Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 17:17

LE SILENCE ET LA COLERE de Pierre Lemaître, Calmann-Lévy, 2023.

Le village de Tignes avant se destruction.

22. Je ne sais plus où j’en suis moi.

Hélène en voulait au Dr Marelle qui lui avait dit : « Ne faites pas n’importe quoi ». Elle avait failli en parler à Lambert. Elle préféra se rendre seule à la scierie. En chemin, elle croisa Petit Louis qu’elle fit monter dans le taxi. Veuf depuis une quinzaine d’années, Buzier employait sept ouvriers. Il était très en colère contre l’ingénieur : « Il ne sait pas de quoi on est capables » (238).

Le dimanche matin, le Père Lacroix utilisa son sermon pour manifester sa réprobation et qualifier la disparition de l’église de « sacrilège ». Lambert ironisait : « plus ils ont peur, plus ils ont de la religion ». Le Dr Marelle et son épouse étaient là. Hélène se présenta à Besson d’Argoulet. Le mécène était persuadé que « Saint-Thibault était là quatre siècles avant et qu’il sera[it] encore là quand ces messieurs ne seront plus qu’un mauvais souvenir. » (242) Il était persuadé que les avocats finiraient par trouver un vice de forme. Petit Louis était le plus enthousiaste dans cette église. Le Père Lacroix s’exprimait : « L’épreuve qu’Il nous impose aujourd’hui n’est rien d’autre que la juste punition de nos péchés. […] et cette punition, nous devons l’accepter, elle est justifiée puisque Dieu estime salutaire de nous l’infliger. » (245) Le Père Lacroix pressait donc ses ouailles de céder à la volonté divine. La foule était médusée de ce revirement. Hélène partit avec Raymonde et Petit Louis.

23. J’ai insisté, insisté, rien n’y fait.

François n’avait aucune possibilité de surveiller l’atelier de M. Florentin sans se faire remarquer. Il s’installa au Café des Tilleuls en attendant la sortie des ateliers et en lisant le journal. Les interviews de la famille de Mary Lampson et de Marcel Servières avaient produit leurs effets. L’instruction avait été mal conduite.

L’affaire Mary Lampson relancée

Le juge Mallard convoque de nouveaux les principaux témoins.

Il l’avait appris de Jean qui avait été convoqué. François l’avait rassuré. Oscar l’archiviste, avait fourni une liste de noms à François dont il avait retiré progressivement les femmes, les plus âgés, les morts pour ne garder que deux hommes avec l’initiale « M » : un obscur nommé Maurice Baudoin et l’impresario de Mary Michel Bourdet. La conversation de François avec Bourdet tourna à l’aigre.

A 18h, François vit sortir Florentin qui lui dit que Nine venait de sortir : « c’est à vous que j’aimerais parler » (251). Les deux hommes s’installèrent à la terrasse du café. Florentin voudrait arrêter et songeait à Nine pour reprendre l’atelier. Il voulait que François lui en parle. François demanda à Florentin si elle pouvait avoir des problèmes d’argent. Florentin se sentit visé. Il faudrait faire des démarches pour reprendre l’atelier.

24. On ne va pas discuter de ça ici.

Destouches avait recommandé à Hélène de se trouver au village le lundi matin tôt. Elle rejoignit Lambert qui s’inquiéta de son état. Elle pensait aux mots de Raymonde : « Si vous avez besoin de quelque chose ». (255) Petit Louis était là à l’entrée du village. Elle le fit monter à l’arrière. Une foule inhabituelle se pressait devant la mairie. Un arrêté préfectoral avait été placardé pendant la nuit précisant que le village n’avait plus d’existence administrative et que le village de Chevrigny-le-Haut était créé. Émile Blaise le boulanger interpella le médecin ; Rosalie Bourdon avait fermé l’école ; une masse vindicative grondait. Hélène donna à Petit Louis un modèle réduit de taxi. Trouvé à Châteauneuf. Raymonde sourit. ; elle proposa à Hélène de passer la voir. Des hommes étaient en train de scier les panneaux de la ville. C’est Destouches qui en avait donné l’ordre. Buzier s’avança et la bagarre commença pendant laquelle Lambert se prit un coup de poing. Les ouvriers préfectoraux préfèrent détaler. Les résistants savouraient leur victoire.

