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3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 09:04

Traduction de Marie-Claire Pasquier, éd. Folio n° 2643

Résumé et recueil de citations

établis par Bernard MARTIAL, professeur de lettres en CPGE

 

L’action principale du roman se déroule sur une seule journée, un mercredi de juin 1923 (le 13 ?) à Londres du matin où Clarissa Dalloway sort de chez elle à la fin de sa réception le soir. Mais cette « unité de temps » se complique de nombreuses analepses dont la principale concerne des souvenirs communs des personnages à Bourton en 1890 (Clarissa avait alors dix-huit ans ; elle en a cinquante et un en 1923).

 

I. MRS DALLOWAY VA CHEZ SON FLEURISTE (61 à 96)

 

Mrs Dalloway va chez Mulberry’s (61 à 76)

Pendant que Lucy, la femme de chambre, est occupée à démonter les portes pour accueillir les serveurs de Rumpelmayer qui vont s’occuper de la réception du soir, Clarissa Dalloway s’apprête à sortir pour aller commander les fleurs (61). Par association d’idées, elle pense à une autre mâtinée à Bourton, alors qu’elle avait dix-huit ans et où Peter Walsh l’avait trouvée « songeuse au milieu des légumes », ce Peter Walsh qui doit rentrer des Indes, un jour ou l’autre, et dont les lettres l’ennuyaient plus que  ses paroles directes. Alors que passe un camion de livraison de Durtnall, Scrope Davis, une voisine de ce quartier de Westminster où Clarissa habite depuis plus de vint ans, regarde cette femme charmante qui a cependant blanchi depuis que son cœur a souffert de la grippe espagnole. Big Ben sonne. « Et voilà ! Cela retentit ! D’abord un avertissement, musical. Puis l’heure, irrévocable. (62) Les cercles de plomb se dissolvaient dans l’air ». Mrs Dalloway traverse Victoria Street. En ce matin de la mi-juin 1923, la guerre est loin sauf pour Mrs Foxcroft et Lady Bexborough dont les garçons sont morts (63).

En entrant dans Saint-James Park, elle rencontre Hugh Whitbread  (64) qui est venu à Londres avec sa femme Evelyn qui doit voir un médecin. Il viendra à la soirée de Clarissa mais il sera peut-être en retard  après la réception à Buckingham où il doit emmener un des fils de Jim (65). Elle considère Hugh comme un brave garçon mais Richard et Peter ne le supportent pas (66). Quant à Peter, elle pouvait ne pas le voir pendant longtemps, dès qu’il apparaîtrait elle le retrouverait comme avant. Elle a pourtant  rompu avec lui lors d’une fameuse scène près de la fontaine : trop possessif. Richard, au contraire, lui laisse cette liberté (67). Elle a longtemps gardé ce chagrin puis, un jour, à un concert, quelqu’un lui a dit qu’il avait épousé une jeune femme rencontrée sur un bateau qui l’emmenait en Inde.

Aux grilles du Parc, elle regarde passer l’omnibus de Piccadilly et les taxis en se demandant comment elle a réussi à vivre, armée des seuls rudiments que lui a inculqués Fraülein Daniels sa gouvernante (68). Son seul don est de  connaître les gens par une sorte d’instinct. « Elle se rappelait avoir un jour jeté un shilling dans la Serpentine. Mais des souvenirs, tout le monde en a. Ce qu’elle aimait, c’était ce qu’elle avait sous les yeux, ici et maintenant ». Elle se dirige vers Bond Street (69) puis s’arrête devant la vitrine de la librairie Hatchard’s au 187 de Piccadilly en songeant à une autre aube blanche à la campagne. Quel livre pourrait-elle apporter à Evelyn à la clinique ? Elle fait demi-tour et revient vers Bond Street (70). En attendant que l’agent de police ne la fasse traverser la rue, elle songe à ce qu’elle aurait été si elle avait pu refaire sa vie (71).

Elle remonte la rue où son père a acheté ses costumes pendant cinquante ans, s’arrête devant la boutique où l’on pouvait acheter, avant guerre, les meilleurs gants (si importants pour son vieil oncle William et indifférents à sa fille Elizabeth qui ne s’intéresse qu’à son chien Grizzle). Clarissa, en pensant à sa fille, s’inquiète de l’influence sur elle de Miss Kilman (72) cette femme pauvre qui porte toujours son horrible mackintosh vert et qui a été mise à la porte de son école pendant la guerre (73). Elle arrive à la porte de Mulberry’s le fleuriste et choisit les fleurs avec Miss Pym (74). Soudain, une détonation retentit dans la rue. (75).

 

La voiture et son prestigieux occupant (76 à 84)

Les passants ont eu le temps d’apercevoir un visage avant qu’une main n’abaisse le store. Du coup, les rumeurs vont bon train entre Bond Street et Oxford Street, s’agit-il du Premier Ministre, du Prince de Galles ou de la Reine ? Edgar J. Watkiss, le plombier s’en amuse, c’est « Le Char du Premier Ministre ». (76) Un autre passant s’inquiète de ce bruit, Septimus Warren Smith, la trentaine et le visage pâle. Tout le monde scrute l’automobile garée en face de la vitrine de Mulberry’s ; il y a un début d’embouteillage. Septimus se demande s’il n’est pas l’objet de toutes les attentions (77). Lucrezia, sa jeune femme italienne de vingt-quatre ans,  lui dit d’avancer. Depuis que Septimus lui a dit qu’il voulait se tuer, elle a envie d’appeler au secours. A l’automne, il y avait eu un incident près de la Tamise. (78) L’automobile  s’en va vers Piccadilly, emportant avec elle un souffle de vénération. Pour Clarissa qui sort de chez Mulberry’s avec ses fleurs, c’était sûrement la Reine. (79) La voiture est bloquée dans la rue par un embouteillage provoqué par un omnibus. De l’autre côté de Brook Street, Clarissa aperçoit le vieux juge Sir John Buckhurst pendant que le chauffeur demande à la police de dégager la circulation (80). Une légère ondulation se propage dans cette rue où s’est passé quelque chose pendant quelques secondes. Puis l’automobile traverse Piccadilly et tourne au coin de St James Street alors que derrière les fenêtres du White’s  Club des hommes sentent passer la grandeur et renaître leur sentiment patriotique. Les sentinelles de St James’s Palace saluent (82). Il y a un attroupement devant Buckingham’s Palace et la rumeur s’accumule dans les veines des passants en pensant qu’un personnage important pouvait les regarder. Le Prince qui vivait à St James’s Palace allait peut-être rendre visite à sa mère (83). C’est ce que se dit Sarah Blechtley avec son bébé sans quitter le Mall des yeux pendant qu’Emily Coates regarde les fenêtres du Palais (83). Le petit Mr  Bowley qui habite à l’hôtel Albany soulève son chapeau lorsque la voiture tourne dans le Mall.

 

L’avion (84 à 96)

Soudain, un vrombissement d’avion détourne leur attention. Tous essaient de lire les lettres que l’aéroplane forme dans le ciel avec sa fumée blanche alors que les cloches sonnent onze coups et que la voiture passe les grilles sans un regard de personne (85). Disparu un instant, l’avion réapparaît, continuant de percer les tympans des gens assemblés sur le Mall, dans Green Park, à Piccadilly, dans Regent’s Street ou dans Regent’s Park où Lucrezia est assise à côté de son mari et invite son mari à regarder le ciel (le Dr. Holmes lui a conseillé de faire en sorte qu’il s’intéresse à quelque chose). Septimus  s’imaginent qu’ils lui font des signaux ; des larmes coulent sur ses joues (86). Septimus ne veut pas devenir fou (87). Lucrezia n’en peut plus de rester avec lui, elle ne peut parler à personne ; elle va faire un tour du côté de la fontaine pendant qu’il reste seul sur son banc (88).  Elle a tellement maigri que son alliance ne tient plus. Elle se retrouve près de la fontaine (89). Elle a peur que Septimus ne disparaisse ; non il est encore là sur son banc, parlant tout haut : les arbres, un Dieu, un moineau (90), sa main, les morts, Evans derrière la grille, s’éloigner des gens… Ils vont s’asseoir sous un arbre. Lucrezia l’invite à regarder une troupe de jeunes garçons transportant des  piquets de cricket pour lui changer les idées (91).

Pendant ce temps, Maisie Johnson, dix-neuf ans, arrivée d’Edimbourg depuis deux jours pour s’installer chez son oncle dans Leadenhall Street, leur demande comment aller à la station de métro de Regent’s Park. Rezia la repousse de l’autre côté pour éviter qu’elle ne voie Septimus. Maisie trouve ce couple bizarre : peut-être sont-ils en train de se disputer (92) ? Elle traverse la Grande Allée regrettant d’être venue à Londres. Carrie Dempster qui vient souvent déjeuner dans le parc avec son fils Percy (93) pense à l’inexpérience de cette jeune fille qui passe. Sa vie non plus n’a pas été un lit de roses. Pendant que l’avion survole Greenwich et Saint Paul, Mrs Dempster se souvient des promenades en mer à Margate (94). A Greenwich, Mr Bentley médite sur le symbole que représente cet avion : sortir de son corps, sortir de chez lui grâce à la pensée. Au même moment, un homme hésite à entrer dans la cathédrale Saint-Paul  (95) pour déposer au pied de l’hôtel une sacoche bourrée de prospectus ; l’avion passe pour aller survoler Ludgate Circus. L’avion continue sa course dans le ciel, sans bruit, en traçant ses lettres de fumée.

 

II. DE RETOUR CHEZ CLARISSA DALLOWAY (96 à 122)

 

Clarissa, de retour chez elle, recoud sa robe et pense à Bourton (96 à 110)

« Qu’est-ce qu’ils regardent tous ? » dit Clarissa à la femme de chambre qui lui ouvre la porte. Mrs Walker, la cuisinière irlandaise,  sifflote dans la cuisine (96). Sur un bloc-notes, Clarissa lit un message : « Lady Bruton désire savoir si Mr. Dalloway viendrait déjeuner chez elle aujourd’hui ». Lucy lui confirme que son mari déjeunera dehors. Elle est choquée de ne pas être invitée (97) même si aucune jalousie vulgaire ne peut la séparer de Richard. « Mais elle craignait le TEMPS lui-même, et lisait dans le visage de Lady Bruton, comme un cadran solaire  taillé dans la pierre indifférente, l’amenuisement de la vie ; le fait qu’année après année, sa propre part s’amoindrissait ; que la marge qui restait n’était plus capable, comme dans les années de jeunesse, de s’étirer, d’absorber les couleurs, les sels, le ton de l’existence, de sorte que lorsqu’elle entrait dans une pièce, elle la remplissait, et que souvent, lorsqu’elle se tenait hésitante un instant sur le seuil du salon, elle ressentait un délicieux suspens tel que celui qui pourrait retenir un plongeur avant l’élan cependant que la mer s’assombrit et s’illumine au-dessous de lui, et que les vagues qui menacent de se briser, mais ne font que fendre en douceur leur surface, roulent, dissimulent et enveloppent, en se contentant de les retourner, les algues qu’elles teintent de couleur perle. » Elle pose le bloc-notes et se met à gravir l’escalier (98), s’arrête devant la fenêtre ouverte de l’escalier qui laisse pénétrer les bruits des stores qui claquent. Elle monte à l’étage, s’approche de la salle de bains, entre dans sa chambre mansardée et enlève son chapeau. Depuis sa maladie, Richard, qui siège tard à la Chambre, a exigé qu’on la laisse dormir (99). Elle sait ce qui lui manque : ce n’est ni la beauté, ni l’intelligence mais une certaine chaleur, pourtant elle ne pouvait pas résister au charme d’une femme qui venait lui raconter quelque escapade (100). Quand Richard rentre tard la nuit, elle entend le plancher qui craque et le juron qu’il lâche quand il échappe sa boule d’eau.

