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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 17:42

Résumé et recueil de citations sur le thème de « l’enfance »

établis par Bernard Martial, professeur de lettres en CPGE

Edition GF n°1428 : (références des pages entre parenthèses)

Edition GF n°1632 : [références des pages entre crochets]

 

« Tous ces exemples et cent mille autres prouvent, ce me semble, que l’inaptitude qu’on suppose aux enfants pour nos exercices est imaginaire, et que, si on ne les voit point réussir dans quelques-uns, c’est qu’on ne les y a jamais exercés. »

On me dira que je tombe ici, par rapport au corps, dans le défaut de la culture prématurée que je blâme dans les enfants par rapport à l’esprit. La différence est très grande ; car l’un de ces progrès (celui de l’esprit) n’est qu’apparent, mais l’autre (celui des corps) est réel. D’ailleurs tout ceci n’est qu’un jeu [294] (211) dont on peut faire un objet d’instruction sans aucune urgence ni contrainte.

La vue et le toucher s’appliquent également sur les corps en repos ou en mouvement. Il n’y a qu’un corps en mouvement qui émette un son. La nuit, il importe d’avoir l’oreille alerte pour savoir quel corps se déplace. Si dans une plaine ou dans une vallée on met l’oreille à terre, on peut entendre la voix des hommes et le pas des chevaux.

On peut faire la même expérience en comparant la vue à l’ouïe (le boulet qui arrive en même temps que le bruit alors qu’on a vu le feu avant) [295]. « Faites en sorte que l’enfant connaisse toutes ces expériences ; qu’il fasse celles qui sont à sa portée, et qu’il trouve les autres par induction, (212) mais j’aime cent fois mieux qu’il les ignore que s’il faut que vous les lui disiez. »

La voix est l’organe qui répond à l’ouïe, nous n’avons pas l’équivalent qui réponde à la vue. Raison de plus pour cultiver le premier sens, en exerçant l’organe actif et l’organe passif l’un par l’autre.

L’homme a trois sortes de voix : la voix parlante, la voix chantante, et la voix pathétique, qui sert de langage aux passions, et qui anime le chant et la parole. L’enfant a ces trois sortes de voix comme l’homme, sans les savoir allier de même ; il a comme nous le rire et les plaintes, mais il ne sait pas en mêler les inflexions aux deux autres voix. Les enfants sont incapables de cette musique qui réunit au mieux les trois voix, et leur chant n’a jamais d’âme. Dans la voix parlante, leur langage n’a point d’accent et il y a peu d’énergie dans leur voix. Notre élève aura le parler le plus simple sans passions. Ne lui apprenez pas [296] à déclamer des choses et des sentiments qu’il ne connaît pas.

« Apprenez-lui à parler uniment, clairement, à bien articuler, à prononcer exactement et sans affectation, à connaître et à suivre l’accent grammatical et la prosodie, à donner toujours assez de voix pour être entendu, mais à n’en donner jamais plus qu’il ne faut ; défaut ordinaire aux enfants élevés dans les collèges : en toute chose rien de superflu. »

Dans le chant, rendez sa voix juste et son oreille sensible mais rien de plus. Mais je ne veux pas qu’il chante des paroles, sinon je lui ferais des paroles adaptées. (213)

On pense bien qu’« étant si peu pressé de lui apprendre à lire l’écriture, je ne le serai pas non plus de lui apprendre à lire la musique. » Ne surchargeons pas son esprit de conventions même si la méconnaissance des notes empêche de retranscrire les idées d’autrui contrairement à la parole. [297]

Mais, premièrement, au lieu de les lire on peut les ouïr, et un chant se rend à l’oreille encore plus fidèlement qu’à l’œil. De plus, pour bien savoir la musique, il ne suffit pas de la rendre, il la faut composer, et l’un doit s’apprendre avec l’autre, sans quoi l’on ne la sait jamais bien. Exercez votre musicien à faire des phrases régulières et à les relier entre elles. Choisissez des chants simples et des mélodies chantantes accompagnées au clavecin.