« Quelle bande de cons…, murmura Destouches » alors qu’on rassemblait les blessés. Il insista pour qu’on appelle le Dr Marelle. Antoine Cristin, le secrétaire de mairie prévint alors l’ingénieur que la préfecture le demandait. Il y avait un attroupement devant la mairie ; les grilles avaient été refermées sur deux camionnettes de la préfecture. Une demi-douzaine d’agents s’activait. Destouches et Cristin se firent ouvrir la grille. Les hommes déménageaient les archives de la ville pour les transférer à Chevrigny-le-Haut. Un homme assurait le pointage des pièces. Et à un moment, la porte céda, des villageois se ruèrent sur les employés.

Hélène était allée chez Raymonde. « Tu es sûre de toi, ma petite ? » (265) Elle ressortit vingt minutes plus tard. En la voyant le Dr Marelle s’arrêta : « Raymonde sait ce qu’elle fait, mais ça n’est quand même pas… […] venez à mon cabinet mercredi matin. Tôt. Vers six heures et demie. […] (265) Je vous poserai une sonde. »

Le précédent du « hachis parmentier » avait créé un droit à Destouches. Il était attendu ce soir-là avec impatience dans le café où l’on commentait le revirement du Père Lacroix. Le journal titrait :

Disparition de Chevrigny

« Dieu nous commande d’accepter »

Évoquant le Déluge, le père Lacroix intime aux fidèles de se soumettre à la volonté divine, provoquant la colère et la tristesse des réfractaires au projet de barrage.

En première page, l’édito de Denissov, intitulé « Le village et le pays » incitait la population à faire passer le progrès et l’intérêt général avant leur nostalgie. Hélène se sentait désavouée. Heureusement, personne ici ne s’intéressait à cet édito ; l’article d’Hélène, au contraire, était commenté favorablement. Alors que Destouches s’apprêtait à manger son lapin à la moutarde, Buzier vint le provoquer : « on fait moins le malin ! »

Bagarres à Chevrigny

« Personne ne nous volera notre mémoire ! »

La population s’est violemment opposée au transfert des archives municipales.

25. Vous allez finir par y arriver, c’est certain…

Jean fit des cauchemars la veille de sa convocation chez le juge Mallard. Cette convocation avait au moins le mérite de repousser de repousser un voyage à Charleville pour voir les fournisseurs. Geneviève fit alors des pieds et des mains pour obtenir une modification du rendez-vous chez le juge. Celui-ci se montra avenant avec Jean qui s’en tint à sa déclaration précédente. Mallard lui demanda comment allait son couple. « L’existence de Jean devait tout à ses impulsions criminelles. Sans elles, il n’aurait rien été d’autre qu’un mari complaisant, cocu et grotesque. » (277) Jean répondit que sa femme avait beaucoup de caractère. Mallard regrettait que Lenoir n’ait pas recueilli les empreintes digitales lors de la première instruction. Il fallait s’acquitter de cette formalité. Le journal titrait :

La miraculée du Charleville-Paris

Voici, selon le témoin crucial, le portrait de l’assassin

Mallard remercia Jean de sa visite et lui parla du déplacement professionnel qu’avait évoqué sa femme. Il répondit qu’il allait à … Orléans. Quand il eut fermé la porte, le juge se laissa aller à une réflexion : « Avec la femme qu’il a, qui ne deviendrait pas meurtrier… pourquoi pas lui ? » (280) Geneviève, elle, ne se posait aucune question sur cet entretien. Elle montra l’exemplaire du journal avec le portrait-robot : « Ça n’a rien de ressemblant ? déclara Geneviève. Ça pourrait être n’importe qui ! C’était la première fois que son épouse disait aussi clairement qu’elle connaissait toute la vérité. » (281) Jean évoqua la prise d’empreinte. Elle lui demanda de se laver les mains pour éviter de tacher ses vêtements. En milieu de matinée, il prit le train pour Charleville.