En rangeant son manteau, elle pense à Sally Seton : Où l’avait-elle vue pour la première fois ? Chez Les Mannings ou les Kinloch-Jones ? (101) On lui avait dit que ses parents ne s’entendaient pas. Elle n’avait pu la quitter des yeux. Cet été- là, elle était venue en visite à Bourton à l’improviste et sans un sou et avait fait prendre conscience à Clarissa de tout ce qu’elle ignorait, lors de longues discussions (102) qui déplaisaient fort à tante Helena. Influencée par Sally, Clarissa s’était mise à lire Platon, Morris, Shelley. La personnalité de Sally se ressentait même dans sa façon de faire les bouquets. Un jour où elle avait oublié une éponge, elle avait couru toute nue dans le couloir au grand désespoir d’Ellen Atkins, la vieille femme de chambre qui craignait qu’un de ces messieurs ne vienne à passer. Ce sentiment qu’elle éprouvait pour elle était pur (103) et désintéressé. A cette époque, Sally pouvait faire les choses les plus folles : faire le tour du parapet à bicyclette, fumer des cigares mais pour Clarissa elle avait un charme irrésistible. En enlevant son épingle à cheveux et en commençant à se coiffer, elle peine à retrouver l’écho de son émotion d’alors, celle d’Othello (104). Après le dîner, tante Helena s’éclipsait, son père lisait le journal. Peter et la vieille Miss Cummings étaient  peut-être là, Joseph Breitkopf, son répétiteur d’allemand jouait sûrement  du piano en chantant Brahms sans la moindre voix. Sally qui parlait avec le père de Clarissa, avaient soudain proposé de sortir. Passant devant une vasque de fleurs, Sally en avait cueilli une et avait embrassé Clarissa sur les lèvres. « C’était comme si le monde avait basculé la tête en bas ! » (105) Un instant seules, elles avaient été dérangées par Joseph et Peter qui était jaloux. Clarissa se moquait bien alors de savoir le nom des étoiles.

Pourtant, elle devait reconnaître qu’elle devait beaucoup à Peter (106), peut-être parce qu’il tenait à ce qu’elle ait une bonne opinion d’elle. Que penserait-il d’elle à son retour ? Qu’elle a vieilli ? Depuis sa maladie, ses cheveux ont blanchi. Elle entame tout juste sa cinquante-deuxième année. Elle dépose sa broche sur la table, se dirige vers sa table de toilette (107). Elle rassemble les parties disparates d’elle-même pour faire bonne figure et décroche de son placard sa robe verte. A l’Ambassade quelqu’un a marché sur sa jupe et l’a déchirée. Elle va la recoudre elle-même car les domestiques ont bien trop à faire (108). En faisant halte sur le palier, elle perçoit  l’humeur et les bruits de la maison : « Bizarre, se dit-elle, en faisant halte sur le palier… bizarre à quel point une maîtresse de maison perçoit exactement l’heure, l’humeur de sa maison ! ».

(Dans le salon, Lucy pose les chandeliers sur la cheminée, un coffret d’argent au milieu, un dauphin de cristal vers la pendule. Bientôt les invités seront là mais de tous, sa maîtresse est la plus belle. Voyez, dit-elle à ses vieux amis de la boulangerie à Carterham où elle a travaillé à ses débuts, elle est Lady Angela au service de la Princesse Mary, quand Mrs Dalloway entre.)

Clarissa félicite Lucy pour l’argenterie et lui demande comment elle a trouvé la pièce la veille au soir (109). Lucy répond qu’ils ont dû partir avant la fin pour être rentrés avant dix heures. Mrs Dalloway demande à Lucy d’enlever un vieux coussin et la femme de chambre lui propose de l’aider à recoudre sa robe. Clarissa répond qu’elle a bien assez de travail. Elle est reconnaissante envers ses domestiques de l’aider à être gentille. Elle commence à recoudre sa robe préférée, une des dernières faites par Sally Parker qui a pris sa retraite à Ealing (elle se promettait d’aller la voir mais n’avait jamais le temps) (110). La paix descend sur elle.

 

Visite inopinée de Peter Walsh (110 à 122)

Mais brusquement, on sonne à la porte et un homme écarte Lucy en montant l’escalier quatre à quatre. « Après cinq ans en Inde, Clarissa va me recevoir » (111) Qui peut oser la déranger à 11h du matin, le jour où elle donne une réception en entendant la main sur la porte. Elle fait mine de cacher sa robe. C’est Peter Walsh. Il a vieilli mais à l’air en forme ; il sort un couteau de sa poche et en  ouvre à moitié la lame. « C’est merveilleux de vous revoir ! » dit Clarissa. Il est arrivé à Londres la veille au soir et doit repartir tout de suite pour la campagne (112). Il demande des nouvelles de Richard et d’Elizabeth tout en se disant qu’il n’y a rien de pire pour les femmes que le mariage et la politique et le fait d’avoir un mari conservateur comme Richard. Clarissa répond que Richard est à une commission de la Chambre et demande la permission de continuer son ouvrage de couture pour que sa robe soit prête pour sa réception : « A laquelle je ne vous demanderai pas de venir, mon cher Peter ». Et pourquoi ne l’inviterait-elle pas à sa réception ? se demande-t-il  (113). Elle se rappelle combien il lui a été difficile de se décider à ne pas l’épouser et lui rappelle les stores qui claquaient à Bourton. Peter  ne s’entendait guère avec Justin Parry, un vieil homme au caractère chagrin. « C’est Herbert qui a Bourton » dit-elle « Je n’y vais plus jamais » (114). « Vous vous rappelez le lac ? » dit-elle plus tard pour rompre le malaise (115). Il répond oui mais a envie de lui dire d’arrêter, qu’il n’est pas vieux, tout juste la cinquantaine. Il se demande s’il doit lui parler mais elle est trop froide. A côté de Clarissa, Daisy a l’air ordinaire. Elle va le prendre pour un raté, ce qu’il est par rapport à cet intérieur. Il déteste le côté  bien pensant de tout ça. Lucy apporte l’argenterie. Réflexions mutuelles des deux amis l’un sur l’autre (116). Il faut toujours qu’il vous fasse sentir frivole et écervelée. Elle convoque à son tour les choses qu’elle aime et que Peter aujourd’hui ne connaît pas. « Et alors, qu’est-ce que vous devenez ? » Ces deux énergies se défient comme des chevaux avant la bataille. « Des foules de choses ! » (117) « Je suis amoureux … amoureux d’une jeune femme en Inde » Peter Walsh a six mois de plus que Clarissa mais une force indomptable lui donne un air juvénile. Elle lui demande de qui. « D’une femme mariée… la femme d’un major de l’Armée des Indes » (118). Daisy a deux jeunes enfants : un garçon et une fille et Peter est venu consulter ses avocats à propos du divorce. Clarissa pense que, toute sa vie,  Peter s’est fait avoir. D’abord en se faisant renvoyer d’Oxford, ensuite en épousant la fille qu’il avait rencontrée sur le bateau qui l’emmenait aux Indes et maintenant la femme d’un major de l’Armée des Indes.  Les avocats et les notaires, Messieurs Hooper & Grateley de Lincoln’s Inn, vont prendre les choses en main. Il se met à se rogner les ongles avec son couteau (119) ce qui agace Clarissa. Brusquement, Peter fond en larmes. Clarissa lui prend la main et l’embrasse puis tout se calme. Pour elle, tout est terminé maintenant (120) ; elle est seule dans sa tour et Richard déjeune avec Lady Bruton. Peter se lève, va à la fenêtre, lui tourne le dos, se passe nerveusement un grand mouchoir sur le visage et se mouche bruyamment. Clarissa se lève du sofa et va vers Peter qui médite sur le pouvoir intact de Clarissa à faire se lever la lune comme dans le ciel d’été à Bourton (121). Il lui demande si elle est heureuse mais déjà la porte s’ouvre. Big Ben sonne 11h30 : « Big Ben sonnant la demi-heure résonna entre eux avec une vigueur extraordinaire, comme si un jeune homme, solide, indifférent, sans-gêne, agitait des haltères en tous sens ». Peter salue les deux femmes et s’en va. Clarissa lui demande de ne pas oublier sa soirée.

 

III. PETER WALSH A REGENT’S PARK (11h30- 11h45) (122 à 145)

 

Peter Walsh se retrouve dans la rue (122 à 128)

Peter Walsh descend Victoria Street en se demandant pourquoi Clarissa organise ce genre de soirée (122). L’Inde entière s’étend derrière lui ; dans son district il a inventé un type de charrue et a commandé des brouettes. La façon dont Clarissa a dit « Voilà mon Elizabeth » l’a énervé (123). Il a honte à l’idée de s’être ridiculisé devant elle. « Comme un nuage passe devant le soleil, le silence tombe sur Londres ; et tombe sur l’esprit. Le calme règne. Le TEMPS claque contre le mât ». Il reste là à se dire que Clarissa l’a repoussé. Le son de l’église St Margaret confirme les 11h30 tapantes et glisse jusqu'au fond de son cœur comme Clarissa descendant les escaliers en blanc à l’heure sonnante (124). Il la revoit avec netteté comme si cette cloche était entrée dans la pièce des années plus tôt. Puis la cloche sonne le glas et il la voit tomber alors qu’il remonte Whitehall. Il n’est ni vieux ni desséché et se moque de ce que diront les Dalloway, les Whitbread et leur clique. Avançant à grands pas, il fusille du regard la statue du Duc de Cambridge. Il s’est fait renvoyer d’Oxford, il a été socialiste, un raté en un sens, c’est vrai mais l’avenir de la civilisation est entre les mains de jeunes hommes tels que ce qu’il était trente ans plus tôt (125).

Des soldats en uniforme marchent au pas cadencé dans Whitehall ; ils vont déposer une gerbe aux monuments aux morts de la guerre de 14-18 dans le Cénotaphe. Peter Walsh ne peut pas les suivre. Hommage aux grands hommes (Nelson, Gordon, Havelock) pendant que les jeunes gens avancent en direction du Strand. Et parce que personne ne sait encore qu’il est à Londres, il est soudain submergé par l’étrangeté de se trouver seul, inconnu à 11h30 du matin à Trafalgar Square. (127). Il est envahi par trois grandes émotions : l’amour des idées, l’amour de l’humanité et une exquise délectation. Il ne s’était jamais senti aussi jeune.

