les qualités mais il était Grec. Servianus attendait son heure depuis soixante ans. Il avait espéré (274), comploté contre moi ; il avait aigri contre moi l’esprit du maître. Finalement, un pareil ennemi m’avait beaucoup appris. Après mon accession au trône, il avait fait preuve de prudence mais m’avait aliéné ma sœur Pauline. Il n’avait eu d’elle qu’une fille, mariée à un certain Salinator que la phtisie emporta jeune ; ma nièce lui survécut peu ; leur seul enfant, Fuscus, fut dressé contre moi par son pernicieux grand-père. Je tenais des distances prudentes avec lui (275). Je souhaitais vivre pour écraser cette vipère.
Adoption de Lucius. A mon retour à Rome, j’avais retrouvé Lucius dont j’avais étouffé les scandales pendant près de quinze ans, payé les dettes et répondu aux nombreuses lettres qui finissaient toujours par des demandes d’argent. Il était trop mêlé à ma vie pour que je pusse l’en exclure. Sa conversation était éblouissante, son goût exquis en toutes choses ; il s’était fait une réputation d’orateur au Sénat. Je l’avais fait (276) nommer prêteur, puis consul : il avait bien rempli ces fonctions. Quelques années plus tôt, je l’avais marié à la fille de Nigrinus. Cette union fut peu heureuse : la jeune femme se plaignait d’être négligée ; elle avait pourtant de lui trois enfants, dont un fils. « a ses gémissements presque continuels, il répondait avec une politesse glacée qu’on se marie pour sa famille, et non pour soi-même, et qu’un contrat si grave s’accommode mal des jeux insouciants de l’amour. » Je le regardais vivre ; mon opinion sur lui se modifiait sans cesse. Je parlais avec Marcius Turbo des chances de Lucius de devenir empereur. On s’étonnait de mes scrupules. Il avait à peine atteint la trentaine (277). Rien n’est plus lent que la véritable naissance d’un homme. Je me décidai brusquement, à la suite d’une crise d’étouffement plus grave que les autres. « J’adoptai Lucius qui prit le nom d’Ælius César. » Il prit la décision avec désinvolture. On m’accusa de repayer d’un empire l’intimité voluptueuse d’autrefois. Si des pareilles considérations avaient joué un rôle, Lucius n’était pas le seul sur qui j’aurais pu fixer mon choix.
Mort de l’impératrice Sabine. Ma femme venait de mourir dans sa résidence du Palatin. Il n’y avait plus entre nous que de l’antipathie, de la rancœur et, de sa part à elle, de la haine. Je lui rendis visite dans les derniers temps ; elle me fit des récriminations violentes devant des témoins. Elle se (278) félicitait de mourir sans enfants ; mes fils m’eussent sans doute ressemblé ; elle aurait eu pour eux la même aversion que pour leur père. Cette phrase où suppure tant de rancune est la seule preuve d’amour qu’elle m’ai donnée. Je me rappelais quelques souvenirs avec elle. La mort de ma femme me touchait moins que celle de la bonne Arété, l’intendante de la Villa, emportée le même hiver par un accès de fièvre. On m’accusa de l’avoir empoisonné. Il va sans dire qu’un crime si superflu ne m’avait jamais tenté.
Complot de Servianus. Le décès de ma femme poussa Servianus à risquer son tout ; avec elle s’effondrait son meilleur appui. Il venait d’entrer dans sa quatre-vingt-dixième année ; lui non plus n’avait plus de temps à perdre. J’étais informé par la police secrète de ses conciliabules complotistes (279). Son secrétaire Crescens éventa le projet et le nom des complices : on copiait l’attentat prémédité jadis par Nigrinus et Quiétus ; j’allais être abattu au cours d’une cérémonie religieuse au Capitole ; mon fils adoptif tomberait avec moi. Je pris mes précautions cette nuit même. « Vers la douzième heure, par une aube grise de février, un tribun porteur d’une sentence de mort pour Servianus et son petit-fils se présenta chez mon beau-frère ; il avait pour consigne d’attendre dans le vestibule que l’ordre qui l’amenait eût été accompli. Servianus fit appeler son médecin ; tout se passa convenablement. Avant de mourir, il me souhaita d’expirer lentement dans les tourments d’un mal incurable, sans avoir comme lui le privilège d’une brève agonie. Son vœu a déjà été exaucé. » Je n’avais pas commandé cette double exécution de gaieté de cœur ; je n’en éprouvai par la suite aucun regret, encore