Révélation dans l’affaire Mary Lampson ! Le juge Mallard exhume une empreinte digitale inconnue

Marquée du sang de la victime, elle pourrait être celle de l’assassin !

26. On va faire ça discrètement.

Hélène était irritable mais Lambert s’efforçait de ne pas prendre personnellement ces sautes d’humeur. Ils arrivèrent à Chevrigny. L’ingénieur annonçait le transfert des archives départementales. Sept autocars de gendarmes avaient été appelés en renfort. Petit Louis était fasciné par leurs uniformes. Destouches parlait avec le capitaine de gendarmerie : « Quelqu’un a fait sauter le transformateur. A la dynamite. » (287) Tout le monde était sidéré par la nouvelle. Mais la charge n’était pas suffisante pour faire sauter le transfo. On avait identifié le dynamiteur : M. Besson  d’Argoulet. Il était en fuite et la police était à ses trousses. Hélène suggéra alors à Lambert de monter à Saint-Thibault. Ils y trouvèrent Besson.

Attentat à Chevrigny

Le transformateur de 15.000 volts échappe de justesse à un dynamitage.

27. Je n’aime pas trop ces conversations.

Hélène aurait dû faire l’économie du sandwich avec Lambert. Le mercredi matin, elle s’était rendue chez le Dr Marelle qui lui avait posé une sonde. En quittant le cabinet, elle avait croisé la femme de ménage. Vers 19h30, donc, elle se rendit au café pour ce fameux sandwich. Au comptoir, Buzier faisait du bruit. Les Vinchon, les Retailleau faisaient leurs valises. Soudain, Hélène fut transpercée par un élancement fulgurant et par un puissant besoin d’aller aux toilettes. Trop tard, sa robe était rouge de sang. Lambert l’enveloppa dans son manteau et l’emporta dans sa voiture. Elle criait. Lambert alla sonner chez Marelle qui s’occupa d’elle. Finalement Lambert la reconduisit à son hôtel : « C’est arrivé à ma plus jeune sœur. J’aurais dû être ambulancier. » (297). Elle finit par s’endormir.

II. Deuxième partie

28. Pour le principe.

Palmari, sa femme Augustine et leur fille Lucette se sentaient mal. Peut-être à cause des paupiettes de la veille. Il demanda à Cosson d’aller chercher Georgette Bellamy. Il reprit son chantage au déferrement. Elle cherchait quelque chose à dire. Ce qui lui vint alors, c’est cette jeune Parisienne jolie. Elle donna les informations que voulait Palmari. Elle avait vu le Dr Marelle le vendredi matin. Il voulut que Cosson se renseigne sur cette journaliste.

Le lendemain matin, Hélène se retrouva seule dans sa chambre, honteuse de s’être donnée en spectacle. Elle commanda un taxi et se rendit chez Raymonde qui comprit qu’elle avait changé d’avis. Autour d’un café, les deux femmes discutèrent de la mort du fils de Rosalie sur le barrage. Raymonde lui avoua que Rosalie avait martyrisé petit Louis quand il était dans sa classe. « Peut-être que le bon Dieu l’a punie. » Puis Hélène voulut repasser chez Marelle pour le remercier et le payer.

29. Il faut que je vous parle.

Jean était troublé par son mensonge véniel sur Orléans. Il monta dans le train pour Charleville. Les journaux parlaient de la « miraculée » et du témoin. Les portraits qu’ils faisaient du coupable ne coïncidaient pas. En arrivant à Charleville, il renonça à prendre un taxi, de peur d’être reconnu puis il se rendit à son rendez-vous. En attendant son train, il eut l’idée d’aller dans un restaurant du centre-ville, le Saint-Hilaire et c’est là qu’il reconnut le garçon à la moustache blonde qui les avait servis. « On s’est déjà vus, non ? » demanda le garçon. « Mais dites donc, vous ne seriez pas ? » (310) Jean s’enfuit en oubliant son chapeau et son manteau. Deux hommes l’avaient pris en chasse mais il réussit à les semer. Vingt minutes plus tard, Jean s’effondrait sur le siège du compartiment.