 

Une mystérieuse jeune femme (128 à 131)

Il se sent libre. En traversant Trafalgar Square en direction de Haymarket, il s’approche d’une jeune femme au moment où elle passe devant la statue de Gordon. Il lui emboîte le pas (128). Avec ses gants blancs, son œillet rouge et sa longue cape étroite, elle passe devant la boutique de Dent dans Cockspur Street. Quand elle s’arrête, il se prend à rêver : il l’aborderait, lui proposerait d’aller prendre une glace et elle accepterait (129). Mais d’autres passants s’interposent. Il se compare à un flibustier. Elle poursuit sa route, traverse Piccadilly, remonte Regent's Street, loin devant lui. Puis elle traverse Oxford Street, Great Portland Street et tourne dans une petite rue puis elle ouvre une porte et disparaît (130). Peter a conscience d’avoir inventé cette aventure comme on se fabrique les trois quarts de sa vie.

 

Il repart vers Regent’s Park (131 à 133)

Il fait alors demi-tour, se disant qu’il va chercher un endroit pour s’asseoir jusqu’à l’heure d’aller à Lincoln’s Inn chez  Messieurs Hooper & Grateley. Il décide de remonter la rue vers Regent’s Park. Il observe les gens dans la rue  (mais son coup de cœur est passé) par cette belle mâtinée (131). « Tout de même, à sa manière, c’était une réussite étonnante, ce Londres ; et cette saison ; et la civilisation ». Il chérit cette civilisation comme un bien personnel, lui qui vient d’une famille anglo-indienne qui depuis au moins trois générations administre un continent entier.

Il arrive à Regent’s Park  où enfant il s’est promené. Il songe que « les femmes vivent beaucoup plus que nous dans le passé », qu’elles s’attachent davantage aux lieux et à leur père. Lui, n’a jamais pu s’entendre avec celui de Clarissa ; un soir, ils ont eu une vraie dispute (132). Il se rappelle bien Regent’s Park, la grande allée, un petit pavillon à gauche où on achetait des ballons. Il cherche un banc pour s’asseoir ; il choisit celui où est déjà installée une nourrice avec un bébé dans son landau. Il repense à Elizabeth qui, selon lui ne doit pas avoir plus de dix-huit ans et ne doit pas bien s’entendre avec sa mère. Il commence un cigare et s’endort (133).

 

Le rêve d’un voyageur solitaire et souvenirs de sa rupture avec Clarissa (134 à 145)

Pendant que Peter Walsh ronfle, la nourrice en gris reprend son tricot. Rêveries : « telles sont les visions qui s’offrent au voyageur solitaire » avançant dans l’allée forestière jusqu’à rencontrer une vieille femme qui cherche son fils perdu puis entrant dans une maison  où la patronne enlève une nappe et enferme de la marmelade dans un buffet (134-135).

Il se réveille en sursaut avec au bord des lèvres la phrase : « La mort de l’âme » (136). Les mots se rattachent à une certaine scène, à un certain lieu, à un certain passé dont il vient de rêver.

C’était à Bourton, le fameux été du début des années quatre-vingt-dix où il avait été si passionnément amoureux de Clarissa. On parlait, après le thé, dans une pièce enfumée,  d’un hobereau des environs qui avait épousé sa femme de chambre et l’avait amenée en visite à Bourton. Ca s’était mal passé. Clarissa s’était moqué de cette femme trop habillée et Sally Seton avait jeté un froid en disant qu’avant ce mariage il y avait eu un bébé. Le visage de Clarissa s’était contracté (137). Il ne lui en avait pas voulu de sa réaction de jeune fille ignorante mais il avait dit d’instinct : « La mort de l’âme…. La mort de son âme à elle ». Il revoyait Sally comme une enfant prise en faute, Sally l’audacieuse, la meilleure amie de Clarissa que le vieux Parry détestait autant que Peter ; Clarissa s’était levée et en ouvrant la porte, elle avait laissé entrer Rob, le grand chien sur lequel elle s’était jetée avec des transports d’affection, histoire de prouver qu’elle avait du cœur et comme se justifier spontanément (138). Mais Peter voyait clair dans son jeu. Tout lui semblant soudainement vain, il était parti seul voir les dépendances, les écuries, regarder les chevaux. Il y avait un vieux cocher et une vieille nourrice (Doudou ou Nounou ?). La soirée fut affreuse. Il était d’humeur de plus en plus maussade et ne pouvait même pas s’expliquer avec elle (139). Il était redescendu dîner assez tard. Il s’était assis à côté de tante Helena et puis au milieu du dîner il s’obligea à regarder pour la première fois en direction de Clarissa. Elle parlait à un jeune homme blond, assez emprunté, à sa droite. Il eut une brusque illumination : « Elle épousera ce type ». C’était cet après-midi-là que Clarissa l’avait appelé « Wickham » parce qu’elle avait compris son nom de travers ; elle l’avait présenté à tout le monde sous ce nom. A la fin, il avait dit : « Je m’appelle Dalloway ». Il avait toujours des illuminations à cette époque. Celle-ci (le fait que Clarissa épouserait Dalloway) était aveuglante (140). Plus tard, elle avait essayé de présenter Peter à quelqu’un comme si elle le voyait pour la première fois, « la parfaite hôtesse » avait-il dit ce qui l’avait hérissée. Il était en enfer. Puis les gens partirent faire du bateau sur un lac au clair de lune (141).Il restait seul mais Clarissa revint le chercher. Ce fut vingt minutes de bonheur parfait. Elle les fit débarquer pour explorer l’île. « Et pendant tout ce TEMPS, il en était parfaitement conscient, Dalloway était en train de tomber amoureux d’elle, et elle était en train de tomber amoureuse de Dalloway ». Puis, en un éclair ce fut terminé. Dalloway ramena  le bateau à la rame. Ils firent les trente kilomètres de retour en bicyclette (142).  Ses exigences vis-à-vis de Clarissa (il s’en rend compte maintenant) étaient ridicules. Il faisait des scènes insupportables. Tout l’été, Sally lui écrivit de longues lettres pour lui dire qu’elle avait plaidé sa cause auprès de Clarissa. Ce fut un été extraordinaire. Il arrivait tôt le matin à Bourton. La scène terrible avait eu lieu à trois heures de l’après-midi par une journée de forte chaleur. Sally avait plaisanté avec « Je m’appelle Dalloway » et Clarissa s’était fâché : « Ca suffit avec cette plaisanterie stupide ». Ce fut comme si elle avait dit : « Avec vous, je me distrais, voilà tout ; avec Richard Dalloway, j’ai une véritable entente » (143). Peter n’en avait pas dormi pendant des nuits. Il fit remettre à Clarissa par Sally un mot lui demandant de le retrouver près de la fontaine à trois heures. (« Curieux comment les choses se fixent dans la mémoire ! »). Il exigea qu’elle lui dise la vérité ; ils furent dérangés par le passage du vieux Breitkopf. « Et quand, après qu’il eut parlé des heures, ce qui lui parut des heures, avec ses joues qui ruisselaient de larmes, elle finit par lui dire : « Ça ne sert à rien. Ça ne sert à rien. C’est fini. ». Elle lui tourna le dos, elle le quitta, elle s’en alla (144). Il repartit le soir. Il ne la revit jamais.

Retour à Regent’s Park. Très peu de choses ont changé depuis son enfance. Tout à coup, la petite Elise Mitchell lâche les cailloux qu’elle vient de ramasser sur les genoux de sa nurse et file se jeter dans les jambes d’une dame, Lucrezia Warren Smith. Ce qui fait rire Peter.

 

IV. LES WARREN SMITH ET PETER WALSH A REGENT’S PARK (145 à 169)

 

Septimus et Rezia attendent l’heure du rendez-vous chez Sir William Bradshaw (145 à 153)

Au moment où la petite fille se jette sur elle, Lucrezia pense à sa souffrance. Elle l’aide à se relever (145) voit que la nurse la console et que le monsieur à l’air gentil lui prête sa montre pour qu’elle s’amuse à l’ouvrir. Mais pourquoi doit-elle souffrir ? Il faut qu’elle aille retrouver Septimus car c’est presque l’heure de son rendez-vous avec Sir William Bradshaw alors qu’il parle à Evans qui s’est fait tuer à la guerre (146). Il dit qu’il entend parler derrière les murs de sa chambre. Mrs Filmer trouve cela étrange. Il voit aussi des choses : la tête d’une vieille femme au milieu d’une fougère. Pourtant, ils ont été heureux. Ils étaient allés à Hampton Court sur l’impériale d’un omnibus et puis tout d’un coup, alors qu’ils se trouvaient au bord de la Tamise,  il avait dit : « Maintenant, nous allons nous tuer ». A son retour, il s’était montré calme. Souvent, il discutait de l’éventualité de se tuer tous les gens. De retour à la maison, il s’était allongé sur le sofa (147). Il voyait des visages sortir du mur qui l’appelaient de toutes sortes de noms affreux. Il s’était mis à parler tout seul. Elle est maintenant près de lui, elle le voit regarder le ciel. Pourquoi, lorsqu’elle était assise près de lui, la regardait-il d’un air soupçonneux : elle a enlevé son alliance parce qu’elle a trop maigri.

Les délires de Septimus : il doit être libre, lui Septimus, le seigneur des hommes pour apprendre la vérité, pour apprendre le sens qui va être révélé… au Premier Ministre : les arbres sont vivants, l’amour, le crime n’existe pas. Il essaie d’écrire tout cela quand un chien vient renifler son pantalon et se transforme en homme. Comment peut-on voir à travers les corps ? (149) Il s’appuie sur le dossier de sa chaise avant de servir à nouveau d’interprète à l’humanité. Il gît sur le dos du monde ; des fleurs rouges poussent et traversent sa peau et de la musique commence à battre contre les rochers. Un jeune berger fait entendre sa plainte au-dessus de la circulation. Septimus, quant à lui, reste penché sur son rocher. (150).  Il se sent approcher du bord de la vie. Quelque chose d’extraordinaire va se produire. Il fait un effort et voit Regent’s Park autour de lui, de longues raies de lumière rampant à ses pieds. Nous accueillons la beauté, semble dire le monde (151) « Il est TEMPS » dit Rezia. Le mot « TEMPS » brisa sa coque ; répandit sur lui ses richesses ; et ses lèvres tombèrent comme des coquillages ; comme les copeaux d’un rabot, sans qu’il ait à les former, des mots durs, blancs, impérissables, qui s’envolèrent pour aller s’attacher, chacun à sa place, au sein d’une ode au TEMPS, une ode immortelle adressée au TEMPS. » Il chante. Evans lui répond derrière l’arbre. Les morts sont en Thessalie, chante Evans, ils attendent que la guerre soit finie. Les branches s’écartent. Evans s’approche d’eux, sans aucune blessure (152). Rezia essaie de le faire se rasseoir. Il est 11h45.