Pour mieux marquer les sons, on les articule en les prononçant ; de là l’usage de solfier avec certaines syllabes. [298]. Pour distinguer ces degrés, il faut les nommer (214) … [bases du système de notation musicale de Rousseau des années 1740]. [299] …

Mais c’en est trop sur la musique : enseignez-la comme vous voudrez, pourvu qu’elle ne soit jamais qu’un amusement.

Nous voilà bien avertis de l’état des corps étrangers par rapport au nôtre. (215) Nous sommes instruits de ceux qu’il convient d’approcher ou d’éloigner ; mais ce n’est pas assez ; notre [300] propre corps s’épuise sans cesse, il a besoin d’être sans cesse renouvelé. Tous les aliments ne sont pas tous convenables pour l’homme.

Nous mourrions affamés ou empoisonnés s’il fallait attendre des nourritures qui nous conviennent. Mais la nature nous apprend ce qui est bon à notre estomac et il n’y a pas de meilleur médecin que notre appétit.

De plus, l’Auteur des choses ne pourvoit pas seulement à nos besoins mais aussi à nos désirs ; et c’est pour nous mettre toujours le désir à côté du besoin, qu’il fait que nos goûts changent et s’altèrent avec nos manières de [301] vivre. Plus nous nous éloignons de l’état de nature, plus nous perdons de nos goûts naturels ; ou plutôt l’habitude nous fait une seconde nature que nous substituons tellement à la première, que nul d’entre nous ne connaît plus celle-ci.

Il s’ensuit que les goûts les plus naturels doivent être aussi les plus simples. L’homme qui n’est encore d’aucun pays se fera sans peine aux usages de quelques pays que ce soit ; mais l’homme d’un pays ne devient plus celui d’un autre. (216)

Ceci est vrai dans tous les sens et plus encre en ce qui concerne les goûts. Liste d’aliments et évolution du goût [302]. Les goûts les plus simples sont les plus universels. « Conservons à l’enfant son goût primitif le plus qu’il est possible ; que sa nourriture soit commune et simple. »

Je n’examine pas ici si cette manière de vivre est la plus saine. Il me suffit de savoir que c’est la plus conforme à la nature et celle qui peut le plus aisément se plier à tout autre. Pourquoi la nourriture d’un enfant devrait-elle être la même que celle de l’adulte qu’il deviendra. Ils n’ont pas la même vie et les mêmes besoins. [303] (217). Considérations sur la cuisine française.

De nos sensations diverses, le goût donne celles qui généralement nous affectent le plus. Mille choses sont indifférentes au toucher, à l’ouïe, à la vue ; mais il n’y a presque rien d’indifférent au goût.

L’activité de ce sens est toute matérielle et physique ; il est le seul que ne dit rien à l’imagination, du moins celui dans les sensations duquel elle entre le moins ; au lieu que l’imitation et l’imagination mêlent souvent du moral à l’impression de tous les autres. Les cœurs tendres et les caractères sensibles, faciles à émouvoir par les autres sens, sont assez tièdes sur celui-ci. [304] Le moyen le plus convenable pour gouverner les enfants est de les mener par la bouche. Le mobile de la gourmandise est surtout préférable à celui de la vanité en ce que le premier est un appétit de la nature alors que le second est l’ouvrage de l’opinion. « La gourmandise est la passion de l’enfance » Cette passion disparaît facilement. Quand il sera grand d’autres sentiments l’occuperont. Il y a des gens cependant (218) qui continuent à de conduire comme de grands enfants vis-à-vis de la nourriture. « La gourmandise est le vice [305] des cœurs qui n’ont point d’étoffe ». L’âme d’un gourmand est toute dans son palais ; il n’est fait que pour manger.