Dans l’escalier, il entendit les cris de Colette. Geneviève lui demanda ce qu’il faisait là, elle avait un martinet derrière le dos. Geneviève l’attaqua alors sur les 20.000 F en l’accusant d’entretenir une maîtresse. « Et puis non, tu es trop mollasson pour mettre une donzelle en cloque, j’en sais quelque chose. » Geneviève ne s’arrêtait pas. « Depuis leur mariage, depuis leur rencontre même, Geneviève régnait sans partage sur leur couple et à la manière d’un chef autoritaire qui sourit à des fautes vénielles mais s’arc-boute dès que son autorité est en question, face à un écart majeur. C’était une affaire d’argent, donc de pouvoir. » (314) Elle lui donnait trois jours pour restituer l’argent. Il devrait aussi rembourser ses vêtements perdus.

Jean se rendit ensuite au magasin. La nouvelle de l’emprunt des 20.000 F ne pouvait venir que de Guénot. On était le 14, l’ouverture était prévue le 28. Mais Guénot voulait parler à Jean : il y avait eu un vol, on avait trouvé une brassière dans le placard d’une ouvrière dont le mari était… syndicaliste et communiste. Pour Guénot, il fallait la licencier. « Ça n’aurait tenu qu’à lui, Jean, cette communiste, cette voleuse, il l’aurait carrément passé par les armes. » (320)

30. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Cosson fournit une note à Palmari : Hélène Pelletier logeait à l’Hôtel Bellevue de Châteauneuf. Le 13, elle était descendue tard. Elle avait été vue chez le Dr Marelle le 12. L’avortement illégal était assez haut dans la hiérarchie des accusations de voisinage. Et le Dr Marelle était cité une dizaine de fois dans les lettres de dénonciation. Palmari avait trouvé un premier fil. « Faire tomber des coupables est en soi gratifiant, mais la récompense est accrue lorsqu’ils bénéficient d’une réputation vertueuse. » (322) Palmari demanda à Cosson de faire un relevé exhaustif des patientes du Dr Marelle. Palmari demanda des moyens légaux d’investigation au juge Maudet qui les lui accorda.

Palmari se rendit donc chez Marelle en fin de consultation. Il voulait que le médecin lui fournisse des informations sur Georgette Bellamy, suspectée d’avoir procédé à un avortement début février. Il commençait à menacer le Dr Marelle. Il présenta alors le pouvoir du juge. Il avait les noms de quatre patientes que le médecin avez adressées à l’hôpital de Châteauneuf pour des curetages utérins au cours des deux années précédentes. Il voulait consulter les dossiers de Marelle. Puis Palmari aborda la question d’Hélène. Il connaissait les horaires de ses visites. En quittant le cabinet, Palmari fit allusion aux lettres de dénonciation qui le visaient. « Alors, vous en êtes là ? à remonter à l’Occupation ? » […] « Ce que les gens font une fois, ils le font toujours. » (329)

31. Vous voyez ce que je veux dire …

M. Florentin s’était montré persuasif. Nine s’était rendue à la mairie du XIVe pour y demander un acte de naissance. François devait entrer chez elle clandestinement pour le consulter.

Affaire Mary Lampson :

L’empreinte digitale inconnue n’appartient… à personne

François pensait au juge Lenoir qui avait accumulé tant d’erreurs. Depuis 1948, six témoins étaient morts, quatre avaient disparu. Pour François, la meilleure approche restait l’énigmatique « M » auteur du billet. Une heure plus tard, il pénétra chez Nine et trouva le document : Catherine Alberte était née le 30 août 1926 à 22h, fille de Henri Keller, né le 1 » février 1895, médecin et de Clémence Renée Villard, née le 11 mars 1900, domiciliés 45 rue de la Reine-Claude à Neuilly-sur-Marne. Pourquoi avait-elle menti ? Il remit le papier à sa place et partit.