 

Peter Walsh à Regent’s Park attend l’heure de son rendez-vous chez ses avocats. Il pense au passé (153 à 169)

En passant devant eux, Peter Walsh croit qu’ils se disputent. La jeune femme à l’air à bout. En rentrant en Angleterre au bout de cinq ans on ne se met à voir les choses comme si on ne les avait jamais vues (153). Après l’Inde, la civilisation. Cette sensibilité aux impressions, c’est ce qui l’a perdu. Il est sensible aux changements, à la mode. « Ces cinq années - de 1918  à 1923- il avait le sentiment qu’elles avaient beaucoup compté. Les gens étaient différents. Les journaux étaient différents » (154). Il y a plus de liberté comme Betty et Bertie qui flirtent ouvertement sans être fiancés sous les yeux de la vieille mère imperturbable. En tournant la Grande Allée, il pense à Sally Seton qui a épousé un homme riche et qui est allé vivre dans une maison près de Manchester où elle cultive des hortensias. Dans toute l’ancienne bande des amis de Clarissa, Sally était la plus attachante. Elle a vu clair dans le jeu de l’admirable Hugh Whitbread alors que tous étaient à ses pieds (155). Hugh était un gentil garçon qui avait le plus grand respect pour l’aristocratie. Un dimanche matin, à Bourton, Sally s’était disputé avec lui sur le droit des femmes en déclarant qu’il était ce qu’il y avait de plus odieux dans la bourgeoisie anglaise. Pour elle, il n’avait aucune personnalité, il n’était que le pur produit des public schools (156). Elle semblait lui en vouloir, en effet, il avait essayé de l’embrasser dans le fumoir. Un homme snob, obséquieux, suffisant. Il avait fini par épouser son Evelyn et obtenu un poste à la cour, il s’occupait des celliers du roi (157). Evelyn passait pour effacée puis soudain elle était capable d’une saillie inattendue. Ils habitent une grande maison alors que lui qui a deux ans de plus que Hugh en est à quémander un emploi : une place dans un ministère, un poste de répétiteur ou un emploi de bureau à cinq cents livres par mois car s’il épouse Daisy, il ne pourra pas s’en tirer à moins. Dalloway pourrait peut-être lui trouver quelque chose : un chic type, un peu obtus et limité qui fait tout de façon méticuleuse mais sans imagination (158). Il avait été formidable avec le chien de Clarissa quand il s’était pris dans un piège. Mais il disait des sottises sur la poésie et sur Shakespeare (159). Il se souvient des promenades dans le jardin avec Sally qui le suppliait de soustraire Clarissa à Dalloway ou à Whitbread. Mais Clarissa savait exactement ce qu’elle voulait et n’aurait jamais épousé Hugh. Elle avait de la présence et quand elle entrait quelque part, on ne voyait plus qu’elle. Non, il n’est plus amoureux d’elle après l’avoir vue ce matin en train de coudre (160). Ce qui est évident, c’est qu’elle est mondaine, qu’elle attache beaucoup d’importance aux questions de rang et de caste, à la tenue des gens dans le monde. Elle-même se tient toujours droite comme Lady Bexborough. Il y a beaucoup de Dalloway dans tout ça, ce sens de l’intérêt général (161). Alors qu’elle est deux fois plus intelligente que lui, elle passe son temps à le citer. Ces réceptions, c’est pour lui qu’elle les fait ; elle fait de son salon un lieu de rencontre. Elle a un vrai talent pour faire se rencontrer les gens. Bizarrement, c’est aussi l’un des êtres les plus sceptiques qu’il lui ait été donné de connaître (162). Sa théorie était que nous sommes une race condamnée et que nous devons faire le maximum pour alléger nos peines. Cette attitude lui était venue après la mort de Sylvia, sa sœur, tuée par  la chute d’un arbre sous ses yeux. Puis, elle en était venue à la conclusion que les dieux n’existaient pas et elle avait adopté la religion des athées, consistant à faire le bien pour l’amour du bien. Clarissa adore la vie, il n’y a chez elle aucune trace d’amertume ou de moralisme (163). Elle prend pratiquement plaisir à tout (ex d’une promenade à Hyde Park) ; elle a un sens aigu de la comédie humaine mais il faut des gens pour la faire ressortir au risque de se disperser. La dernière fois que Peter est revenu, Elizabeth allait encore au lycée  et ne faisait pas grand cas de l’attention de sa mère. Aujourd’hui, elle a sans doute fait son entrée dans le monde considérant Peter comme « une vieille boule » (164). L’avantage de vieillir, se dit-il en sortant de Regent’s Park est de mettre ses expériences en lumière.

A cinquante-trois ans, se dit-il en remettant son chapeau, on n’a presque plus besoin des gens. La vie seule suffit. Il est impossible qu’il en revienne à souffrir comme avant. Il lui arrive même de ne pas penser à Daisy. Est-il vraiment amoureux de Daisy ? Les choses sont bien plus agréables ; cette fois, c’est elle qui est amoureuse de lui. C’est peut-être pour cela qu’il a ressenti un soulagement extraordinaire quand le bateau a pris la mer (165). Il souhaitait se retrouver seul. A partir de cinquante ans, on ne veut plus de partenaires. Mais alors à quoi bon ces poussées d’émotion. Elle a dû le trouver idiot ce matin. Mais la jalousie survit à toutes les passions humaines. Dans sa dernière lettre, Daisy lui a dit qu’elle a rencontré le major Orde, exprès pour le rendre jaloux. Tout ce tintouin pour voir des avocats en Angleterre, ce n’est pas pour l’épouser, c’est pour éviter qu’elle épouse quelqu’un d’autre. (166). Clarissa est si froide.

Tout d’un coup, une voix l’interrompt. C’est une vieille femme allongée en face de la station de métro de Regent’s Park qui chante. «  Venue du fond des âges, de l’époque où les pavés étaient de l’herbe … , c’était une femme, car elle portait une jupe (167)… depuis toujours se tenait là à chanter l’amour qui dure depuis des millions d’années, elle chantait l’amour vainqueur et son amant mort depuis des siècles ». La vieille chanson effervescente, venue de temps immémoriaux s’écoule sur le trottoir et tout au long de Marylebore Street, descendant vers Euston. La vieille femme se rappelle comme elle s’était promenée en quelque immémorial mois de mai avec son amant (168) « Mais le passage du TEMPS avait brouillé  la clarté de ce joli mai-là » ; elle n’arrive plus à retrouver son visage. Peter Walsh lui donne une pièce au moment de monter dans un taxi.

 

V. HISTOIRE DE SEPTIMUS ET LUCREZIA (169 à 184)

 

La  vie de Septimus et sa rencontre avec Lucrezia (169 à175)

« Pauvre vieille » dit au même moment Rezia Warren Smith, en attendant de traverser (170). Où dort-elle la nuit ? Rezia et Septimus vont voir Sir William Bradshaw ; son nom leur inspire confiance. Ils traversent (171). A peine marchent-ils d’un pas plus hésitant, quoi de plus naturel pour un employé de bureau se retrouvant dans le West End comme si  Portland Place était un salon où ils se seraient introduits en dehors de la famille. Un employé de bureau avec des souliers jaunes, un homme entre deux eaux. Il était parti de chez lui, tout jeune encore en prenant sa petite sœur pour confidente, parce qu’il ne pensait pas qu’il y avait un avenir pour un poète à Stroud. Logeant derrière Euston Road à Londres, il avait changé de visage. Il était tombé amoureux de Miss Isabel Pole qui donnait des cours sur Shakespeare à Waterloo Road (172). Elle l’avait initié au théâtre et avait fait naître en lui une flamme sans chaleur. Il rêvait delle, lui écrivait des poèmes. Mr Brewer, chef de bureau chez  Sibley & Arrow-smith, commissaires-priseurs, courtiers et agents immobiliers prophétisait que d’ici dix ou quinze ans, Septimus lui succèderait dans le fauteuil de cuir du bureau du fond (173) lorsque la guerre éclata. Septimus fut un des premiers à s’engager. Il partit pour la France. Il fut promu et attira l’affection de son officier, Evans. On aurait dit deux chiens, jouant ensemble. Lorsqu’Evans fut tué, juste avant l’Armistice, en Italie (174), Septimus réagit modérément. Il n’avait pas encore trente ans ; son destin était de survivre. Lorsque survint la paix, il était à Milan, cantonné dans la maison d’un aubergiste. Il se fiança un soir avec Lucrezia, la plus jeune des filles.

 

Les premiers symptômes de la folie (175 à 179)

Maintenant que les morts étaient enterrés, il avait, surtout le soir, de foudroyants accès de panique. Il ne ressentait rien. Au milieu des femmes qui façonnaient des chapeaux, il ne ressentait rien. (175). Quand ils sortaient ensemble, Lucrezia examinait la façon dont les femmes étaient habillées et surtout leur chapeau. Mais lui n’appréciait rien. (176). Il pouvait raisonner, lire mais ressentir, non. Rezia voulait voir Londres. Au bureau où on était fier de lui, on lui promit de nouvelles responsabilités. Ils s’installèrent dans un bel appartement derrière Tottenham Court Road. Il ne goûte plus ses anciennes passions (177). Rezia, quant à elle garnissait des chapeaux pour les amies de Mrs Filmer, pâle comme un lis. Ils étaient mariés depuis cinq ans. Rezia voulait des enfants, un garçon comme Septimus. Ils allèrent à La tour de Londres et au Victoria  & Albert Museum. Mais on ne peut pas mettre des enfants au monde dans un monde tel que celui-ci (178). Dieu fasse qu’elle n’apprenne jamais que les hommes abandonnent ceux qui tombent : Brewer au bureau, Amelia qui distribuait des tasses de thé et les Bertie. Partout la brutalité. Et un jour à Tottenham Court Road, il y avait eu cette procession de fous. Allait-il devenir fou lui aussi ? (179) A l’heure du thé, Rezia lui annonça que la fille de Mrs Filmer attendait un bébé et elle, elle ne voulait pas vieillir sans avoir d’enfants. Elle pleura mais lui ne ressentait rien. Il capitula en laissant tomber sa tête dans ses mains.

 

Le Dr Holmes (180 à 184)

Rezia fit alors venir le Docteur Holmes. Pour lui, il n’avait besoin que de changer les idées. Il lui prescrit du bromure (180). Donc, il n’avait rien à part le péché pour lequel il était condamné à mort par la nature humaine : le fait de ne rien ressentir. Le Dr Holmes revint, il balaya tous les symptômes, conseilla à sa femme de lui donner une assiette de porridge au petit-déjeuner et ajoute : « la santé est entre vos mains. Passionnez-vous pour quelque chose ; trouvez un passe-temps » (181). Il ajoute que Rezia qu’elle avait un joli peigne. Quand le médecin revint, Septimus refusa de le voir. Il  parvint finalement à sa chambre et fit la morale à Septimus : il ne devait pas donner du souci à sa charmante petite épouse. « Bref, la nature humaine était à ses trousses, cette bête immonde au mufle injecté de sang. ». Holmes venait tous les jours. Il voulait fuir en Italie pour lui échapper (182). Pour Rezia, le Dr Holmes ne voulait que son bien. On l’abandonnait. La terre entière lui criait de se tuer mais comment s’y prendre ? Avec un couteau de table, avec le gaz ? C’est à ce moment-là qu’eut lieu la grande révélation. Evans lui parlait derrière un paravent. Agnes la petite bonne s’en était aperçue et avait prévenu Mrs Filmer (183). Rezia entra avec les roses qu’elle avait achetées « à Evans, des roses cueillies dans les champs de Grèce » ajouta Septimus. Rezia envoya chercher Holmes. Son mari était devenu fou. Il allait lui donner quelque chose pour le faire dormir et il leur conseilla d’aller à Harley Street (184).