« Craindre que la gourmandise ne s’enracine dans un enfant capable de quelque chose est une précaution de petit esprit ». Dans l’enfance on ne songe qu’à ce qu’on mange ; dans l’adolescence on n’y songe plus. Je ne voudrais pourtant pas qu’on fasse un usage aussi bas d’une telle action. Mais je ne vois pas pourquoi, toute l’enfance n’étant ou ne devant être que jeux et folâtres amusements, des exercices purement corporels n’auraient pas un prix matériel et sensible (exemples du jeune Majorquin et du jeune Spartiate). [306] Un bon repas est parfois l’effet des soins qu’on a mis pour se le procurer. Le gâteau d’Émile.  (219).

Ceci ne contredit point les maximes que j’avançais tout à l’heure sur la simplicité des mets, car, pour flatter l’appétit des enfants, il ne s’agit pas d’exciter leur sensualité, mais seulement de la satisfaire. Pour satisfaire leur appétit continuel, il faut leur donner des fruits, du laitage et quelques pièces de four dispensés sobrement.

Une preuve que le goût de la viande n’est pas naturel à l’homme est l’indifférence des enfants pour ce mets-là et préfèrent les nourritures végétales. Il importe toutefois de ne pas en faire des carnassiers ; les mangeurs de viande sont en général cruels et féroces [307] (exemples des Anglais, des sauvages, des Cyclopes).

Longue citation de l’historien antique Plutarque, extraite de ses Traités sur les animaux dans laquelle il condamne vigoureusement les penchants carnassiers de l’homme et le meurtre des animaux : [308] Pythagore s’abstenait de la manger de la chair des bêtes. Comment l’homme peut-il supporter un meurtre ? Quelle horreur dût-il ressentir la première fois qu’il surmonta la nature pour faire cet horrible repas ! Les premiers hommes avaient des excuses, la terre ne produisait rien [309] (221). Mais la terre donna ensuite largement de quoi nourrir les hommes. [310] Les bêtes féroces tuent pour vivre mais nous nous attaquons aux plus innocentes. « Ô meurtrier contre la nature ! » au moins tue les animaux de tes propres mains sans armes… (222). Tu commences par tuer l’animal puis tu le manges comme pour le faire mourir deux fois. [311]

Quoique ce texte soit étranger à mon sujet, je n’ai pas résisté à la tentation de le transcrire.

« Au reste, quelque sorte de régime que vous donniez aux enfants, pourvu que vous ne les accoutumiez qu’à des mets communs et simples, laissez-les manger, courir et jouer tant qu’il leur plaît ; puis soyez sûrs qu’ils ne mangeront jamais trop et n’auront point d’indigestions ; mais si vous les affamez la moitié du temps, et qu’ils trouvent le moyen d’échapper à votre vigilance, ils se dédommageront de toute leur force, ils mangeront jusqu’à regorger, jusqu’à crever. » Notre appétit n’est démesuré que parce que nous voulons lui donner d’autres règles que celles de la nature. J’en reviens toujours à mes exemples. Chez les paysans, la huche et le fruitier sont toujours ouverts, et les enfants, non plus que les hommes, n’y savent ce que c’est qu’indigestions.

S’il arrivait pourtant qu’un enfant mangeât trop, je connais des moyens de le distraire de cette occupation, comme le firent les Lydiens au moment de la disette (223) [312]. Un savant me dira peut-être qu’un enfant ne quitte pas volontiers son dîner pour aller étudier. Je ne pensais pas à cet amusement-là.

Le sens de l’odorat est au goût ce que celui de la vue est au toucher ; il l’avertit de ce qu’il doit chercher ou fuir. Les sauvages avaient l’odorat beaucoup plus développé que le nôtre. Les odeurs sont des sensations faibles qui ébranlent plus l’imagination que le sens. Mais les goûts (et l’appréciation des odeurs afférentes) des uns et des autres sont très différents ; [313] (exemple du Tartare).

Des gens pressés ne seront pas sensibles au parfum des fleurs ; un affamé ne le sera pas non plus des parfums qui n’annoncent rien à manger.

L’odorat est le sens de l’imagination ; il agit beaucoup sur le cerveau (224). Il a des effets connus dans l’amour.