L’affaire Mary Lampson lui offrit une excellente diversion sous la forme d’un message de Line Marcia qu’il avait croisée aux obsèques de l’actrice. Il espérait que cette amie de Mary l’aiderait à comprendre s’il y avait un autre homme dans la vie de Mary. Lors de leur rencontre, ils parlèrent de Bourdet et de Baudoin. Ce ne pouvait pas être Bourdet : il était homosexuel (les termes qu’employa Line choquèrent François). La conversation se recentra sur Baudoin. Les trois amis avaient fait ensemble le cours Dechartre ; il s’était avéré très mauvais. Le mariage de Servières et de Mary avait tout du coup de publicité monté par leur impresario.

32. J’ai l’esprit critique.

Jef Lombard avait pris ses quartiers chez les Pelletier après avoir été adoubé par Angèle. Louis avait pris en charge le reste, y compris un article complaisant dans le Messager du Levant, grâce à son ami Damien Debbas :

« Lucien Rozier est un véritable champion »,

déclare Jef-le-Légendaire qui entraîne maintenant le jeune prodige du ring

            Jef entraînait Lucien six heures par jour et la rumeur se répandait mais le jeune boxeur ne faisait aucun progrès. La stratégie de Louis trouvait ses limites. Le prochain adversaire de Lucien était apparemment malade. Hamid Mokkadem demanda un report du combat, ce que les organisateurs refusèrent. Sur le ring tout semblait donc opposer Lucien Rozier à Hussein Daddoul mais finalement c’est Lucien qui remporta le combat. Pour Angèle, cette victoire était une mauvaise nouvelle : Lucien devrait disputer un autre match. Mais elle avait d’autres sujets d’inquiétude : « Je préfèrerais que notre petite Colette n’ait pas perdu son père avant d’avoir fait sa connaissance. » (348)

33. Oui, monsieur, elle est à moi !

Lundi 17 mars, à l’heure où Hélène s’apprêtait à remettre 20.000 F au Dr Marelle, où François s’entretenait avec une actrice au chômage, où Jean attendait le licenciement d’une voleuse communiste, Colette s’écrasait sur le palier après avoir dévalé un étage entier. Son crâne avait heurté l’arête des marches, il saignait et son bras faisait un angle bizarre. C’est Mme Faure qui avait découvert Colette mais c’est Mme de Lucia, la concierge qui avait été la première à réagir en faisant appeler les pompiers. Il avait fallu réveiller Geneviève qui dormait sur son fauteuil qui s’était montrée tout de suite désagréable : « Qu’est-ce que vous avez fait à ma fille ? » Elle n’était pourtant pas descendue pour autant l’étage qui la séparait de sa fille, accusant Mme Faure de meurtre. Quand les pompiers étaient arrivés, elle les avait copieusement insultés : « Attention, bandes d’assassins ! Vous allez me la tuer » tout en criant : « Au secours, j’accouche ! » Quand le capitaine des pompiers avait voulu l’examiner, elle avait hurlé : « Il ne manquerait plus que ça ! Au. Secours ! Au viol ! » Le capitaine avait évalué l’état de la mère et avait considéré qu’il valait mieux hospitaliser la petite : « Si on m’interdit d’accompagner ma fille, je me jette dans l’escalier ».  On avait donc emmené la fille inanimée et la mère hystérique à Lariboisière. Les habitants de l’immeuble discutaient encore de l’incident. Tous se demandaient ce que faisait la petite fille dans l’escalier alors que la mère dormait. Il fallait prévenir le père.

M. Georges tenait à ce que Jean soit présent au licenciement de Lucienne Jouffroy. Mais celui-ci était préoccupé par d’autres choses : l’empreinte anonyme et les 20.000 F Geneviève lui avait donné un ultimatum et elle se montrait menaçante : « Ma pucette, que tu vas être bien triste…ton père dilapide l’argent de… [….] Je pourrais t’envoyer à la guillotine […] je te le promets, je viendrai te voir sur l’échafaud avec tes deux enfants ». Ce licenciement proposé par Guénot, réveillait chez Jean des souvenirs de la savonnerie. La découverte du vol donnait à Jean des envies de peloton d’exécution. Il aurait balancé Guénot à la flotte en même temps. En se rendant à l’événement organisé par le gérant, il fit un détour par la gare de l’Est où il acheta l’Est éclair qui titrait :

L’assassin de Charleville-Paris est sans doute parisien

Son manteau et son chapeau conduisent les enquêteurs… à la Samaritaine.