 

VI. LE RENDEZ-VOUS CHEZ SIR WILLIAM BRADSHAW (12h à 13h30) (185 à 196)

 

La consultation (185 à 191)

Il est exactement midi : Clarissa Dalloway dépose sa robe sur son lit et les Warren Smith descendent Harley Street. Midi, c’est l’heure de leur rendez-vous. Devant la maison est garée l’automobile grise de Sir William Bradshaw. A l’intérieur, des couvertures de voyage pour tenir chaud à Lady Bradshaw pendant qu’elle attendait quand il allait à la campagne pour voir des patients (185). Elle n’avait plus grand chose à désirer (à part d’être un peu moins forte), sa vie sociale était bien remplie, leur fils était à Eton, elle faisait de la photographie. Quant à Sir William il avait conquis sa position par ses seules capacités ; il adorait son métier (186). A la seconde  où les Warren Smith entrent, il a la certitude que c’est un cas très grave : un cas de dépression nerveuse et physique caractérisée. Il leur pose des questions. Le Dr Holmes le voit depuis six semaines, il a prescrit du bromure, Septimus s’est distingué pendant la guerre (symptôme sérieux), on a bonne opinion de lui au bureau (187). « J’ai, j’ai… commis un crime » dit Septimus. Rezia essaie de nier. Sir William veut parler à Rezia en privé. Menaçait-il de se tuer ? Sir William lui prescrit alors du repos absolu dans une clinique à la campagne, loin d’elle. Son mari refusera d’y aller. Le médecin essaie de la rassurer. On s’occupera bien de lui ; il le verra une fois par semaine (188). Ils vont retrouver Septimus et Sir Wiliam parle du projet de l’envoyer dans une clinique (189). Septimus a l’impression que la nature humaine fond sur lui. Suite de l’entretien (190). Puis le médecin leur annonce qu’il prendra les dispositions et les avertira entre cinq heures et six heures du soir. Il prend congé d’eux.

 

Les sentiments de Rezia et les principes de Sir William (191à 196)

Rezia a l’impression qu’on les a laissés tomber. Pour Sir William qui consacrait trois quarts d’heures à chacun de ses patients, la santé se résumait au sens de la mesure (191). Par ce sens de la mesure, sir William prospérait personnellement et faisait prospérer l’Angleterre, en mettant les fous à l’écart ce qui lui attirait le respect de ses collègues et la gratitude de ses patients. Mais la mesure a une sœur, moins souriante, plus redoutable (192) : la Conversion qui se nourrit de la volonté des faibles. Il y a quinze ans, Lady Bradshaw avait sombré ; pas de scène, pas d’éclat, rien que le lent affaissement de sa volonté (193). Les dîners à Harley Street se passaient bien. A peine y avait-il au fur et à mesure que la soirée un ennui, un malaise, une nervosité qui indiquait que la pauvre hôtesse mentait.  Dans son cabinet gris, les malades assistaient au jeu de Sir William pour prouver qu’il était maître de ses actes (194). Certains s’effondraient, d’autres le traitaient de charlatan ou remettaient en cause la vie. Il leur manquait le sens de la mesure. Lui-même en était un champion déclaré. Il défendait la police et le bien de la société. Il enfermait les gens (195).

Dans Harley Street, Rezia se dit qu’elle n’aime pas cet homme.

« Laminant et tranchant, divisant et subdivisant, les horloges de Harley Street, grignotaient peu à peu la journée de juin, recommandaient la soumission, soutenaient l’autorité, et montraient en chœur les avantages du sens de la mesure, jusqu’à ce que le monticule de TEMPS ait à ce point diminué qu’une horloge-enseigne suspendue au-dessus d’un magasin d’Oxford Street puisse annoncer, avec une gentillesse toute fraternelle, comme si c’était un plaisir pour Messieurs Rigby & Lowndes de fournir ce renseignement gratuitement, qu’il était une heure et demie. »

 

VII. RICHARD DALLOWAY CHEZ LADY BRUTON, PUIS CHEZ LUI (de 13h30 à 15h) (196 à 223)

 

Le déjeuner chez Lady Bruton (196 à  208)

Devant la vitrine de Rigby & Lowndes, Hugh Whitbread rumine comme à son habitude. Il n’allait jamais en profondeur, se contentant d’effleurer les choses. Les mauvaises langues affirmait qu’il montait la garde à Buckingham’s Palace (196). Il a la réputation d’être loyal en amitié et on ne peut porter à son crédit qu’une ou deux modestes réformes (l’amélioration des abris urbains et la protection des chouettes du Norfolk). Il y avait souvent sa signature dans les lettres adressées au Times pour réclamer des améliorations. Il a fière allure en regardant les chaussettes et les chaussures dans la vitrine. Impeccable, il connaît tous les usages. Par exemple, il ne serait jamais allé chez Lady Bruton sans lui apporter un bouquet d’œillets, ni sans demander à Miss Brush, la secrétaire de Lady Bruton, comment allait son frère en Afrique du Sud  (197) (qui vivotait plutôt mal à Portsmouth). Lady Bruton préférait Richard Dalloway qui arrive tout de suite après. Elle n’oublie pas la bonté de Hugh. A  soixante-deux ans, elle ne cherche pas à disséquer les gens comme Clarissa. Les femmes de chambre s’agitent autour du repas (198). Familiarité de Hugh qui choque Miss Brush et fait rire Lady Bruton. Richard s’interroge sur l’ascendance de Lady Bruton (199). Il aurait volontiers servi sous ses ordres. Lady Bruton demande des nouvelles de Clarissa. Elle a la réputation de préférer la politique aux gens, d’avoir été mêlé à une intrigue dans les années 1880. Dans un coin de son salon, il y a une photographie et la plume du général Sir Talbot Moore qui avait rédigé un télégramme  (200) ordonnant aux troupes britanniques de se poster en avant, Lady Bruton était là ce jour-là. Si bien que quand elle demandait des nouvelles des femmes, celles-ci avaient du mal à la croire tout en la reconnaissant comme une des leurs. Hugh Whitbread signale qu’il a rencontrée Clarissa dans le parc, le matin-même (201). Subitement, Lady Bruton les informe que Peter Walsh est en ville. Ils sourient en se rappelant que Peter avait été amoureux et rejeté et qu’il était parti en Inde. Richard a de l’affection pour Peter comme le remarque Milly Brush. A quarante ans, Milly Brush est totalement dévouée à Lady Bruton (202). Ils sont flattés par le retour de Peter mais reconnaissent qu’ils ne peuvent rien pour lui. Ils devinent qu’il a des problèmes avec une femme (203) ; Perkins, le factotum qui est au service de Lady Bruton depuis trente ans dans sa maison de Brook Street note une adresse pour Hugh Whitbread. Lady Bruton commence à s’impatienter de la lenteur de Hugh qui a grossi puis elle leur expose son idée : faire émigrer des jeunes gens des deux sexes nés de parents respectables et les installer au Canada avec de bonnes chances de réussite (204). Pour cela, il fallait qu’elle écrive au Times et pour cela elle avait besoin du talent d’écriture d’Hugh Whitbread et des conseils de Richard Dalloway (205). Elle laisse Hugh finir son soufflé et Miss Brush apporte les documents. Hugh sort son stylo en argent et commence à écrire, lentement pendant que Richard se moque de ses précautions oratoires (206). Hugh lit le brouillon à Lady Bruton qui le remercie. Richard qui a l’intention d’écrire l’histoire de la famille de Lady Bruton va faire un tour du côté du portrait du général (207). Au moment de partir, alors que Hugh fait une faveur à Miss Brush, Richard demande à Lady Bruton si elle viendra à leur réception. Peut-être ou peut-être pas, les réceptions la terrifient.

 

Lady Bruton seule, Richard avec Hugh (208 à 212)

Puis elle monte dans sa chambre et s’allonge sur le sofa. A moitié endormie, elle revoit les champs dans le Devonshire où jadis, sur son poney Patty, elle sautait les ruisseaux en compagnie de Mortimer et tom ses frères. Il ne fallait pas se faire attraper quand elle rentrait de ses escapades, la robe en piteux état (208). Mais non, on est mercredi, à Brook Street. Ces précieux amis ont affronté la chaleur pour venir la voir. Elle est une femme d’influence. Elle referme sur ses mains un bâton de commandement imaginaire, commandant des bataillons en marche pendant que ces amis traversent Mayfair. Peu à peu, ses amis s’éloignent d’elle. Elle s’endort (209).

Au même moment, Richard et Hugh hésitent au coin de Conduit Street. Ils regardent une vitrine. Des rafales de vent soufflent. Richard pense au vent du Norfolk et aux faneurs qui faisaient la sieste. Hugh regarde un collier espagnol dont il veut demander le prix (210). Il entre dans la boutique. Richard n’a pas envie d’entrer ; il oublie Lady Bruton, l’émigration au Canada, la lettre au Times, saisi par l’inanité de la vie. Heureusement, il a son Elizabeth. Pendant que Hugh exige de voir Mr Dubonnet qui connaît par cœur les goûts et le tour du cou de sa femme (211), Richard pense à Clarissa à qui il ne fait jamais de cadeaux (le dernier bracelet acheté deux ou trois ans plus tôt  n’avait pas eu beaucoup de succès) ; il pense à lui offrir quelque chose mais il n’est pas très sûr. Hugh lui, en tant que client de la maison depuis trente-cinq ans, se fâche.

 

Richard pressé de rentrer chez lui ; Clarissa est préoccupée (212 à 216)

Au bout d’une heure, pressé de revoir sa femme, Hugh prend congé de Hugh et tourne au coin de Conduit Street (212). Il veut arriver avec quelque chose dans les mains et achète un gros bouquet de roses rouges et blanches. Il s’arrête au croisement (213), hésite à traverser Piccadilly (en faisant la liste des griefs contre la police de la circulation) puis Green Park, en observant les familles avec leurs enfants,  pour aller dire à sa femme qu’il l’aime (214). Il croise une pauvre femme allongée sur un coude ; il lui sourit en la dépassant. Il avait été jaloux de Peter, jadis mais elle lui avait dit qu’elle avait bien fait de ne pas l’épouser. Il considère le symbole de dignité et de continuité que représentent Buckingham Palace (215) et le monument à la mémoire de la Reine Victoria. Il entre dans Dean’s Yard. Big Ben commence à sonner.