moins de remords. (280) Les dix-huit ans de Fuscus m’apitoyaient un peu plus mais l’intérêt de l’État exigeait ce dénouement que le vieil Ursus avait rendu inévitable. J’étais désormais trop près de ma mort pour prendre le temps de méditer sur ces deux fins. Marcius Turbo redoubla de vigilance pendant quelques jours ; les amis de Servianus auraient pu le venger. Mais rien ne se produisit. Dix-neuf ans de justice plaidaient en ma faveur. On m’approuva de m’être débarrassé d’un traître ; même le Sénat dont j’avais éliminé un des siens, n’osa rien dire. Aucun des partisans de Servianus ne fut inquiété sauf Apollodore, le fielleux dépositaire des secrets de mon beau-frère qui périt avec lui. Il y avait entre moi et cet architecte favori de Trajan une antipathie réciproque ; il ignorait tout des beaux temps de l’art grec. (281) Les dieux ne se levèrent pas pour le sauver. (282)
Maladie et mort de Lucius. Au printemps, la santé de Lucius commença à m’inspirer des craintes assez graves. Un matin, à Tibur, il s’effondra crachant le sang. L’incident n’eût pas de suites ; je n’aurais pas dû me rassurer trop vite. Je décidai de nommer (283) Lucius gouverneur de cette Pannonie où j’avais fait ma première expérience de chef. Tout l’été, je lus ses rapports officieux, et ceux plus secrets de Domitius Rogatus, son secrétaire particulier que j’avais chargé de le surveiller. Ces comptes-rendus me satisfirent : Lucius faisait preuve de sérieux en Pannonie. Il se tira brillamment d’une série de combats et réussissait à charmer en province. Mais il prit froid au début de l’automne. On le crut guéri mais la toux reparut. Un mieux passager n’aboutit qu’à une rechute subite au printemps. Les bulletins des médecins m’atterrèrent. Dès qu’il fut (284) assez remis pur supporter le voyage, je le fis ramener en Italie. Avec le vieux Rufus d’Éphèse, spécialiste de la phtisie, j’allai moi-même l’attendre au port de Baïes. Je décidai de l’installer dans la villa de Cicéron où il avait passé avec moi une saison de ses dix-huit ans. Les premiers jours parurent une victoire sur le mal. Mais les pluies recommencèrent ; un vent humide soufflait de la mer ; la vieille maison manquait des conforts plus modernes de la villa de Tibur. Hermogène essaya sur lui des médicaments ramenés d’Orient. En vain. (285) Sa femme lui rendit visite ; ils échangèrent des mots amers. Il regarda son fils de sept ans avec indifférence. Il s’intéressait aux affaires de Rome en joueur, non en homme d’État. Mais sa frivolité restait une forme de courage. Le soir, ne pouvant dormir, je m’établissais dans sa chambre ; Céler, qui pourtant n’appréciait pas Lucius, accepta de le veiller par fidélité à mon égard. « Une amertume m’envahissait, profonde comme la mer : il ne m’avait jamais aimé ; nos rapports étaient devenus ceux du fils dissipateur et du père facile. » Il avait dilapidé ses années comme un prodigue jette ses pièces d’or. Je m’étais appuyé à un mur en ruine : je pensais aux sommes énormes dépensées pour son adoption. « J’en venais à craindre qu’il allât mieux ; si par hasard il traînait encore à quelques années, je ne pouvais pas léguer l’empire à cette ombre. » Il semblait (286) suivre ma pensée. Je pensais aux vers de Virgile sur le neveu d’Auguste lui aussi promis à l’empire et que la mort arrêta en route : « Manibus date lilia plenis… Purpureo spargam flores » (L’amateur de fleurs ne recevait de moi que d’inanes gerbes funèbres). Il se crut mieux ; il voulut rentrer à Rome. Je le ramenai par petites étapes à la Villa. Il devait préparer un discours de remerciements en tant qu’héritier de l’empire durant la séance suivant la Nouvelle Année. « Il travaillait le matin des calendes de janvier quand il fut pris d’un crachement de sang ; la tête lui tourna ; il s’appuya au dossier et ferma les yeux. La mort ne fut qu’un étourdissement pour cet être léger. C’était le jour de l’An. » Sa mort ne fut annoncée que le jour suivant. Il fut enterré discrètement dans les jardins de sa famille. Je refusai qu’on lui accorde les honneurs divins que demandait le Sénat. Je me bornai à lui faire construire quelques (287) chapelles funéraires et quelques statues : ce pauvre Lucius n’était pas dieu.