            Jean n’avait pas imaginé que le chapeau acheté trois ans plus tôt à la Samaritaine avec Geneviève avait un numéro de lot. Geneviève avait fait tout un cirque. Guénot n’avait pas précisé le sujet de la réunion. Les employées s’attendaient à l’annonce des employées retenues après l’ouverture. : « Il y a eu un vol dans le magasin, un vol ! … », annonça Guénot, « … dont le coupable est madame Jouffroy ». Le corps du délit était une brassière retrouvée dans un placard. Guénot affirma que Jean était témoin. Les employées protestèrent : on ne licenciait pas pour si peu. Les choses commençaient à tourner mal quand une secrétaire vint avertir Jean que sa fille était à l’hôpital. Il sauta dans un taxi.

            A 13h15, il était à l’hôpital où Geneviève commença par lui faire des reproches. L’interne l’informa que sa fille avait un bras cassé et qu’elle avait subi un traumatisme crânien ; il craignait une fracture du rocher, ce qui pourrait être grave. Une infirmière essayait de calmer Geneviève. Des radios devaient être faites. Jean s’inquiétait qu’on puisse lui enlever sa fille si une enquête était diligentée. Une fois endormie, il alla voir l’interne, il voulait savoir la vérité : les conséquences pouvaient être neurologiques, infectieuses ou sensorielles. Le pronostic vital pouvait être engagé. A son réveil, Geneviève décida qu’il fallait prévenir la famille : « Elle nous en aura fait voir cette gamine, hein, mon Bouboule ? » (368)

34. Ça sera dans le Journal ?

Ne pouvant pas se rendre à Neuilly que le lundi, François passa deux jours à ressasser sa colère. Le taxi le déposa au 45 rue de la Reine-Claude à Neuilly. La grosse maison en meulière portait une plaque : « Dr Henri Keller, ancien interne des hôpitaux de Paris » ; elle était inhabitée. François essaya de trouver des informations dans les maisons voisines. A la quatrième maison, il rencontra une femme qui se présenta comme dame de compagnie. En échange d’informations, elle exigeait un abonnement au Journal du soir. Le médecin avait pris sa retraite l’année précédente, sa femme était morte dans les années 30, sa fille avait disparu en 1944, à la Libération. François ne comprenait pas pourquoi elle avait menti. En rentrant, il appela Nine à son travail. Il avait besoin de la voir. Mais au journal, il trouva le message de Jean annonçant l’accident de Colette.

35. Ce sera un secret entre nous.

Hélène avait pensé rentrer à Paris pour voir Nine mais elle était très fatiguée. Le dimanche matin, Lambert l’appela pour lui proposer d’aller voir un match de football entre Châteauneuf et Vaumont sur le terrain communal de Courlerai. Ils étaient parmi les rares spectateurs.

Le même jour, Palmari prenait la route pour Villeneuve où habitait sa fille Guilaine qui fut surprise de le voir. Son gendre, fonctionnaire aux impôts, était à la pêche. Déjà mère d’un garçon de dix-huit mois, Guilaine attendait un second enfant pour septembre. Palmari voulait qu’elle rende visite au Dr Marelle.

Hélène, qui se reprochait son rapprochement avec Lambert, se rendit chez Dr Marelle pour le payer. Elle le trouva agité. Un policier était venu le voir. Il enquêtait sur des avortements : l’inspecteur Palmari. Il avait demandé des comptes au Dr Marelle sur les curetages utérins. Le médecin était prêt à renvoyer sa femme de ménage. Il regrettait d’avoir aidé Hélène. Elle ressortit éprouvée de cette conversation avant de rejoindre Lambert.