Dans son salon, Clarissa est agacée par une lettre de Mrs Marsham qui veut qu’elle invite Ellie Henderson. « Pourquoi se sentirait-elle obligée d’inviter toutes les gourdes de Londres à ses soirées ? » De quoi se mêle Mrs Marsham ? Elle est aussi préoccupée par autre chose : Elizabeth est enfermée à dire des prières avec Doris Kilman (216). Il est déjà trois heures !

 

Richard et Clarissa (217 à 223)

Richard arrive avec un bouquet de fleurs à la main mais il n’arrive pas à lui dire qu’il l’aime. Elle met les fleurs dans un vase et parle du déjeuner chez Lady Bruton, de Peter à Londres, de Mrs Marsham et d’Ellie Henderson, de Miss Kilman. Richard s’assoit pour parler avec elle (217). Richard parle d’Hugh, de la lettre au Times écrite pour Millicent Bruton. Clarissa revient sur le sujet de Miss Kilman. Richard lui tient la main (218). Suite de la conversation. Richard doit repartir à la Chambre pour une commission sur le sort des Arméniens ou des Albanais mais avant il veut dormir une heure (219). Il suit à la lettre les prescriptions de son médecin. Pour Clarissa, ces roses ont plus d’importance que les Arméniens ou les Albanais mais pourquoi se sent-elle soudain si malheureuse ? (220) Parce qu’il n’a pas compris pourquoi elle ne voulait pas inviter Ellie Henderson ? Parce que Sally Seton le considérait comme un esprit de second ordre ? A cause d’Elizabeth et de Doris Kilman ? Non, à cause de ses soirées. Maintenant qu’elle a trouvé, elle se sent heureuse. Peter pense qu’elle est snob, Richard que cette excitation n’est pas bonne pour son cœur. Ils ont tort tous les deux. Ce qu’elle aime, c’est tout simplement la vie. Allongée sur son sofa elle imagine Peter lui reprocher ces soirées. Qui était-il pour la critiquer, lui qui tombait sans arrêt amoureux. Y a-t-il quelqu’un pour la comprendre ? Son but est de faire se rencontrer les gens (222), ce qu’elle appelle  son offrande, son plaisir d’offrir, son seul don. La porte s’ouvre, Elizabeth entre sans faire de bruit. Avec son air oriental, elle ne ressemble en rien aux Dalloway. A dix-sept ans, elle a un esprit très sérieux (223).

 

VIII. ELIZABETH DALLOWAY ET DORIS KILMAN (de 15h à la fin de l’après-midi) (223 à  246).

 

Le cas Doris Kilman (223 à  230)

De l’autre côté de la porte, Clarissa le sait bien, Miss Kilman ne perd pas une miette de ce qui se dit. A quarante ans, elle est pauvre. Mr Dalloway sait se montrer généreux mais sa femme est condescendante Peu gracieuse et pauvre, elle n’avait jamais été heureuse et puis, au moment où elle aurait pu avoir sa chance à l’école de Miss Dolby, il y avait eu la guerre (224). On l’avait renvoyée à cause de ses origines allemandes (Kiehlman). Mr Dalloway l’avait rencontrée alors qu’elle travaillait pour les Quakers. Il lui avait permis de donner des cours d’histoire  à sa fille. Et puis, il y a deux ans et trois mois, elle avait entendu le sermon du Révérend Edward Whitaker et maintenant elle n’enviait plus Mrs Dalloway. (225) Dieu lui avait montré la voie.  Elle regarde Mrs Dalloway qui sort de la chambre avec Elizabeth. La jeune fille monte en courant chercher ses gants. Miss Kilman aurait voulu soumettre l’âme de Mrs Dalloway (226) qui, de son côté, était scandalisée que cette femme lui ait pris sa fille. Miss Kilman et Elizabeth partent pour  Army & Navy Stores dans Victoria Street (227). A voir rapetisser le monstre, Clarissa se met à rire.

Elle leur dit au revoir puis, alors qu’elles sont encore dans l’escalier, elle leur crie de ne pas oublier la soirée mais Elizabeth n’entend déjà plus. Clarissa se livre à quelques réflexions ironiques sur « l’amour et la religion ». Elle ne cherche pas à convertir les gens ; elle les prend comme ils sont. Par la fenêtre elle regarde la vieille dame d’en face qui rentre péniblement chez elle (228). L’amour est aussi destructeur comme en témoigne Peter Walsh. Big Ben sonne 15h30 alors que Clarissa continue d’observer la vieille dame dans son appartement (229). Ni Miss Kilman avec ses prières ni Peter avec sa passion n’ont résolu le mystère de la vie. Une autre horloge sonne deux minutes après Big Ben (230).

 

Doris Kilman et Elisabeth  au magasin des Army & Navy  Stores (231 à 237)

Miss Kilman se tient immobile dans la rue. Clarissa l’a insultée, réveillant ainsi les tourments de la chair. Elle a failli fondre en larmes. Elle s’efforce de penser à autre chose qu’à la boîte aux lettres (231). Elle a de la rancune contre le monde entier, ce monde qui lui a infligé l’affront de ce corps ingrat qui l’a empêché de connaître l’amour. Personne ne sait combien elle souffre « La connaissance vient par la souffrance, avait dit Whitaker ».  Elle a dépassé la boîte aux lettres et Elizabeth est entrée au rayon des tabacs des Army & Navy Stores (232). Miss Kilman veut aller au rayon des jupons ; elle en choisit un. Elizabeth lui demande si elle a faim et un enfant prend précisément le gâteau qu’elle aurait voulu. La conversation qu’elles ont eue mardi matin après la leçon sur la réserve de bonheur (233). Elle avait emmené Elizabeth voir son pasteur à Kensington et lui avait prêté des livres. Un jour, Mrs Dalloway avait donné à Miss Kilman des fleurs venant de Bourton mais entre elles deux, ça n’allait pas du tout. Elizabeth est impressionnée par Miss Kilman qui ne ressemble à personne de sa connaissance : son grand-père était marchand de couleurs à Kensington, elle la trouve intelligente (234). Miss Kilman reprend du thé pendant qu’Elizabeth cherche ses gants. Elle a envie de partir. Elles parlent de la réception ; Miss Kilman attrape le dernier éclair au chocolat (235). Pour empêcher Elizabeth, Miss Kilman affirme qu’elle ne va jamais aux soirées. Parce que personne ne l’invite. Elle se reproche ce propos égocentrique et se rassure en se disant qu’elle a fait son chemin dans la vie. Elizabeth est pressée de partir (236) et entraîne Miss Kilman  puis elle s’en va.

 

Miss Kilman à l’abbaye de Westminster ; Elizabeth s’offre une escapade (237 à246)

Miss Kilman ressent sa défaite. Quelqu’un la rattrape pour lui rendre son jupon et elle se perd dans les rayons puis finit par émerger dans la rue (237). La tour de Westminster se dresse devant elle ; elle se dirige vers l’Abbaye et s’assoit à côté des fidèles et des passants, Mr Fletcher, Mrs Gorham (238). Elle prie. Mr Fletcher est à la fois attristé et impressionné  par l’allure de cette femme.

Elizabeth, elle, attend l’omnibus de Victoria  Street (239). Avec ses jolis yeux, elle devenait charmante et les hommes commençaient à s’intéresser à elle mais elle n’en faisait pas de cas et cela ajoutait à son charme. Elle prend un omnibus au hasard et monte sur l’impériale ; elle doit se retenir à la barre pour ne pas tomber (240). Le bus file vers Whitehall. Elle se sent libre. Le fait qu’elle parlait sans arrêt de ses souffrances rendait Miss Kilman difficile à supporter. Pour un penny de plus, elle décide d’aller jusqu’au Strand (241). Elle songe au métier qu’elle pourrait faire : médecin, fermière ou député. Elle arrive à  Somerset House puis descend à Chancery Lane. Toute l’activité de ce quartier la confirme dans son désir de devenir médecin ou infirmière, elle qui est plutôt paresseuse (242). Mais il vaut mieux ne pas en parler, se dit-elle. Elle réalise qu’elle doit rentrer. Devant elle s’ouvre Fleet  Street. Elle fait quelques pas en direction de St Paul ; elle n’ose pas s’aventurer dans les venelles. Les Dalloway ne viennent pas souvent dans le Strand (243). Avançant vers St Paul, elle entend des trompettes d’une manifestation de chômeurs,  une  musique militaire qui rythme leurs pas, une musique consolante. (244). Sa mère n’aimerait pas la voir toute seule dans les rues. Elle fait demi-tour et redescend le   Strand. Un souffle de vent vient recouvrir le soleil d’un voile noir. Les perspectives changent (245). Calmement, elle monte dans l’omnibus de Westminster.

 

IX. LE SUICIDE DE SEPTIMUS WARREN SMITH (fin d’après-midi jusqu’à 18h) (246 à 261)

 

Un dernier moment de bonheur : le chapeau de Mrs Peters (246 à 258)

Allongé sur le sofa de son salon, Septimus Warren Smith interprète ses variations de lumière comme autant de signes. Son cœur lui dit de ne plus craindre, sûr que la Nature signale sa volonté de révéler sa signification.  Rezia occupée avec son chapeau pour la fille de Mrs Filmer, n’aime pas le voir sourire comme ça (246). Ce n’est pas être mariée que de supporter ça, d’écrire sous la dictée toutes ces pages qui sont dans le tiroir. Ces derniers temps, persuadé d’avoir découvert la vérité, il se mettait  dans un état d’excitation extrême. Evans, disait-il, chantait derrière le paravent. Un jour, ils ont surpris la fille qui fait le ménage en train de lire ces pages en se tordant de rire. Septimus s’est répandu en lamentations sur la cruauté des hommes (247). Il a inventé des histoires à propos de Holmes qu’il surnommait « la nature humaine »  et qui représente pour lui quelque chose d’horrible. Et puis, il y a ses visions de noyade, de musique, de chute au milieu des flammes (248). Septimus a oublié comment s’appelle la fille de Mrs Filmer. Mrs Peters, dit Rezia. Elle ne l’aime pas beaucoup mais fait ce chapeau pour faire plaisir à Mrs Filmer. L’autre jour, elle a trouvé Mrs Peters en train de faire marcher le gramophone. Septimus vérifie que les choses sont à leur place pour être sûr qu’elles existent (le gramophone, l’assiette de bananes, la gravure de la Reine Victoria et du Prince, le dessus de la cheminée avec le vase de roses) (249).  Mr Peters voyage pour le compte de son entreprise ; il est à Hull. Septimus se rassure en voyant Rezia coudre devant lui et en répétant tous leurs propos (« Mrs Peters a une langue de vipère ») (250). Septimus remarque que le chapeau est trop petit et plaisante : c’est un chapeau pour singe joueur d’orgue de barbarie. Il y a bien longtemps qu’ils n’ont pas ri ensemble comme ça. Avec une rose sur le côté, la pauvre femme ressemble à un cochon de foire ! Il se met à fouiller dans sa boîte à ouvrages et à assortir les couleurs. Rezia regarde par-dessus son épaule (251) puis se met à coudre et lui montre le résultat. Septimus est content et demande à Rezia de l’essayer. Elle court devant la glace pour se regarder mais on frappe à la porte (252). Elle arrache le chapeau. C’est la petite fille de Mrs Filmer qui apporte le journal du soir. Rezia l’embrasse et lui donne des bonbons. Septimus se met à lire le journal puis s’assoupit. On le perd. Rezia a raccompagné la petite chez elle (253). Septimus, seul sur le sofa du salon de Mrs Filmer a de nouveau des visions. Il appelle Evans. Rezia revient avec une lettre : les projets ont changé, Mrs Filmer ne pourra pas aller à Brighton, il est trop tard pour prévenir Mrs Williams. Et puis, elle constate que l’aiguille du chapeau est cassée. Elle est sûre que Septimus est heureux maintenant. Elle se souvient de la première fois qu’elle l’a vu avec ses amis anglais, ils étaient en train de jouer aux dominos. Il comprenait toujours tout. Il avait voulu qu’elle lise Shakespeare (255). Elle attend qu’il lui dise s’il aime le chapeau mais son esprit vagabonde. Leur conversation les ramène vers Sir William Bradshaw et Holmes. Il demande les pages qu’elle a écrites pour lui (256) et il lui demande de tout brûler. Rezia les attache avec un ruban de soie (257). Elle s’assoit à ses côtés puis se lève pour aller dans la chambre préparer leurs affaires mais elle entend des voix en bas. Elle descend en courant pour l’empêcher de monter.