Choix d’Antonin. Le temps pressait. J’avais eu le temps de réfléchir et je choisis un certain Antonin, homme d’une cinquantaine d’années, d’une famille provinciale, apparentée de loin à celle de Plotine. « Il m’avait frappé par les soins dont il entourait son beau-père ; ses états de service faisaient de lui un fonctionnaire irréprochable. Mon choix se fixa sur lui. Plus je fréquente Antonin, plus mon estime pour lui tend à se changer en respect. Cet homme simple possède une vertu à laquelle j’avais peu pensé jusqu’ici, même quand il m’arrivait de la pratiquer : la bonté. Il n’est pas exempt des modestes défauts d’un sage ; son intelligence appliquée à l’accomplissement méticuleux des tâches quotidiennes vaque au présent plutôt qu’à l’avenir ; son expérience du monde est limitée par se vertus mêmes ; ses voyages se sont bornés à quelques missions officielles, d’ailleurs bien remplies. Il connaît peu les arts ; il n’innove qu’à son corps défendant. Les provinces, par exemple, ne représenteront jamais pour lui les immenses possibilités de développement qu’elles n’ont pas cessé de comporter pour moi ; il continuera plutôt qu’il n’élargira mon œuvre ; mais il la continuera bien ; l’État aura en lui un honnête serviteur et un bon maître. »
Education de Marc-Aurèle. Je voulais cependant prolonger plus loin cette prudente lignée adoptive. A chaque retour à Rome, (288) j’allais saluer mes vieux amis, les Vérus, Espagnols comme moi, l’une des familles les plus libérales de la haute magistrature. « Je t’ai connu dès le berceau, petit Annius Vérus qui par mes soins t’appelles aujourd’hui Marc-Aurèle. » Durant l’une des années les plus solaires de ma vie, je t’avais fait élire au saint collège des Frères Arvales, auquel l’empereur préside. Je t’ai tenu par la main durant le sacrifice qui eut lieu cette année-là au bord du Tibre ; j’ai regardé avec un tendre amusement ta contenance d’enfant de cinq ans effrayé. Je me préoccupai de ton éducation en aidant ton père à choisir les meilleurs maîtres. J’ai vu se développer ton goût pour la philosophie stoïque. « Il y a de l’excès dans tout cela, mais l’excès est une vertu à dix-sept ans. Je me demande parfois sur quel écueil sombrera cette sagesse, car on sombre toujours : sera ce une épouse, un fils trop aimé, un de ces pièges légitimes enfin où se prennent les cœurs timorés et purs ; sera-ce plus simplement l’âge, la maladie, la fatigue, le désabusement qui nous dit que si tout est vain, la vertu l’est aussi ? J’imagine, à la place de ton visage candide d’adolescent, ton visage las de vieillard. Je sens ce que ta fermeté si bien apprise cache de douceur, de faiblesse peut-être ; je devine en toi la présence d’un génie qui n’est pas forcément celui de l’homme d’État ; le monde, néanmoins, sera sans doute à jamais amélioré pour l’avoir vu une fois associé au (289) pouvoir suprême. J’ai fait le nécessaire pour que tu fusses adopté par Antonin ; sous ce nom nouveau que tu porteras un jour dans les listes d’empereurs, tu es désormais mon petit-fils. Je crois donner aux hommes la seule chance qu’ils auront jamais de réaliser le rêve de Platon, de voir régner sur eux un philosophe au cœur pur. Tu n’as accepté les honneurs qu’avec répugnance ; ton rang t’oblige à vivre au palais ; Tibur, ce lieu où j’assemble jusqu’au bout tout ce que la vie a de douceurs, t’inquiète pour ta jeune vertu ; je te vois errer gravement sous ces allées entrelacées de roses ; je te regarde, avec un sourire, te prendre aux beaux objets de chair placés sur ton passage, hésiter tendrement entre Véronique et Théodore, et vite renoncer à tous deux en faveur de l’austérité, ce pur fantôme. Tu ne m’as pas caché ton dédain mélancolique pour ces splendeurs qui durent peu, pour cette cour qui se dispersera après ma mort. Tu ne m’aimes guère ; ton affection filiale va plutôt à Antonin ; tu flaires en moi une sagesse contraire à celle que t’enseignent tes maîtres, et dans mon abandon aux sens une méthode de vie opposée à la sévérité de la tienne, et qui pourtant lui est parallèle. N’importe : il n’est pas indispensable que tu me comprennes. Il y a plus d’une sagesse, et toutes sont nécessaires au monde ; il n’est pas mauvais qu’elles alternent. »
Héritage impérial. Huit jours après la mort de Lucius, je me fis conduire en litière au Sénat ; je demandai la permission de prononcer mon adresse couché. Parler me fatigue. Je fis l’éloge de Lucius. Je nommai (290) Antonin ; je prononçai ton nom. Je demandai qu’Antonin adoptât aussi le fils de Lucius qui aura de la sorte pour frère Marc Aurèle. J’étais content de moi et d’avoir muselé le Sénat. « Ma tâche publique était faite : je pouvais désormais retourner à Tibur, rentrer dans cette retraite qu’est la maladie. Mon héritage impérial était sauf entre les mains du pieux Antonin et du grave Marc Aurèle ; Lucius lui-même se survivrait dans son fils. Tout cela n’était pas mal arrangé. » (291)