36. Personne ne le savait.

Jean et François qui n’étaient pas très à l’aise ensemble, tombèrent dans les bras l’un de l’autre en se retrouvant à l’hôpital. François voulut savoir ce qui s’était passé ; il passa voir Colette dans sa chambre, Geneviève ronflait sur sa chaise. Il ressortit. Nine arriva avec le chat Joseph. A son tour, elle voulut voir Colette. Ils passèrent ainsi la nuit à attendre. A 22h, Hélène, conduite jusqu’à Paris par Lambert, avait remplacé Nine au chevet de l’enfant. Une heure plus tard, elle s’était mise à rédiger son article.

Mort d’un village français

Chevrigny disparaîtra sous les eaux le 24 mars

Le prochain dynamitage des bâtiments fait sangloter les derniers habitants.

37. Là-bas, ça n’est rien.

Pendant ces heures de veille, Hélène avait tout raconté à Nine. Le matin, on expliqua à la famille qu’on devait faire des radios à Colette, il était donc inutile qu’ils restent. François proposa d’aller déjeuner dans une brasserie. Jean avait télégraphié à Beyrouth. Ses parents arriveraient à 14h. François voulait savoir qui était le « chevalier servant » qui avait accompagné Hélène. On s’organisa : Hélène passerait au journal, Nine rentrerait chez elle pour un brin de toilette, accompagnée par François, Jean retournerait au magasin. Tout le monde se retrouverait à 14h pour accueillir les parents.

38. Cette collaboration a porté ses fruits.

Une délégation de six personnes avait été constituée pour négocier un règlement pacifique au licenciement de Lucienne. Gisèle était face à un paradoxe. Son ex-mari ne payait plus rien pour son petit garçon de quatre ans et son embauche chez Dixie était pour elle vitale, elle aussi avait chipé un maillot de corps pour son fils et elle n’aimait pas Lucienne. Lucienne était arrivée à l’heure de l’embauche et elle restait dans les vestiaires. Jean voulait s’en aller mais Guénot le retint.

Les négociations commencèrent. Guénot, assis derrière son bureau, se montrait intraitable, il était pressé que les employées reprennent le travail. Gisèle plaidait la cause de Lucienne. Une fois les délégués partis, Guénot savoura sa victoire. Il évoqua Geneviève qui devait être satisfaite de ses services : « Je crois pouvoir dire que cette collaboration avec elle a, si je puis dire, porté ses fruits. » (406) Jean était défiguré par cette révélation. Le calendrier de la grossesse de Geneviève s’éclairait : « Conception en août, période d’embauche de Guénot. » Cette découverte était aussi stupéfiante que douloureuse. Il s’interrogeait sur la nature de la relation entre Geneviève et Guénot. Il quitta le bureau.

39. Je ne comprends rien à ce qu’elle dit.

Arrivés au Bourget à 13h, Angèle et Louis se rendirent directement à l’hôpital où on les mit au courant de l’état de santé de Colette. « Elle est tombée, voilà tout !» dit Geneviève. Louis n’était pas satisfait de la réponse. Elle n’était pas avec elle sur le palier. Mais Angèle coupa court à l’interrogatoire. Vexé, Louis décida de descendre fumer suivi de ses enfants. Il demanda à Jean des nouvelles de son affaire et du journal à François puis il leur reprocha de ne pas s’enquérir des progrès de Lucien. Quand ils remontèrent, ils virent Colette plâtrée. On attendait la visite du radiologue. Jean était ému de revoir sa fille. On installa l’enfant près de sa mère. Le radiologue vint enfin et apporta de bonnes nouvelles. « Elle nous a fichu la trouille cette bourrique ! » dit Geneviève. Elle devait rester encore deux jours en observation.

40. Vous êtes un menteur.

Angèle proposa de tenir compagnie à Colette. Louis viendrait la relayer ; il était intrigué par le comportement de Geneviève. Il invita Jean à déjeuner. Il voulait passer voir le magasin de la République. Il y avait de l’agitation devant la devanture. Guénot et Jean virent arriver les représentants des syndicats qui faisaient planer la menace d’une grève illimitée. Guénot ne voulait rien entendre. Louis était songeur. En trente ans, il n’avait procédé à aucun licenciement à la savonnerie. Au retour de Jean, Louis l’interrogea sur les circonstances de l’accident de Colette. Jean répondit qu’il n’était pas là.