 

L’arrivée fatale du Dr Holmes et le suicide de Septimus (258 à 261)

Septimus l’entend parler avec Holmes. Elle refuse qu’il voie son mari (258). Il monte l’escalier. Septimus songe à en finir : le couteau de Mrs Filmer ? Le gaz ? Il ne reste plus que la fenêtre. Il se jette sur les grilles de la courette de Mrs Filmer. « Le lâche ! » crie le Dr Holmes. Mrs Filmer s’occupe de masquer la vue de Rezia et l’emmène dans sa chambre (259). Cavalcades dans l’escalier. Holmes annonce à Rezia que son mari est « horriblement mutilé ». Pourquoi a-t-il fait cela ? Rezia avale un breuvage sucré et alors que l’horloge sonne six heures, elle s’endort en croyant voir un drapeau (c’est le tablier de Mrs Filmer) comme à Venise et elle rêve à un rivage au bord de la mer (260). Dans ce demi-sommeil, elle demande à Mrs Filmer s’il est mort. Elle la rassure. Le Dr Holmes demande qu’on la laisse dormir.

 

X. LE DÎNER DE PETER WALSH (de 18h au début de soirée) (261 à 281)

 

Les pensées de Peter Walsh qui rentre à son hôtel (261 à 272)

Peter Walsh entend le bruit d’une ambulance filant droit vers l’hôpital en transportant quelqu’un (261). Il admire cette mobilisation de la société et le respect que tous manifestent à l’égard de ce véhicule, signes de la civilisation. L’ambulance tourne au coin de la rue puis traverse Tottenham Court Road. Cette sensibilité aura été sa perte.  Il se tient près de la boîte aux lettres devant le British Museum (262). Il se souvient de Clarissa sur l’impériale d’un omnibus qui remontait Shaftesbury Avenue, ramenant du Caledonian Market des sacs pleins de trésors (263)  et expliquant qu’elle se sentait présente partout et que pour se connaître, il fallait trouver les gens qui se complètent. Cela finissait par une théorie transcendantale selon laquelle la partie invisible de nous pourrait bien survivre pour aller s’attacher à une autre personne. Si l’on considérait leur amitié de trente ans, sa théorie tenait le coup (264). Elle a eu plus d’influence sur lui que qui que ce soit d’autre. Il revoit toutes ces choses qui se sont passées à Bourton. Arrivé à son hôtel de Bloomsbury, il prend sa clef au tableau. Une jeune femme lui tend quelques lettres. Il revoit Clarissa à Bourton, à la fin de l’été au sommet d’une colline ou dans un bois faisant bouillir de l’eau (265) qu’ils avaient demandée à une vieille femme. Ils allaient toujours à pied en discutant de poésie, de politique pour déboucher à Bourton à la nuit tombante. Et puis le matin, elle allait et venait comme une bergeronnette. Il y a une lettre d’elle : « C’avait été divin de le voir. Il fallait qu’elle le lui dise » (266). Mais ça ne lui fait pas plaisir. Est-ce qu’elle ne peut pas laisser tranquille ? Considérations sur l’hôtel. Il réfléchit que pour qu’il puisse recevoir cette lettre à six heures du soir il a fallu qu’elle l’ait écrite immédiatement après son départ. Elle avait été émue par sa visite (267). Elle s’est peut-être rappelée  ce qu’il avait dit, que si elle l’épousait, à eux deux ils changeraient le monde. Peter Walsh délace ses chaussures. Mais leur mariage n’aurait pas marché. Ce qui plaisait aux femmes chez lui (268), c’est peut-être qu’il aimait les livres ou que c’était un gentleman ou sa façon d’être avec elles, pas comme le Major Simmons s’il en croyait Daisy. Il retire ses chaussures, vide ses poches : avec son couteau de poche apparaît une photo de Daisy avec son fox-terrier (269). Elle était prête à tout lui donner. Il s’est fourré dans un drôle de pétrin à son âge. Pour Miss Burgess, ce voyage en Angleterre de Peter (officiellement pour consulter ses avocats) pourrait donner à Daisy l’occasion de réfléchir à tout ça : elle pourrait se retrouver veuve, tourner mal bien qu’il n’ait pas l’intention de mourir. Il défroisse sa chemise de soirée car il a l’intention d’aller à la réception de Clarissa ou alors au spectacle (270). Il réfléchit à ce qu’il fera quand il prendra sa retraite (la Bodleian Library à Oxford) tout en faisant sa toilette. Il vaudrait peut-être mieux que Daisy l’oublie ou qu’elle se souvienne de lui comme il était au mois d’août 1922. Il devient distrait. (271) Caractère et projets de Peter Walsh qui continue de se préparer. Il est temps d’aller dîner (272).

 

Le dîner et la discussion avec les Morris (273 à 275)

Les clients de l’hôtel en train de dîner. Mr Walsh entre et va s’asseoir à une petite table, près du rideau. Son attitude lui vaut le respect  (273) des Morris quand à la fin du repas il demande « des poires Bartlett ». Il retrouve le vieux et le jeune Charles Morris, Mrs Morris et Miss Elaine au fumoir et ils engagent la conversation (sur les encombrements de Londres, l’exposition florale de Westminster, les études d’Elaine pour entrer dans l’entreprise familiale, la bourse du fils pour l’université de Leeds, les autres enfants à la maison, leurs deux automobiles… mais Mr Morris ressemelle lui-même des chaussures le dimanche) (274). Ils se trouvent mutuellement fantastiques. Les Morris s’en vont ; il décide d’aller à la soirée de Clarissa pour demander à Richard ce qu’ils font en Inde et d’autres choses (théâtre, musique, potins). Il  s’assoit sur le perron de l’hôtel où on a disposé des fauteuils à cause de la vague de chaleur (275).

 

Chaude soirée d’été (276 à 281)

La journée se mue en soirée ; le jour se prolonge sous l’effet de l’heure d’été (276) Peter se sent plus jeune que jamais, enviant aux jeunes gens leur saison d’été. Il pense aux fleurs de tante Helena qu’il croit morte et qui  avait perdu un œil. Il achète le journal (277) et lit les nouvelles (le cricket, la chaleur, une histoire de meurtre. Le poids de son expérience. Il reprend son chapeau et son manteau et s’en va. Il veut faire l’expérience de la beauté (278). Il avance, les mains derrière le dos, en direction de Westminster. C’est à se demander si tout le monde dîne dehors, partout on voit des portes ouvertes. (279) Il fait si chaud que les gens restent dans la rue à bavarder : là un juge à la retraite, ici une bagarre de poissardes, plus loin un policeman. Et puis la rue de Clarissa. Il faut maintenant que le corps se concentre au moment d’entrer dans la maison (280). Il ouvre la lame de son couteau.

 

XI. LA RECEPTION DE CLARISSA DALLOWAY, « HÔTESSE EXQUISE » (début de soirée jusqu’à 3h du matin) (281 à 321).

 

Les premiers invités (281 à 290)

Lucy fait une dernière inspection du salon pour voir si tout est prêt. Elle va se retirer maintenant que les gens ont fini de dîner et qu’ils vont monter. Le Premier Ministre doit venir, dit Agnes mais pour Mrs Walker au milieu de tous ses préparatifs ça ne change rien (281). Les dames sont en train de monter, suivie de Mrs Dalloway qui remercie Mrs Walker (bien que le saumon n’ait pas été assez cuit). Du salon, monte un éclat de rire, ce sont les messieurs qui se distraient maintenant que les dames ne sont plus là : Mr Dalloway a réclamé le tokay. Lucy fait des compliments à Elizabeth sur sa beauté. Celle-ci se tracasse pour son chien qui a été enfermé parce qu’il mord. Elle veut que Jenny s’en occupe (282). Le premier invité vient d’arriver et les autres vont suivre. Mrs Parkinson, engagée en extra, laissera la porte ouverte ; le hall sera plein de messieurs pendant que les dames enlèvent leurs manteaux dans la pièce donnant sur le couloir, aidées par la vieille Ellen Barnet qui est dans la famille depuis quarante ans et qui se souvient des mères quand elles étaient jeunes filles. Mrs Barnet a une attention particulière pour Lady Lovejoy et Miss Alice. Elle se souvient d’elle quand elles venaient à Bourton (283). Mr Wilkins (lui aussi engagé en extra) annonce les autres invités : Sir John et Lady Needham, Miss Weld, Mr Walsh. « Quelle joie de vous voir ! » répète Clarissa à chacun avec un peu d’hypocrisie. Elle a peur que sa soirée soit un fiasco cependant que Lord Lexham excuse l’absence de sa femme qui a pris froid à la garden-party de Buckingham. Du coin de l’œil, elle aperçoit  Peter qui la juge (284). C’est fou que Peter la mette dans cet état ! Elle envie la  tendre complicité des Lexham.  Le rideau bouge ; dans son coin Ellie Henderson se demande s’il y a des courants d’air (285). Elle pense aux jeunes filles aux épaules nues car elle pense toujours aux autres comme le lui a appris son père, ancien pasteur à Bourton, aujourd’hui décédé. A la cinquantaine,  sans moyens, son rayon commence à décliner ; l ‘invitation à la soirée lui est parvenue à la dernière minute. D’ailleurs pourquoi l’inviter ? (286) Elle est cousine avec Clarissa mais la vie les a séparées. Elle croit reconnaître Elizabeth et constate que les jeunes filles d’aujourd’hui ne s’habillent plus comme avant. Elle en parlera à Edith. Ellen Henderson, myope, n’a personne à qui parler mais elle préfère regarder. Richard vient la saluer (287). Mais déjà Peter Walsh entraîne Richard qu’Ellie ne reconnaît pas. Clarissa voit Ralph Lyon rabattre le rideau. Elle est rassurée sur le succès de sa soirée. Mr Wilkins énumère les invités : Le Colonel et Mrs Garrod, Mr Hugh Whitbread, Mr Bowley, Mrs Hilbery, Lady Mary Maddox, Mr Quin. Elle échange un mot avec chacun (288). A chaque fois qu’elle donne une soirée, elle a l’impression d’être autre chose qu’elle-même.  Mrs Mount et Celia, Herbert Ainsty, Mrs Dakers et… Lady Bruton arrivent à leur  tour. Et Lady Rosseter ? Qui ?  A sa voix, Clarissa reconnaît Sally Seton (289).Elles s’étreignent. De passage à Londres, elle a appris la nouvelle par Clara Haydon et a décidé de débarquer sans invitation. Elle se tienne par la main. Sally lui dit qu’elle a cinq immenses gaillards. Ce narcissisme naïf enchante Clarissa. Mais hélas, Wilkins la réclame.