L’odorat ne doit pas être fort actif dès les premiers âges où l’imagination n’est guère susceptible d’émotion ; et ce sens est presque hébété chez les enfants. Ils ne lui associent pas un sentiment de plaisir ou de peine. [314] Les femmes s’affectent plus vivement des odeurs que les hommes.

Les sauvages du Canada ont rendu leur odorat si subtil qu’ils se passent de leurs chiens à la chasse. Je ne vois pas l’intérêt de perfectionner l’odorat au même point chez l’enfant si ce n’est pour leur faire connaître ses rapports avec celui du goût. La nature a pris soin d’associer ces deux sens de sorte que nous ne goûtons rien sans flairer. Je voudrais seulement qu’on n’altérât pas ces rapports naturels pour tromper un enfant, en couvrant, par exemple, d’un aromate agréable le déboire d’une médecine ; car la discorde des deux sens est trop grande alors pour (225) pouvoir l’abuser ; [315] on risque alors de gâter les deux sens.

Il me reste à parler de la culture d’une espèce de sixième sens, appelé sens commun, moins parce qu’il est commun à tous les hommes, que parce qu’il résulte de l’usage bien réglé des autres sens, et qu’il nous instruit de la nature des choses par le concours de toutes leurs apparences. Ce sixième sens n’a point par conséquent d’organe particulier : il ne réside que dans le cerveau, et ses sensations, purement internes, s’appellent perceptions ou idées. C’est par le nombre de ces idées que se mesure l’étendue de nos connaissances. Ainsi ce que j’appelais raison [316] sensitive ou puérile consiste à former des idées simples par le concours de plusieurs sensations ; et ce que j’appelle raison intellectuelle ou humaine consiste à former des idées complexes par le concours de plusieurs idées simples.

Avec ma méthode naturelle, nous avons amené notre élève, à travers les pays des sensations, jusqu’aux confins de la raison puérile : : le premier pas que nous allons faire au-delà doit être un pas d’homme. Considérons ce que c’est qu’un enfant fait. [317]

Nous ne voyons pas forcément les choses telles qu’elles sont (226) mais avec l’imagination de ce qu’elles vont être comme les paysages selon les saisons. [318]

On voit la nature au printemps comme elle sera en été. En automne notre imagination est bloquée par le spectacle de l’hiver.

« Telle est la source du charme qu’on trouve à contempler une belle enfance préférablement à la perfection de l’âge mûr. » Le plaisir à voir un homme est plutôt rétrospectif et nostalgique. L’idée de la nature déclinante efface tout notre plaisir. Il n’y en a point à avancer vers la mort.

Mais quand je me figure un enfant de dix à douze ans, (227) il ne me vient que des visions agréables pour le présent et l’avenir. ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l’imagine homme, [319] et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit.

L’heure sonne où l’enfant doit abandonner la joie et ses jeux. On l’emmène dans une chambre avec des livres et plein de regrets, il pleure.

O toi qui n’a rien à craindre de pareil, viens, mon heureux élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné. Il arrive et je sens, à son approche, un mouvement de joie : c’est son ami qu’il aborde. Nous nous accordons toujours ensemble.

Son apparence annonce l’assurance et le contentement ; la santé irradie son visage. Il est plein de vigueur. (228) [320] Il a l’air ouvert et libre. La honte et la crainte ne lui font pas baisser la tête.

« Faisons-lui place au milieu de l’assemblée : messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N’ayez pas peur qu’il s’empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire. »

N’attendez pas de lui des propos convenus mais des paroles franches sans dissimulation ni calcul. [321]

N’attendez point de lui des bons mots. Ses idées sont simples mais nettes ; il ne sait rien par cœur, il sait beaucoup par expérience. S’il lit moins bien qu’un autre enfant dans nos livres, il lit mieux dans celui de la nature ; son esprit n’est pas dans sa langue, mais dans sa tête ; il a (229) moins de mémoire que de jugement ; il ne sait parler qu’un langage, mais il entend ce qu’il dit ; et s’il ne dit pas si bien que les autres disent, en revanche, il fait mieux qu’ils ne font.