Hélène était revenue à Chevrigny où l’attendait Lambert. Des hommes avaient planté devant l’hôtel un grand mannequin représentant Destouches et y avaient mis le feu. L’ingénieur restait pourtant placide. La préfecture avait également décidé que la cloche serait fondue. Hélène descendit devant la scierie où on démontait les machines. On déménageait aussi la boulangerie d’Émile Blaise. On venait chercher la cabine téléphonique. La ville cependant, était encore loin d’être vide. Hélène croisa Besson d’Argoulet qui descendait d’un taxi. Il la remercia. Il y avait beaucoup de monde au Café de la Place. Destouches arriva, suivi de Buzier qui fut invectivé par Blaise. Les deux hommes faillirent en venir aux mains pendant que l’ingénieur s’apprêtait à manger son gratin dauphinois.

41. Avec une belle photo de toi !

Jean était marquée par cette grève surprise à huit jours de l’ouverture. Guénot et Geneviève essayèrent de le rassurer. A l’extérieur les syndicalistes brandissaient des banderoles : « Non aux licenciements abusifs ! » Au milieu de la foule, Louis cherchait à comprendre. On voulait empêcher les remplaçantes d’entrer dans le magasin. Guénot avait appelé la police. Comment tout ceci allait-il tourner ? Jean regrettait d’avoir donné raison à Guénot. Il fut interpellé par deux ouvrières et rentra chez lui, apeuré.

Angèle avait tenu à faire la cuisine. La petite en était pour une grosse bosse Louis rentra, bientôt suivi de François et de Nine. « Alors, Bouboule, ton magasin est en grève avant même d’être ouvert ? » dit François qui avait été averti par un reporter du journal. « Un complot communiste ! » cria Geneviève. « Des communistes ont infiltré l’entreprise dans le but de nous ruiner ! » Personne ne donnait crédit à de tels propos. François voulait que Jean fasse une déclaration. Mais celui-ci ne tenait pas à ce que son portrait se retrouve à la Une du journal. Louis suggérait de négocier. « Sont-elles bien payées, ces ouvrières ? » demanda Nine. « Trop ! » répondit Geneviève. Une fois de plus, c’est Angèle qui chercha à calmer le jeu. Louis préféra ressortir.

42. Je suis un peu pressée de rentrer.

François remercia Nine de l’avoir accompagné. Ils allèrent dans une brasserie. « Où on en est ? dit Nine. – Je t’aime, Nine. » Ils se prirent les mains. Nine avait lu son papier sur Mary Lampson. Pour Nine, le mot trouvé dans le sac ne concernait peut-être pas une grossesse mais son mariage. François lui raconta son entrevue avec Line Marcia, le mariage arrangé par Bourdet. Il pourrait s’agir d’un amant déçu. François appela donc Bourdet : un assistant opérateur avait participé aux deux longs métrages de Mary : Stern. C’est elle qui l’avait imposé.

Jean n’osait pas revenir Place de la République. Tout allait très bien, selon Guénot. L’équipe remplaçante était plus efficace que la première. Le magasin était protégé par deux haies de policiers. Guénot était prêt à licencier tout le monde. Pour être gréviste, il fallait être employées, or elles ne l’étaient plus, pensait Guénot. En quittant l’entreprise, Jean se retrouva face à Gisèle qui lui demanda de l’écouter. La femme lui faisait de l’effet. Elle se présenta : Gisèle Bonvoisin et commença : « Si vous saviez comme nous sommes traitées… » (450).

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de POT ETHIQUE A LENTS TICS
  • : Commentaires sur l'actualité politique et culturelle. Poésie. Parodie. Lettres-philosophie en CPGE scientifiques.
  • Contact

Profil

  • POT ETHIQUE A LENTS TICS

Recherche

Pages

Catégories