 

Un invité de marque : le Premier Ministre (290 à 294)

Le Premier Ministre arrive. Ellie Henderson est toute excitée (290). L’air ordinaire du Premier Ministre. Il fait le tour des invités avec Clarissa et Richard puis il se retire dans un petit salon avec Lady Bruton. La rumeur de sa présence se répand. Peter ironise sur le snobisme des anglais puis il voit Hugh : il a blanchi et grossi. Il donne toujours l’impression d’être en service commandé et de se prendre au sérieux (291). Le style de Hugh. Un jeune homme sortant d’Oxford ou de Cambridge se tient à proximité. Hugh aime soutenir les vieilles dames ; Peter, lui, est sans pitié (292). Le Premier Ministre et Lady Bruton ressortent du salon (une femme du XVIIIe siècle). Clarissa escorte le Premier Ministre à travers le salon dans sa robe vert argenté. Son écharpe se prend dans la robe d’une autre femme. Ineffable dignité et cordialité exquise de la maîtresse de maison (293) qui prend congé du Premier Ministre. Elle ressent la griserie du moment en présence de tous ses amis et invités mais aussi un sentiment de vide.

 

Suite de la soirée (293 à 304)

En voyant descendre le Premier Ministre, elle voit devant elle son ennemie, Miss Kilman. Elle la hait. Plus que d’amis, c’est d’ennemis qu’elle avait besoin : pas de Mrs Durrant et Clara, ni de Sir William et Lady (294) Bradshaw, de Miss Truelock, d’Eleanor Gibson, mais de Miss Kilman. Elle salue Sir Harry qui a commis plus de mauvais tableaux que les autres Académiciens  de St John’s Wood. Willie Titcomb, Sir Harry et Herbert Ainsty sont en train de rire d’histoires de spectacles de variétés qu’ils ne peuvent raconter à Clarissa. Sir Harry la taquine sur sa soirée. La vieille Miss Hilbery, créature évanescente, s’approche en entendant les rires (295). Miss Hilbery ressemble tellement à sa mère que Clarissa verse de vraies larmes puis se retire pour saluer le professeur  Brierly en train de se disputer avec le petit Jim Hutton au sujet de Milton (296). Pour désamorcer la querelle, Clarissa leur parle de Bach. Jim Hutton estime beaucoup Mrs Dalloway et elle envisage un temps de l’installer au piano ; mais il y a trop de bruit. Le professeur s’éclipse. Jim se promet d’imiter le professeur à son retour à Hampstead. Puis elle se dirige vers Lord Gayton et Nancy Blow. Installés près du rideau, ils sont très discrets ; Clarissa les apprécie beaucoup. Clarissa dit qu’elle aurait voulu pouvoir danser (298) mais il y a trop de monde. Mais à nouveau elle doit les quitter pour rejoindre sa tante Helena. A plus de quatre-vingts ans, elle est toujours là. On l’a installée dans un fauteuil et elle parle avec des gens qui ont connu la Birmanie aux alentours de 1870, l’Inde ou Ceylan ou de sa passion pour les orchidées (299). Clarissa invite Peter à parler avec elle  (300) ; la vieille tante finit par se souvenir de lui. Clarissa, elle, est déjà en train de remercier Lady Bruton pour le déjeuner de son mari ; Richard lui a été d’un grand secours, répond-elle en retour. Pendant que Peter Walsh se rapproche d’elles, Lady Bruton se dit que Richard aurait dû épouser une femme avec moins de charme mais plus utile pour sa carrière (il serait Ministre aujourd’hui). Elle salue Peter. Avec lui et Miss Parry, elle discute de la situation de l’Inde (301). Elle se propose de lui faire rencontrer Sir Sampson et lui propose son soutien, elle qui a toujours les intérêts de l’Empire à l’esprit (302). Lady Bosseter (alias Sally Seton) observe Lady Bruton, Peter Walsh et Miss Parry et se souvient de ses frasques à Bourton. Elle attrape Clarissa par le bras mais celle-ci n’a pas le temps. Elle laisse Sally avec Peter. Sally a changé depuis cette époque où elle se promenait nue dans les couloirs, où elle avait volé un poulet dans le garde-manger, où elle fumait des cigares dans sa chambre. Tout le monde l’adorait sauf le père de Clarissa (303). Elle avait accusé Hugh Whitbread, celui-ci qui est, en ce moment, en train de parler avec l’Ambassadeur du Portugal, de l’avoir embrassée dans le fumoir pour la punir de sa position sur le droit de vote des femmes. Et elle avait épousé ce propriétaire de filatures de coton à Manchester ! Peter et Sally parlent du passé : le jardin, les arbres, le vieux Breitkopf, le papier peint du salon.

 

Les Bradshaw et l’histoire du jeune homme qui s’et tué (304 à 308)

Mais Clarissa doit aller saluer les Bradshaw qu’elle n’aime pas (304). Ils sont en retard. Sir William parle projet de loi avec Richard. Clarissa se dit qu’elle n’aimerait pas avoir affaire à lui en tant que médecin. Elle demande à Lady Bradshaw des nouvelles de son fils à Eton. Il n’a pas pu entrer dans l’équipe de cricket. Un jour, Clarissa avait accompagnée quelqu’un à une consultation chez Bradshaw (305) et elle avait été soulagée de ressortir. Richard ne l’appréciait pas beaucoup non plus. Tous deux parlent des effets différés de la psychose traumatique de la guerre des tranchées. En baissant la voix, Lady Bradshaw confie à Clarissa qu’avant de partir, son mari a été appelé au téléphone pour  l’histoire d’un jeune homme qui s’est tué. Clarissa poursuit son chemin jusqu’au salon qui a accueilli le Premier Ministre. Il n’y a plus personne (306). Elle repense aux propos de Lady Bradshaw. De quoi se mêlent-ils ? Parler de la mort au milieu de cette soirée. Le jeune homme s’était jeté par la fenêtre et s’était empalé sur les pintes rouillées. Clarissa n’a jeté qu’une seule fois un shilling dans la serpentine, mais lui a joué son va-tout. La mort est un effort pour communiquer (307). Une fois, elle s’était dit qu’en finir serait le bonheur suprême. Elle s’imagine que peut-être le jeune homme a voulu résister à l’empire de Bradshaw. Elle pense à la terreur, à l’impuissance qui nous accable. Si elle n’avait pas Richard pour se blottir… mais le jeune homme, lui, s’est tué. C’est un peu son échec à elle (308).

 

Clarissa, Peter, Sally, Richard, Elizabeth (309 à 321)

Elle se souvient de Bourton. Elle va à la fenêtre pour observer la vieille dame : celle-ci la regarde dans les yeux. Puis elle va se coucher (309). L’horloge sonne trois heures du matin. Le jeune homme s’est tué et la vieille dame a maintenant éteint sa lumière. Elle se sent proche de ce jeune inconnu, contente qu’il ait accompli son geste. Il faut qu’elle aille rejoindre Sally et Peter. Pendant ce temps, ceux-ci se demandent où elle est passée. Ils imaginent qu’elle a des obligations avec des gens importants ; et pourtant Richard ne fait pas partie du gouvernement. Souvenirs communs de Sally et Peter… au milieu des choux fleurs, cette affreuse nuit près de la fontaine où il devait prendre le train de minuit, la scène ridicule à propos de « Wickham » (311).  Depuis, elle n’a revu Clarissa qu’une demi-douzaine de fois et Peter est parti en Inde d’où il n’a pas écrit. Sally parle de Rosseter son mari (312). A l’époque, Sally n’avait pas un sou. Aujourd’hui, Mr Parry était mort. Par contre, Peter a été surpris de revoir la tante. Ils parlent d’Elizabeth qui ne ressemble pas à sa mère. Sally Seton reconnaît qu’elle doit beaucoup à Clarissa (313) L’après-midi même, elle est allée à Eton voir ses fils qui ont les oreillons. Elle se demande comment Clarissa a pu épouser ce chasseur qui ne s’intéresse qu’à ses chiens. Hugh Whitbread passe. Sally pense qu’il ne va pas les reconnaître. Peter se moque de lui et évoque le baiser du fumoir. Elle lui demande s’il a des enfants. Non (314). Sally pense que Peter est un être à part ; elle l’invite à Manchester. Les Dalloway ne sont jamais venus. Clarissa est snob. Sally et sa passion des plantes, Sally venue sans invitation. Il se fait tard. Mrs Hilbery cherche la porte. Beaucoup de gens sont déjà partis (316). Peter ne reconnaît pas la dame qui se tient près du rideau. Sally lui dit que c’est Ellie Henderson, une cousine de Clarissa. Clarissa a le cœur pur, dit Sally. Ils se demandent pourquoi elle ne vient pas leur parler (317). Peter reconnaît que ses relations avec Clarissa n’ont pas été faciles. Sally est sûre que Clarissa avait eu un sentiment plus fort pour lui que pour Richard. Peter trouve qu’elle va trop loin tout en se demandant à qui parle Richard. Sally dit qu’elle est heureuse mais ne sait pas ce qu’il en est pour les autres (318). Elle préfère souvent ses plantes aux humains. Peter lui, préfère les gens. Il parle d’Elizabeth. Peter trouve que les deux personnes qui parlent avec Richard ont l’air de charlatans. Avant de partir, sir William Bradshaw regarde une gravure. Peter a cinquante-deux ans, Sally cinquante-cinq mais elle se sent jeune (319). Elle n’a pas perdu le pouvoir de ressentir. Peter voudrait lui parler de Daisy. Sally voit Elizabeth s’approcher de son père et devine qu’ils sont très proches ; Elizabeth qui est en train de parler à Willie Titcomb a senti son regard sur elle. Elle va le retrouver maintenant que la soirée tire à sa fin. Même Ellie Henderson s’en va, se promettant de tout raconter à Edith. Sally trouve que Richard s’est amélioré. Mais qu’est-ce qui peut bien remplir Peter  de ce sentiment d’exaltation ? C’est Clarissa. Justement, elle est là.

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commentaires

G
Waw! Un beau travail qui decrit tres bien l’histoire !
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A
ce commentaire est excellent , a travers celui ci on ressent bien , l'aspect du livre et tout le thème du "temps vécu " c'est un réel plaisir
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