Il ne connaît pas la routine, les modèles et l’autorité. Ainsi n’attendez pas des discours apprêtés mais l’expression fidèle de ses idées.

Parlez-lui de ce qui le concerne mais pas de la situation générale des hommes [322] qui ne le concerne pas. (230)

De son côté, s’il a besoin d’assistance, il le demandera au premier venu, roi ou laquais : tous les hommes sont encore égaux à ses yeux. Il sait qu’on ne lui doit rien, que ce qu’il demande est une grâce mais que l’humanité porte à en accorder. Sa voix est accoutumée à la complaisance et au refus. Ce n’est ni une soumission servile ni l’arrogance d’un maître ; c’est une modeste confiance en son semblable, la touchante douceur d’un être libre qui implore l’assistance d’un être libre. Si vous lui accordez, il saura qu’il aura contracté une dette, si vous refusez, il ne vous en voudra pas. [323]

« Laissez-le seul en liberté, voyez-le agir sans lui rien dire ; considérez ce qu’il fera et comment il s’y prendra. » Il sait qu’il est maître de lui et de ses forces et examinera lui-même ce qu’il a besoin d’apprendre sans le demander aux autres. Il s’effrayera moins des risques qu’un autre. Son imagination étant encore inactive (231), il garde plus aisément son sang-froid. Il est toujours prêt à tout.

Il ne fait point de différences entre ses occupations et ses amusements. Il met à tout ce qu’il fait un intérêt qui fait rire et une liberté qui plaît, en montrant à la fois le tour de son esprit et la sphère de ses connaissances. [324]

Mêlez-le avec d’autres enfants et comparez. Parmi les enfants de la ville, nul n’est plus adroit que lui, mais il est plus fort qu’aucun autre. Parmi de jeunes paysans, il les égale en force et les passe en adresse. Dans tout ce qui est à portée de l’enfance, il juge, il raisonne, il prévoit mieux qu’eux tous. Dans toutes les actions, on dirait que la nature est à ses ordres. Il est fait pour gouverner ses égaux ; sans vouloir commander, il sera le maître ; sans croire obéir, ils obéiront.

« Il est parvenu à la maturité de l’enfance, il a vécu de la vie d’un enfant, il n’a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur ; au contraire, ils ont concouru l’un à l’autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l’être. » Si la mort devait l’emporter (232) il n’y aurait rien à regretter. Au moins il a joui de son [325] enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné.

Le grand inconvénient de cette première éducation est qu’elle n’est sensible qu’aux hommes clairvoyants, et que, dans un enfant élevé avec tant de soin, des yeux vulgaires ne voient qu’un polisson. Un précepteur songe à son intérêt plus qu’à celui de son disciple ; il veut juste prouver qu’il gagne bien son salaire, peu importe si ce qu’il lui apprend est inutile. Il présente son élève comme de la marchandise. Or un enfant, non plus qu’un homme, ne se voit pas en un moment. [326]

Il ne faut pas plus lasser l’attention de l’enfant par un excès de questions et pas davantage se fier à la fausse impression d’un bon mot. Il faut avoir beaucoup de jugement soi-même pour apprécier celui d’un enfant.

J’ai entendu raconter cette anecdote par milord Hyde : un de ses amis voulut examiner les progrès de son fils, âgé de neuf à dix ans, après trois ans d’absence. Comme son fils lui fit une réponse si pertinente (233) à propos de l’ombre d’un cerf-volant, le père récompensa le gouverneur de l’enfant.

« Quel homme que ce père-là ! et quel fils lui était promis ! La question est précisément de l’âge : la réponse est bien simple ; mais voyez quelle netteté de judiciaire [327] enfantine elle suppose ! C’est ainsi que l’élève d’Aristote apprivoisait ce coursier célèbre qu’aucun écuyer n’avait pu dompter. » (234) [328]

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